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Le père Matthieu Dauchez a posé ses valises il y a vingt-quatre ans dans Smokey Montain, un bidonville adossé à la décharge de Manille. Ordonné prêtre là-bas, il dirige la fondation Anak-tnk qui recueille des enfants abandonnés. En vingt-quatre ans, elle est venue en aide à plus de 60.000 enfants philippins. Rencontre.
Aleteia : Jeune prêtre versaillais, vous avez quitté la France il y a plus de vingt-quatre ans pour vous installer dans les pires quartiers de Manille, aux Philippines. Que s’est-il passé dans votre vie pour faire un tel choix ?
Père Matthieu Dauchez : L’évidence de la vocation de prêtre a été pour moi très tardive. En ressentant cet appel, je suis entré au séminaire d’Ars avec le désir d’être prêtre diocésain au service du diocèse de Versailles… Je suis très casanier, je n’aime pas du tout bouger ! Pourtant, le séminaire a été une rupture pour moi. Un très bon ami partait en mission à l’étranger. Il m’a dit : "Toi le Versaillais, tu n’en es pas capable !". Il m’a piqué au vif. J’ai dit, avec deux autres séminaristes "allons-y !". Vous voyez, ce n’est pas par générosité ou pour poursuivre un rêve : c’est l’orgueil qui m’a fait bouger ! De fil en aiguille, en lien avec un prêtre jésuite nous sommes partis aux Philippines. L’œuvre Anak Tnk est née à ce moment. Très vite, sur place, je me suis rendu compte que l’œuvre qui était là pour aider les plus pauvres ne pouvait se faire que dans la durée. On s’occupait d’enfants délaissés, abusés, on les recueillait avec toute une équipe remarquable de Philippins sur place. Mais je voyais que ces enfants avaient soif d’autre chose, bien plus profonde qu’un désir matériel.
J’avais la certitude que j’étais appelé là, alors que je n’avais pas du tout le profil à cela. J’étais un pur Versaillais casanier, je n’avais rien à faire dans les rues de Manille !
Le cadre à leur donner n’était pas une aide de l’instant, il fallait que ça dure. Ça m’est apparu très vite. Il y avait une dimension psychologique, aimante, spirituelle, qui n’est vraie que dans la durée. Je me suis dit que c’était une question de vie à donner. Je me souviens très bien un soir posant cette question aux deux séminaristes qui sont partis comme moi en mission : je pensais que leur réponse allait être évidente. Et j’ai été surpris, ils ont dit non. C’est là que j’ai compris qu’il y avait un appel dans l’appel. J’avais la certitude que j’étais appelé là, alors que je n’avais pas du tout le profil à cela. J’étais un pur Versaillais casanier, je n’avais rien à faire dans les rues de Manille ! Le Seigneur va ainsi chercher les instruments les plus improbables et les plus inefficaces pour les mettre dans le champ à moissonner.
Cette certitude ne vous-a-t-elle jamais quitté ?
Jamais. Aucun moment de doute, de remise en question. Il y a des moments difficiles, de découragement, mais ils ne me font pas douter.
Quels sont ces enfants défavorisés dont vous vous occupez ?
On s’occupe de profils très différents. Les enfants des rues, abusés, maltraités physiquement, sexuellement. Aussi des enfants qui, rejetés, ont fui le foyer familial, ce qui est causé par des raisons forcément graves. Nous recueillons aussi des bébés de quelques mois. Il y a également des enfants abandonnés par les familles à cause de leur handicap. Ou certains qui se sont perdus en raison de leur handicap. Notre fondation a en parallèle un programme pour les enfants chiffonniers qui vivent chez leurs parents et qui travaillent sur la décharge de Manille. Ils vivent dans les poubelles et survivent grâce au tri d’ordure. On a avec eux une relation affective, et d’équilibre personnel, moins difficile à gérer qu’avec les enfants qui ont été abandonnés par leur famille et qui sont profondément blessés intérieurement. Nous nous occupons aussi des enfants des bidonvilles.
Les enfants des rues, rejetés par ceux-là même qui doivent leur montrer le plus grand amour, comprennent qu’ils ne sont pas dignes d’être aimés. Leur cœur s’arrête de battre.
