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Dans la nuit du 9 juillet 1812, le pape Pie VII est prévenu qu’il va quitter le palais épiscopal de Savone, dans le Golfe de Gênes où il est retenu prisonnier depuis le 16 août 1809, pour aller en France. Afin qu’il ne soit pas reconnu, on l’habille comme un simple prêtre, et on lui teint ses mules rouges, à l’encre noire ! Tout cela est mené par le capitaine de gendarmerie Lagorsse, geôlier du Pape depuis 1811.
Rome, conquise, annexée, est devenue une ville impériale, préfecture du département du Tibre, et un vieillard de 70 ans oserait résister à Napoléon, refuser que Paris la capitale de l’Europe, devienne celle de l’Église ?
Le voyage a pour destination Fontainebleau, car la proximité de Paris doit permettre à Napoléon d’installer le Souverain Pontife à Paris, avec tous les cardinaux, et même les archives du Vatican, que l’on est en train de transférer. En cet été 1812, l’Empire est à son apogée, Napoléon a épousé la fille de l’empereur d’Autriche, la Russie va bientôt être envahie et le tsar battu, c’est du moins ce que pense l’Empereur. Rome, conquise, annexée, est devenue une ville impériale, préfecture du département du Tibre, et un vieillard de 70 ans oserait résister à Napoléon, refuser que Paris la capitale de l’Europe, devienne celle de l’Église ?
Intraitable sur l’essentiel
L’objectif est clair mais le processus doit rester secret. Le préfet de Savone fait croire que son prisonnier y est toujours, tandis que le vrai Pape, déguisé, roule de nuit, ne s’arrête que dans des villages, et pour qu’il passe discrètement le col du Mont Cenis, la gendarmerie en a interdit toute traversée pendant 27 heures. Tout devrait bien se dérouler puisque le Saint-Père, intraitable sur l’essentiel, accepte de se soumettre aux ordres, qu’il juge secondaires. Mais le pauvre homme souffre d’une infection urinaire, qui ne fait qu’empirer au fur à mesure du voyage. Le convoi arrive péniblement dans la nuit du 11 au 12 juillet à l’hospice du Mont-Cenis, qui est tenu par quelques bénédictins. Le Pape est tellement souffrant que les religieux sont affolés et que le geôlier Lagorsse demande l’autorisation de s’arrêter quelques jours pour que le Pape sorte de la crise qu’il subit. Mais qui peut donner une telle autorisation alors que l’Empereur est en chemin vers la Russie ? Le prince Borghèse à Turin ? Le duc de Rovigo, ministre de la Police à Paris ? Ils reçoivent des nouvelles par le télégraphe optique, mais Napoléon est trop loin et personne ne veut prendre la responsabilité d’une initiative qui irait contre les ordres impériaux.
Le dimanche 14, Pie VII est mourant, on lui donne le viatique et l’extrême-onction, alors Lagorsse simple capitaine de gendarmerie, se débrouille, viole l’emploi du temps prévu, trouve un bon chirurgien qui soigne le Pape, et ne repart que le 15 juillet dans la nuit, emportant le Saint-Père allongé sur un matelas de fortune, dans une voiture dont les rideaux doivent rester baissés. Quatre jours après, le convoi arrive à Fontainebleau, si secrètement que personne ne l’attend ! Pendant ce voyage, le Pape n’est pas sorti, la voiture roulait nuit et jour, avec deux courts arrêts pour manger un œuf, ou sucer une pomme.
Un homme bon et pieux
Et malgré toutes ces précautions, des personnes l’ont reconnu, surtout au départ en Italie, mais même en France. Pourquoi ? Parce que Pie VII est un homme célèbre, il a traversé la France en 1804-1805 pour le sacre impérial, et qu’à cette occasion des centaines de milliers de personnes l’ont vu, ont été surprises et séduites par sa simplicité et par sa piété, puis marquées par sa détention, que certains appellent déjà son martyre. Pie VII est devenu le premier Pape populaire de l’Histoire, et cette image ne fera que se développer au cours de son emprisonnement à Fontainebleau, et encore plus au cours de son voyage de retour en Italie, et durant le reste de son pontificat. On voit aussi dans cet exemple qu’il est un homme bon, qui ne se plaint pas auprès des subalternes et qui sait distinguer le mal qu’on lui fait ici, des grands biens qu’on lui a fait précédemment. C’est pourquoi il a toujours gardé un sentiment favorable envers Napoléon Bonaparte, qui a, par le Concordat de 1801, rétabli l’Église catholique romaine en France.
Pratique :