Quand Zosia, 20 ans, décroche le téléphone pour raconter à Aleteia son récit, difficile de s’imaginer que c’est elle qui coordonne le travail de tous les scouts de Cracovie dans un centre d’accueil pour les réfugiés, à la gare de la ville. Sa voix délicate ne laisse pas deviner son charisme naturel. En plus de ses études en neuropsychologie, des cours de mathématiques et de piano qu’elle donne aux jeunes élèves, Zosia Holubowska est engagée dans le scoutisme depuis onze ans. Chef scout adjoint, le premier jour de la guerre en Ukraine, Zosia a réactivé les structures de crise mises en place par les scouts polonais au moment de la pandémie du Covid-19. L’idée s’est imposée tout de suite : créer en coopération avec la mairie de Cracovie, un centre d’accueil de transit pour les réfugiés qui fonctionnerait 24 heures sur 24. En deux jours, tout a été installé dans un grand hall de la gare décoré par des immenses lustres, prêt à recevoir en moyenne 300 personnes par jour.
A l'image de son initiative à Cracovie, dans toute la Pologne, plus de 3.700 scouts de plus de 16 ans (sur 18.500 scouts au total) ainsi que d’anciens scouts se sont engagés dès le premier jour de la guerre en Ukraine dans l’aide portée aux réfugiés. Une coopération de 16 états-majors de crise régionaux avec Caritas Pologne, l'Unicef, les collectivités locales et les scouts d’Ukraine a été mise en ligne avec une assistance téléphonique constante recueillant toute demande d’aide. En dehors de l’accueil à la frontière, des collectes de dons dans 25 points du pays, les scouts ont pris la responsabilité d'être présents dans les gares en apportant toute aide essentielle à ceux qui arrivent par les trains.
Je me souviens d’une dame à qui j’ai montré un lit qui l’attendait. Très reconnaissante, elle m’a demandé si elle pouvait juste… me prendre dans ses bras. Sa gratitude m’a beaucoup touchée.
"Ceux qui viennent dans notre centre restent une nuit, parfois quelques heures seulement, avant de reprendre un autre train. Tous sont épuisés, ils ont besoin de dormir ou au moins de se reposer un peu. Nous sommes là pour montrer des lits prêts, un espace avec des jouets pour les enfants. On propose des boissons chaudes, de la soupe, des sandwichs, des gâteaux et des bonbons pour les plus jeunes. On les aide à mettre des cartes SIM polonaises dans leurs téléphones, on les accompagne au bon quai en expliquant les étapes suivantes de leur voyage", explique Zosia à Aleteia.
Elle souligne que la règle d’or pour tous ceux qui aident les réfugiés, c'est tout simplement "d’être à leur écoute et d’essayer de deviner ce dont ils ont besoin." En effet, les réfugiés sont tellement marqués par ce qu’ils ont vécu qu’ils n’osent rien demander. "Je me souviens d’une dame à qui j’ai montré un lit qui l’attendait. Très reconnaissante, elle m’a demandé si elle pouvait juste… me prendre dans ses bras. Sa gratitude, m’a beaucoup touchée…", confie-t-elle encore.
Zosia remarque que grâce à cette expérience, son équipe apprend en accéléré à communiquer dans toutes les langues. Dans cette aventure, chaque scout dévoile de réelles aptitudes à la compréhension de l’autre, aux gestes de réconfort. Et bien évidemment, comme elle l’explique, cette expérience permet à tous de "toucher le sens profond du service inscrit dans l’esprit du scoutisme."
Tous ces gestes d’aide et de réconfort, me permettent de transformer ma sidération en action.
C’est le constat que partage Stas Kadziolek, 17 ans. Cet étudiant dans un lycée technique de Cracovie est scout depuis qu'il a 10 ans. "Être scout, c’est être toujours prêt à servir l’autre", rappelle-t-il. Dès le premier jour de l’invasion russe, Stas a senti l’impératif de faire quelque chose de concret pour eux", confie-t-il à Aleteia. Très vite, comme Zosia, il a rejoint avec son équipe le même centre d’accueil à la gare. "Tous ces gestes d’aide et de réconfort, me permettent de transformer ma sidération en action", remarque Stas.
Et il donne cette recommandation aux scouts français : soyez parfaitement bien organisés, agissez de façon coordonnée et... débranchez le téléphone régulièrement pour se reposer. "Impossible sinon de durer dans ce type de mission", souligne-t-il. Il indique d’ailleurs, à sa grande surprise, que les réseaux sociaux, sur lesquels il avait l’habitude de passer des heures, ne lui manquent pas. Comme si ces habitudes, celles de son quotidien il y a encore quelques semaines, lui semblaient de plus en plus éloignées, un peu superflues.
Le sens du service et les reliques du patron des scouts
De son côté, l’aumônier des scouts, le père Robert Magielka, fait la même analyse en invitant tous les volontaires à ne pas oublier le fondement même de leur service inscrit dans l’esprit du scoutisme. "Nos scouts se sont jetés dans l’action et c’est magnifique, mais mon rôle est de leur rappeler qu’il faut garder du temps pour la prière et pour la réflexion personnelle. D’autant plus qu’ils sont en face des personnes qui souffrent. Pour confronter cette souffrance et les aider au mieux, il est essentiel d'être connecté à Dieu et avoir la paix dans son cœur. J’ai senti qu’il fallait y veiller tout particulièrement", confie-t-il à Aleteia.
Seulement comment le faire quand "la foret brûle" ? Le père Robert a eu peu après le début de la guerre l’idée de prendre dans son sac-à-dos les reliques du saint patron des scouts, le bienheureux Stefan Wincenty Frelichowski béatifié par Jean Paul II en 1999, et de faire le tour de tous les points, postes et centres d’accueil tenus par les scouts. Objectif ? Vénérer ensemble ses reliques pour se mettre en présence de Dieu. "Notre saint patron est mort dans le camp de Dachau en 1945. Jusqu’au dernier jour de sa vie, il s’occupait des prisonniers malades. Mais toute son action venait de sa prière. C’est ce que j’explique aux jeunes aujourd'hui", poursuit l’aumônier.
Une inspiration visible car de nombreuses messes, prières et chapelets en ligne sont organisés par les scouts un peu partout en Pologne. "C’est aussi grâce à cette dimension que face à ce terrible drame qui pourrait nous paralyser, l’impossible n’existe pas. Comme trouver en trois jours un médicament vital, mais inaccessible en Pologne pour une réfugiée gravement malade. En deux jours, on l’a fait venir de l’étranger. Personne ne demande pourquoi ? Mais combien et est-ce suffisant ?", conclut de son côté Barbara Sobieska, le porte-porte des scouts.