On intervient plutôt dans les domaines médical, de la nutrition et scolaire par le biais des formules day-care, c’est-à-dire des centres de jour. Pour les enfants abandonnés, il s’agit des programmes beaucoup plus lourds humainement car on remplace la famille pour leur assurer le quotidien. Enfin, depuis peu de temps, on a un cinquième programme ouvert récemment. Il s’agit des personnes âgées qui vivent dans les rues. Aux Philippines, le sens de la famille est tel qu’on s’occupe de ces personnes âgées, mais la misère est galopante et il y a de plus en plus de personnes âgées abandonnées.
Vous dites que les enfants qui vivent dans les rues sont comme des morts-vivants avec très peu de chances de vivre longtemps…
Oui, les enfants abandonnés dans la rue sont comme des morts-vivants, leur espérance de vie est très courte. Je le comprends non seulement extérieurement — c’est tellement vrai qu’il y a des enfants qui se réfugient dans le cimetière de Manille — mais surtout intérieurement. Les enfants des rues, rejetés par ceux-là même qui doivent leur montrer le plus grand amour, comprennent qu’ils ne sont pas dignes d’être aimés. Leur cœur s’arrête de battre, ils n’ont plus le sens de leur vie, c’est en cela que je les appelle des morts-vivants.
Quand vous les voyez, on a l’impression de voir des zombies, des enfants sous l’emprise de la drogue, très présente dans la rue. La rue ne représente que des dangers. Certains enfants sont victimes de violences physiques et de règlements de compte. Il n’y a pas de lumière au bout du tunnel. Aucune porte ne s’ouvre à eux. On ne vit pas sans amour, cette dignité qui leur est enlevée les transforme en morts-vivants.
N’est-ce pas difficile de les convaincre de rejoindre votre centre ? Comment récupérez-vous ces enfants ?
Je pense souvent, dans ces cas-là, au dialogue entre le renard et le petit prince. C’est le travail des éducateurs de rue. Ils sont aujourd’hui 200. Tout leur travail est d’apprivoiser et se faire apprivoiser par ces groupes de gangs d’enfants des rues. L’enfant a été trahi par l’adulte, il est en pleine désillusion. Il a été maltraité physiquement, sexuellement par l’adulte. Il sait qu’il est considéré par l’adulte comme un objet, qui peut l’utiliser comme il le veut. Alors l’éducateur doit regagner sa confiance. Nos éducateurs doivent être présents dans la rue chaque jour et chaque nuit, à la rencontre des groupes d’enfants pour les apprivoiser. C’est le pari d’espérer, d’ouvrir la fenêtre de l’espoir. Chaque enfant est unique.
Cela exige une adaptation sur mesure. Y-a-t-il des échecs ?
Certains enfants rejoignent la fondation facilement. Pour d’autres, il faut quelques années. Nous devons accepter cela. La mise en confiance s’adapte à l’unicité de l’enfant, de sa personne, de ses blessures. Les éducateurs créent des ponts en comprenant cette unicité.
Pourquoi est-il si important de comprendre l’unicité de l’enfant ?
L’unicité est essentielle. C’est le départ. Comme des parents qui voient bien que chaque enfant, c’est la même ligne d’éducation mais qu'il va falloir l’adapter à chacun. C’est pareil pour nous. La dimension de mort-vivant nous fait comprendre que notre mission est impuissante. Ce qui est une bonne nouvelle : nous devons créer un cadre qui va permettre à l’enfant de se remettre debout. Il va falloir deux grands cadres pour créer une résilience : une atmosphère aimante et la sécurité pour que l’enfant se sente aimé et protégé.
Mais guérir les blessures d’un cœur, on ne sait pas faire. On doit juste créer le cadre pour Le laisser faire : C’est le Seigneur seul qui sait s’engouffrer dans les failles des cœurs.
