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Face aux abus sexuels, la lumière de la théologie du corps

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Yves Semen - publié le 27/10/22
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Les abus sexuels dans l’Église ont-ils pour origine l’enseignement d’une morale sexuelle inadaptée, comme le suggérait le rapport de la Ciase ? Méconnue, parfois déformée, la théologie du corps développée par saint Jean Paul II est pourtant un rempart dont l’Église dispose selon Yves Semen pour mettre un terme aux abus sexuels.

L’ "affaire Santier" a provoqué de nombreuses et légitimes réactions, notamment sur la politique du secret dans l’Église. Il est en effet surprenant, pour ne pas dire scandaleux, qu’un prêtre qui a dévoyé le sacrement de la miséricorde pour commettre des actes de perversion sexuelle sur de jeunes adultes ait pu être nommé successivement évêque de deux diocèses avant d’être rattrapé par ses turpitudes. La confiance des chrétiens dans leurs pasteurs a été une fois de plus atteinte et on ne peut que le déplorer. Tout comme on ne peut que déplorer l’attribution du mal à la théologie du corps de Jean Paul II, au motif qu’en idéalisant la sexualité, elle serait la cause profonde de toutes les déviances, spécialement chez les clercs contraints à subir leur célibat. 

Une profonde ignorance

Si la critique vise une déformation de la théologie du corps qui conduirait à minimiser les blessures de la sexualité dont la source remonte au péché des origines, soit. Je pense notamment à cet ouvrage de vulgarisation traduit de l’américain qui met l’accent sur ce qu’il y a de plus novateur et de séduisant dans la théologie du corps, mais en gommant presque tout ce que le Saint-Père dit sur l’irruption du péché dans l’histoire des hommes avec toutes ses conséquences sur le cœur humain et le vécu d’une sexualité dès lors irrémédiablement blessée. Cette partie de la théologie du corps sur le péché ne représente pas moins de 40 catéchèses sur les 135, soit 30% de l’ensemble. La résumer en moins de huit pages dans un ouvrage qui en comprend près de 150, n’est pas juste. Certes, le seul indice quantitatif n’est pas totalement probant, mais il suffit pour dire que c’est là une déformation regrettable de l’enseignement du saint pape, à tout le moins une erreur de perspective fondamentale.

En revanche, affirmer sans aucune justification que la théologie du corps sublime le rapport au corps, idéalise la sexualité, sacralise la conjugalité de manière très théorique en ignorant les difficultés de la vie sexuelle, c’est tout simplement afficher une profonde ignorance de l’enseignement de saint Jean Paul II.

La vocation du don

En l’occurrence, la théologie du corps bien comprise apparaît clairement comme le rempart dont l’Église dispose pour mettre un terme aux abus sexuels. En permettant de comprendre la vocation de la sexualité au don — pour les personnes mariées comme pour celles qui ne le sont pas —, en montrant comment le péché détourne de la vocation du corps humain et engendre peurs, échecs et perversions, en manifestant comment l’accueil de la rédemption permet de s’y ordonner à nouveau, en dévoilant la promesse des noces éternelles dont la vie sacramentelle constitue un avant-goût, la théologie du corps met en lumière, comme jamais l’Église n’était encore parvenue à le faire, la grandeur de cette vocation du corps et de la sexualité que nous portons, il est vrai, dans ses vases d’argile. Elle montre également la profonde cohérence de la foi chrétienne qui, de l’accueil du mystère de l’incarnation à l’affirmation de la résurrection, est centrée sur la vocation du corps humain dans le cœur de Dieu. 

La théologie du corps (...) invite ainsi le prêtre à faire, comme le Christ, don de lui-même à l’Église qui est son épouse.

C’est probablement pourquoi cette théologie du corps est la source de tant de conversions profondes, que tant de couples se sont reconstruits après l’avoir reçue et que des prêtres y ont trouvé la révélation de la dimension sponsale de leur sacerdoce. S’agissant plus particulièrement des prêtres, la théologie du corps pose les fondements sur lesquels peut se déployer la configuration première et fondamentale du prêtre au Christ-Époux. Elle invite ainsi le prêtre à faire, comme le Christ, don de lui-même à l’Église qui est son épouse. Cette donation sponsale [de sponsum, la promesse, Ndlr], en même temps qu’elle donne sens au célibat ecclésiastique en en faisant bien davantage qu’une simple obligation, constitue l’antidote contre toute espèce de volonté de domination qui pourrait conduire à des mécanismes d’emprise. Que ne le dit-on pas assez !

Retrouver une espérance

Il est vrai que cette théologie du corps n’est pas facile d’accès dans ses catégories conceptuelles et son vocabulaire. Elle requiert un réel effort pour se laisser découvrir et intégrer. Peut-être certains de ceux qui s’en sont faits les vulgarisateurs l’ont-ils parfois simplifiée à l’extrême dans le souci de la rendre accessible au plus grand nombre au risque de caricaturer la pensée de Jean Paul II. Mais c’est parce qu’ils l’ont fait que cette lumière de la théologie du corps est sortie de sous le boisseau depuis moins de vingt ans et commence seulement à porter du fruit.  

C’est en inscrivant cet enseignement dans les programmes de tous les séminaires et de tous les noviciats, comme dans les programmes de préparation au mariage, que l’Église se fera porteuse de la Bonne Nouvelle sur la sexualité que le monde attend d’elle. C’est aussi en formant solidement des personnes qui seront capables de porter l’intégrité de cet enseignement dans toutes les sphères de la pastorale (mariage, famille, jeunes, catéchèse, vocations, fin de vie) qui en ont urgemment besoin. Pas en jetant le discrédit sur cette théologie du corps sous prétexte que certains l’ont peut-être mal comprise. Voilà ce qu’il convient de dire haut et clair devant l’affaire Santier, comme devant toutes les affaires d’abus sexuels, pour que les chrétiens retrouvent enfin une espérance et une confiance dans l’Église que ces douloureuses affaires ont malheureusement mises à mal. 

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