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Cela fait maintenant près de deux mois que la tension autour du débat sur l’avortement est à son comble aux Etats-Unis. Militants pro-vie et pro-choice se rassemblent chaque "Decision Day", jour où les jugements de la haute cour sont dévoilés, depuis qu’un avant-projet d'arrêt a fuité de manière inédite début mai. La décision de la Cour suprême est tombée ce vendredi 24 juin : elle révoque le droit à l'avortement, renvoyant les États-Unis à la situation en vigueur avant l'arrêt "Roe contre Wade" de 1973. En d’autres termes, elle ne rend pas les interruptions volontaires de grossesse (IVG) illégales, mais rend chaque Etat libre de les autoriser ou non. Une victoire pour la cause pro-vie américaine, mais aussi pour le principe de subsidiarité.
"La Constitution ne fait aucune référence à l'avortement et aucun de ses articles ne protège implicitement ce droit", écrit le juge Samuel Alito au nom de la majorité. "Roe contre Wade" "était totalement infondé dès le début" et "doit être annulé", ajoute-t-il. Pour rappel, "Roe contre Wade" déclarait anticonstitutionnel toute loi interdisant l’accès à l’avortement en-deçà du stade de viabilité du fœtus, estimé entre 24 et 28 semaines de gestation.
Une décision historique
La décision est historique dans la mesure où elle révoque un arrêt en vigueur depuis 50 ans et va à contre-courant de la tendance internationale à libéraliser les IVG. Elle est le fruit d’un combat mené par la droite conservatrice et religieuse, et s’inscrit dans le bilan de l'ancien président républicain Donald Trump qui, au cours de son mandat, a profondément remanié la Cour suprême en y faisant entrer trois magistrats conservateurs (Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett) signataires aujourd'hui de cet arrêt.
L’arrêt en question porte plus précisément sur une loi du Mississippi qui visait à réduire le délai légal pour avorter de 24 à 15 semaines. (En France, le délai pour avorter est fixé à 14 semaines depuis la loi du 2 mars 2022.) Dès l'audience en décembre, plusieurs juges avaient laissé entendre qu'ils comptaient en profiter pour revoir plus fondamentalement la jurisprudence de la Cour. L’enjeu n’était pas tant la fin de la légalisation de l’avortement mais plutôt la possibilité pour chaque État de légiférer sur cette question, permettant ainsi au Mississippi d’abaisser le délai en vigueur.
Quelles conséquences ?
Il est probable que le mouvement conservateur continue à se mobiliser pour faire basculer un maximum d'Etats en faveur de l’interdiction de l’IVG sur leur territoire, voire pour essayer d'obtenir une interdiction au niveau fédéral. Une moitié des Etats, notamment dans le Sud et le centre plus conservateurs et religieux, pourraient interdire les IVG à plus ou moins court terme.
Selon l'institut Guttmacher, un centre de recherche qui milite pour l'accès à la contraception et à l'avortement dans le monde, treize Etats disposent déjà de lois dites "zombies" ou "gâchette". Interdisant l'avortement, elles ont été rédigées pour entrer en vigueur quasi automatiquement en cas de revirement à la Cour suprême, ce qui est le cas aujourd'hui. Une douzaine d'autres Etats pourraient suivre avec des interdits complets ou partiels.
Les femmes désirant avorter se rendront sans doute dans d'autres Etats, le plus souvent démocrates, où les IVG resteront légales. Anticipant un afflux, ces Etats ont déjà pris des mesures pour faciliter l'accès à l'avortement sur leur sol et les cliniques ont commencé à basculer leurs ressources en personnel et équipement.