Seulement, ayant un cœur qui s’est arrêté de battre, il a besoin d’être guéri. Notre mission est de créer des cadres pour qu’il soit guéri. Mais guérir les blessures d’un cœur, on ne sait pas faire. La fondation est impuissante, elle doit juste créer le cadre pour Le laisser faire : C’est le Seigneur seul qui sait s’engouffrer dans les failles des cœurs. C’est lui qui panse ces cœurs. Cela fait 24 ans que je vois des enfants arriver par centaines. Je me sens complètement impuissant devant eux. Leurs blessures me dépassent. Je n’ai pas vécu le millionième de ce qui leur arrive, je ne suis pas capable de comprendre leur souffrance. Je n’ai pas les outils pour panser les blessures d’un cœur. Soigner un corps, oui. Donc, notre mission est de créer le cadre pour Le laisser faire. C’est notre impuissance à guérir qui Lui permet de venir s’y engouffrer.
Quelle est la part de la vie spirituelle que vous leur proposez ?
En 24 ans de présence à Manille, la seule chose qui a été fructueuse, c’est de faire prier les enfants. Il y a des temps de prière tous les soirs. C’est là que Dieu a l’opportunité d’agir. Les vrais miracles surviennent, les joies authentiques que les enfants les plus blessés du monde expriment, les pardons donnés, les sourires retrouvés, tout cela je ne peux pas le faire. Je sais seulement que c’est le mystère étonnant qui se passe entre le Seigneur et eux.
Vous organisez des temps de prière particuliers comme une adoration du Saint-Sacrement sur la décharge publique dans un grand bidonville…
Nous apportons le Saint-Sacrement partout. Il y a eu notamment une adoration très particulière sur la décharge publique dans un bidonville, tenu par un gang. Une maman qui s’était associée à d’autres mères afin d’y organiser un système d’entraide a été tuée par le chef de ce gang devant tout le monde. C’était le jeudi. Quand la police est venue, la tension était terrible et la tristesse immense de voir notre impuissance. Le samedi suivant, nous avons organisé une adoration sur le même lieu. Les familles étaient là.
Face à l’escalade de toute cette violence, au désir de vengeance, elles sont venues répondre par le pardon et la prière. Une paix s’est installée ensuite dans le bidonville. La seule chose que nous avons faite, c’est d’amener le Seigneur dans son eucharistie. C’est Lui qui a fait venir la paix. Je suis un prêtre qui amène Jésus dans la poubelle et Lui, il est heureux d’y être, il fait un travail au fond des cœurs qui me dépasse complètement et qui ne cesse de m’émerveiller.
Vous côtoyez les plus terribles horreurs. Pourtant vous dites que vous vivez dans l’émerveillement. D’où vient cet émerveillement ?
Il vient en regardant ce que je vois devant moi. Des miracles quotidiens. Pas des morts qui se relèvent, mais des miracles qui sont encore plus beaux : des pardons donnés, des morts-vivants qui se remettent à vivre, des visages qui s’illuminent. Ce sont les miracles qui comptent le plus pour le Christ. Relisez les évangiles : les guérisons sont toujours intérieures. La guérison physique n’en est que le signe. C’est ce dont je m’émerveille. D’où vient leur joie, alors qu’ils ont vécu le pire ? Je pourrais en parler pendant des heures…
Justement, parlons-en. Vous dites qu’il y a de nombreux et grands moments de joie au quotidien que vous vivez avec les enfants dont vous vous occupez. Comment expliquer la joie de ces enfants qui ont tellement souffert ?
La joie de ces enfants est parfaitement authentique. Elle est magnifique, parce qu’elle est ancrée dans la souffrance. Je m’explique : les enfants vivent les choses les plus terribles, on ne peut s’imaginer d’horreurs qu’ils n’ont pas vécu. Ils partagent les souffrances du Christ en croix. Je crois qu’il y a une union dans la souffrance de ces enfants avec le Christ, s’ils partagent si intimement sa souffrance sur la croix, ils vont aussi partager la joie, l’espérance, l’amour dont il est la source. Tous ceux qui nous visitent sont émerveillés par cette joie qui règne dans les foyers de notre fondation. Ce n’est pas nous. Nous ne faisons que mettre en place un cadre.
