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De quoi avons-nous peur ? Nous avons peur de tomber malade. Nous avons peur de vieillir et nous avons peur de la mort. La diminution de nos forces nous fait peur. Nous craignons de manquer d’argent. Nous redoutons de n’être pas à la hauteur de nos tâches, d’être dépassés par les événements, par notre vocation, de ne pas y arriver ou de ne pas savoir donner à nos proches ce qu’ils attendent de nous.
La peur de la mort est légitime
Commençons par écarter les solutions faciles qui pèchent par défaut d’humanité. Dire que mourir, ce n’est pas grave, puisqu’on ressuscitera, ou que la maladie, ce n’est rien ou pas grand-chose, qu’il faut savoir "supporter les épreuves en chrétien", ces lieux communs et d’autres ne respectent ni les vraies peines ni ceux qui y sont affrontés. Non ! La vieillesse est un naufrage, disait de Gaulle, et c’est vrai. La maladie, l’authentique maladie qui brise ou handicape durablement — je ne parle pas des grippes saisonnières —, c’est un drame. La mort… S’il m’est arrivé à plusieurs reprises d’assister au dernier soupir apaisé d’un moine, la mort d’un proche et les longues années d’épuisement qui la précèdent permettent parfois d’approcher les rives du néant. L’absurde, dans toute son ampleur. Le rien, la destruction, un noir d’encre. Les pleurs qui jaillissent alors sont légitimes. Et même la révolte est compréhensible.
Aussi vives que soient les lumières de la foi en la résurrection, un chrétien se trouve devant la mort de ceux qui lui sont chers et devant la perspective de sa propre mort, aussi démuni que quiconque. Comment la foi chrétienne peut-elle retourner la mort et faire de la maladie, des impuissances de la vieillesse, une promesse ?
Vieillir : tout ce qui fut amassé dit sa valeur
Nous vivons donc dans une contradiction intérieure. Nous ne voulons pas mourir, nous ne voulons pas voir mourir ceux que nous aimons, mais nous ne désirons pas continuer à exister de manière illimitée. Vieillir… Le visage se fripe, les forces vous abandonnent. Il peut arriver que les pensées s’égarent, que les idées se grippent à l’intérieur, que le regard se perde dans le lointain, décroche, erre loin de ceux qui vous aiment et se tiennent à vos côtés. Passé et présent se mélangent. C’est un premier pas dans l’éternité. Vieillir, c’est le temps de la dépendance, l’absolu dénuement. Solitude et mendicité. Le grand âge, une offre pour s’engager vers les sommets de la vie intérieure ? "Quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais ; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas" (Jn 21,18). Vieillir… Les jambes fonctionnent mal ou plus du tout. Toute contrariété devient un drame. Sous cette écorce rugueuse, cependant, le fond du cœur demeure accessible. Et s’il fut habité, des années durant, par la prière et l’attention aux autres, il en reste des traces sur le visage et dans les comportements.
L’espérance… Comment pourrait-on imaginer qu’elle s’évapore à cette heure-là ?
Un peu de patience émerge de cette rugosité. La prière… Qui sait où elle se cache ? La foi… Qui dira où elle s’est réfugiée ? L’espérance… Comment pourrait-on imaginer qu’elle s’évapore à cette heure-là ? Une heure qui dure des mois, voire des années. Tout ce qui fut amassé révèle son authentique valeur : les biens périssables qu’on n’emportera pas au paradis ; les trésors d’amour et de don de soi qui demeureront.
L’approche de la mort
Comment vivre aujourd’hui pour bien vieillir demain ? Comment négocier ces petites morts quotidiennes qui proposent des abandons forcés, afin de nous installer déjà dans cette vie de l’au-delà ? Ces mille contrariétés récurrentes qui peuvent devenir promesses, quand nous savons découvrir les trésors qu’elles cachent… Consentir, à longueur de mois, à ce que les petits mondes construits pour protéger notre confort, nos intérêts et notre fierté s’écroulent, puis croire, croire, croire dur comme fer que le Seigneur offrira, pour notre consolation, le centuple de ce que nous aurons consenti à abandonner. Croire, ce n’est pas voir…
Mourir… un gué. L’eau en est noire et glacée. Son approche peut paraître interminable ou, au contraire, elle peut s’inviter soudaine, inattendue. Pour certains, elle est presque douce, pour d’autres elle est peineuse et douloureuse. Parfois, un abîme, surtout pour les proches. Ne me privez pas de cette heure cruciale que je voudrais vivre en toute conscience. La présence des proches et leur prière sont bienfaisantes. On dit pourtant que les grands moines, la sentant venir, s’éloignent de leurs frères pour l’affronter face à face. Le visage se fige, le regard s’éteint, le corps semble se détendre. C’est fini… Une autre vie commence. Combien la vie est heureuse quand la mort est à sa place !
Pratique :