Les livres de management sont-ils utiles ? Pour ma part, je ne les apprécie guère. Quand on en a lu un, on a l’impression de les avoir tous lus. Ils sont trop souvent manipulateurs, artificiels, vendeurs. Vendeurs, parce qu’ils valorisent une méthode à la mode plutôt qu’une réflexion de fond, artificiels parce qu’ils privilégient les techniques au détriment de l’éthique, manipulateurs parce que la recherche exclusive du profit sous-tend leurs déclarations humanistes. En fait, je ne les crois pas, j’ai du mal à les prendre au sérieux. Le management vaut mieux que ça : je suis admiratif des managers que je rencontre qui conduisent leurs équipes avec efficacité et humanité.
Redécouvrir Aristote
On trouve certes des critiques acerbes des pratiques managériales simplistes, on fustige volontiers la réunionite, on dénonce les décisions absurdes, on critique la recherche exclusive du profit… Mais ces critiques, aussi justes soient-elles, me laissent un arrière-goût d’inachevé : c’est trop facile de critiquer, plus difficile de construire. Or on ne détruit vraiment que ce que l’on remplace. En parlant avec des professionnels qui ont aussi une culture philosophique, nous nous sommes plu à espérer que notre cher Aristote avait dans sa besace quelques bonnes idées pour bien manager.
Aristote nous encourage à bien vivre, et pas seulement à bien penser : pour cela, il vaut la peine d’être relu dans une perspective professionnelle.
Depuis presque vingt-cinq siècles qui nous séparent de lui, Aristote inspire nombre de penseurs et de gouvernants en Orient et en Occident. Beaucoup ont commenté ses découvertes, ses avancées conceptuelles. La Modernité s’est souvent positionnée contre lui, à commencer par Descartes. Pourtant, Aristote nous encourage à bien vivre, et pas seulement à bien penser : pour cela, il vaut la peine d’être relu dans une perspective professionnelle.
Le philosophe parle de nos actions quotidiennes
Aristote n’est pas une relique. On trouve chez lui des erreurs dont notre époque s’est débarrassée, notamment certains textes sur l’esclavage ou la femme. C’est sa limite. Mais il reste une référence sur de nombreux sujets qui intéressent directement la vie de nos organisations, le management des personnes et des projets. Voici les dix thèmes que je retiens chez lui :
La richesse d'une pensée qu'il faut décrypter
Cette liste recouvre des réalités dans lesquelles beaucoup se reconnaîtront. Elles sont aussi typiquement aristotéliciennes. S'il est vrai qu'Aristote ne parle pas de management, il réfléchit sur le gouvernement : n’y a-t-il pas un lien essentiel entre le gouvernement de la cité et le management des équipes ? Aristote ne recommande pas non plus d’écouter son désir, mais il recommande de bien se connaître et il montre que l’on ne peut pas convaincre un auditoire sans utiliser les passions et les désirs qui l’animent. Oui, Aristote a quelque chose à nous apprendre aujourd'hui.