Il y a quelques années, nous avons vécu une épreuve terrible avec un garçon qui était très malade. Il est mort à l’hôpital, il avait 12 ans. J’étais à ses côtés jusqu’à ses derniers instants. Il est resté conscient jusqu’au bout. Juste avant de mourir, il m’a dit : "Mon père, j’ai soif". J’ai demandé au médecin si je pouvais lui donner un verre d’eau. Il s’est éteint juste après. C’est à ce moment que j’ai réalisé qu’il avait prononcé les dernières paroles du Christ en croix. Exactement de la même façon, j’étais comme ce garde qui avait entendu la parole du Christ, qui l’avait désaltéré avec une éponge, mais qui n’avait pas compris ce que le Christ avait vraiment dit. C’est tellement symbolique de tout ce que vivent ces enfants. Ils ont une soif incroyable d’aimer et d’être aimé. Ils font exploser cette joie. Cette joie et cette soif d’aimer et d’être aimé.
Vous avez témoigné que ces enfants savent souvent prier tout naturellement, en ouvrant leur cœurs…
Dans les temps de prière organisés avec eux, on le voit tout de suite. Ils restent bien sûr des enfants, mais ils ont une manière de converser avec Dieu qui est merveilleuse. Quand on est confronté au mal, ce mal devient, quand on est adulte, la raison suprême qui explique pourquoi on ne veut pas croire en Dieu. Les enfants sont confrontés au mal le pire, au plus grand scandale. Ils devraient être les premiers à dire qu’ils ne peuvent pas croire en Dieu. En 24 ans, je n’ai jamais entendu une seule fois la question de Dieu posée par un jeune. Je m’en suis émerveillé les premières années. Comment se fait-il que le mal ne les ait pas amenés à ne pas croire en Dieu ? Eux savent s’émerveiller des petites choses. La foi, c’est ce qu’il y a de plus évident. Il suffit de regarder un arbre, une fleur, un animal, un sourire. Ils savent le voir, ils ont raison.
Les enfants m’ont mené à cette réflexion : on ne peut pas expliquer le mal, c’est un mystère qui nous dépasse. Il faut faire un acte d’abandon. Et plutôt que l’expliquer, il faut répondre au mal.
Ils m’ont mené à cette réflexion : on ne peut pas expliquer le mal, c’est un mystère qui nous dépasse. Il faut faire un acte d’abandon. Et plutôt que l’expliquer, il faut répondre au mal. C’est une exigence évangélique. Par le pardon, le sourire, la joie, la compassion, une présence aux personnes seules, rien qu’une amabilité. C’est la réponse au mal. Il n’y a pas un enfant qui doute de cela. C’est cela qui m’émerveille. C’est évident et naturel pour eux : Dieu est là, un Dieu d’amour. Mais maintenant, il faut répondre au mal.
De passage quelques jours en France, qu’est-ce qui vous frappe le plus ?
En regardant ici l’actualité et en voyant les têtes si peu souriantes et si méfiantes, je remarque le manque de joie assez symptomatique. Mère Teresa au début de sa vie, parlait beaucoup des bidonvilles et, à la fin de sa vie, c’est des métropoles modernes qu’elle décrivait comme des lieux de misère. Je vois ici le privilège que j’ai, en étant au service des plus petits, d’être baigné dans cette joie qu’on ne retrouve pas dans nos pays dits civilisés. Mais j’aimerais vraiment revenir sur la soif. Si l’amour est ressenti de façon si intense dans les bidonvilles et les rues de Manille, c’est parce qu’ils ont une soif phénoménale, comme un moteur qui va permettre la compassion et l’amour. Ici en Occident, on n’a plus cette soif. J’ai envie d’appeler nos pays dits civilisés à s’imprégner des dernières paroles du Christ en croix, pour comprendre la soif du Christ, pour retrouver notre propre soif. Nous avons éteint cette soif. Ces femmes qui proclament qu’elles ne veulent plus avoir d’enfants au nom d’un certain féminisme. Mais n’y-a-t-il pas de plus belle vocation pour l’homme et la femme d’être parents ? Une soif s’est éteinte : je ne veux plus transmettre, ni partager. Peut-être que les enfants de Manille nous appellent, nous autres venant des pays dits civilisés, à retrouver cette soif ?
Comment vous faites pour tenir et rester dans l’attitude d’avoir toujours cette soif ?
Si je n’ai pas de doute quant à ma vocation, j’ai des grands moments de découragement. Des moments de pénombre : on se demande en équipe comment on va arriver à aider tel enfant ou telle famille alors qu’on ne voit pas de solutions. C’est éprouvant. Le premier soutien, il est fraternel. Je ne suis pas seul dans les bidonvilles de Manille. On est une équipe de 200 personnes : 99% de Philippins, quelques Français. Des personnes dévouées qui s’émerveillent tous les jours, parce qu’elles vivent une vocation. Cette dimension fraternelle est importante. Et il y a une autre dimension encore plus importante, c’est d’aller se mettre à genoux devant le tabernacle. Parce qu’en fait, il faut prendre conscience de son impuissance, de son inutilité, de la réelle désespérance de la réalité et de la situation. C’est là que le Seigneur peut agir. Ce n’est pas de la fausse humilité. C’est grâce à mon inefficacité, seulement grâce à elle, que le Seigneur peut agir. J’en suis convaincu. Quand on est découragé, désorienté, la meilleure façon, c’est de s’agenouiller, de reconnaître la fragilité monumentale de tout. C’est là que se manifeste sa puissance. Si on veut prendre les rênes, il va nous laisser faire bien sûr. Et c’est là que ça ne va pas marcher. Plus je suis incapable, moins je sais faire, mieux Il va faire, lui. C’est comme ça que ça fonctionne depuis 24 ans. C’est le Seigneur qui rallume le cœur : on a tout gagné.
Nous avons une jeune fille avec un léger handicap mental, Marissa. Quand elle était petite, sa maman l’a abandonnée dans les rues de Manille, elle ne pouvait pas s’en occuper. Marissa avait 9 ans. Une des éducatrices a réussi à retrouver la maman, il y a quelques semaines, douze ans après l’abandon. Nous avons organisé une visite pour qu’elle rencontre sa maman dans le bidonville. Maman était en larmes, à la fois d’émotion et de honte. Et c’est Marissa qui l’a prise dans ses bras et serrée sur son cœur ! C’est le fils prodigue à l’envers. La Maman a fait quelque chose d’innommable : abandonner son enfant, on ne peut pas faire pire. Et c’est Marissa qui vient lui donner le pardon, elle le crie parce qu’elle se sait aimée et digne d’être aimée. Elle le sait du Christ sur la croix. Toi tu m’as dit que je n’étais pas digne d’être aimée et d’aimer : regarde, je te serre dans mon cœur. Nous sommes témoins de choses extraordinaires, des vrais miracles.
De passage à Paris, vous donnez une conférence sur le thème de la résilience et de l’espérance. Quelle est la différence entre les deux ?
La résilience, terme très récent, ça fait un peu novlangue. Je pourrais comprendre la résilience comme rebond après un évènement traumatique qui permet d’y faire face. Seulement, j'ai peur que cela éclipse les exigences de l’espérance. Cette explication ne me satisfait pas. Les tuteurs de la résilience qui ouvrent les fenêtres de l’espoir, c’est très beau, mais trop horizontal. On ne repose que sur des moyens humains. C’est le contraire que nous pratiquons avec pour point de départ notre impuissance humaine. L’espérance est extraordinaire : ce n’est pas l’espoir qui regarde l’horizon, c’est regarder le ciel. Elle est basée sur une victoire : l’amour du Christ qui a gagné. Elle s’ancre dans la victoire de l’amour. Si notre espérance est fondée dans le Christ, on sait inéluctablement qu’elle nous amène à la victoire. Les enfants sont en souffrance, oui. Ils vivent des choses terribles, ils garderont leurs blessures jusqu’à la fin de leur vie. Mais l’amour a gagné.
On a ouvert la fenêtre de l’espérance : elle est ancrée dans l’éternité. C’est acquis, c’est sûr. C’est pourquoi ce qui est le plus efficace de ce que nous avons mis en place, c’est l’adoration. Bien sûr, les tuteurs de résilience sont bien présents un peu partout dans notre centre, mais la seule chose qui va ouvrir les enfants à la fenêtre de l’espérance, c’est le cœur à cœur avec le Christ. Et cela, je ne fais que le contempler tous les jours. On ne peut pas véritablement mettre des mots… J’ai peur de trahir la beauté de ce que les enfants me transmettent, je n’arrive jamais à exprimer toute la beauté de ce que je vois. Il faut venir le voir !
Propos recueillis par Marzena Devoud.
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