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La pensée politique de Robert Schuman

ROBERT SCHUMAN

Robert Schuman (1886 – 1963) Né à Luxembourg, Robert Schuman est un homme d’État français. En novembre 1918 il entre au Parlement français comme député de la Moselle. Nommé secrétaire d'État pour les Réfugiés mars 1940, Robert Schuman est arrêté par la gestapo et mis au secret dans la prison de Metz. Président du Conseil (1947) puis ministre des Affaires étrangères (1948-1952), il est considéré comme le grand négociateur de tous les Traités majeurs à la fin de la dernière Guerre mondiale (Conseil de l’Europe, Traité de l'Atlantique Nord, CECA, etc.). De 1958 à 1960, il est le premier Président du Parlement européen.

Charles Vaugirard - publié le 17/07/21
Le pape François a déclaré Robert Schuman "vénérable" le 19 juin dernier. Après avoir abordé sa vie, penchons-nous maintenant sur sa pensée politique, notamment sa grande œuvre : la construction européenne.

Robert Schuman est, en effet, le Père de l’Europe, c’est lui qui a lancé la construction européenne le 9 mai 1950 alors qu’il était le ministre français des affaires étrangères. Mais quelle était sa vision de l’Europe unie ?

Pour définir son idéal européen il faut s’appuyer sur ses écrits. Il a rédigé, à la fin de sa vie, un petit livre qui reprend le contenu de conférences et d’articles de journaux. Intitulé Pour l’Europe, il décrit son idée du projet européen, et aussi sa vision de la démocratie. Ce texte a été publié en 1963, juste après sa mort. C’est ce document qui peut nous permettre de comprendre la pensée européenne de Robert Schuman.

L’Europe de Robert Schuman est-elle une Europe contre les nations ? Se construit-elle à leurs dépens, sans elles, en déconstruisant les États au profit d’un super-État et de régions ? Non, Robert Schuman est le partisan d’une Europe des nations, reposant sur elles. Une Europe « supranationale » c’est-à-dire une structure au-dessus des nations, construite par les nations et pour les nations.

Selon lui :

Schuman est donc un partisan de l’Europe des États et non d’une Europe dite "des régions" où les États seraient démantelés au profit de régions européennes de tailles identiques. Son Europe des États est une Europe des nations et une Europe des patries : le patriotisme n’est selon-lui pas incompatible avec l’Europe.

Mais comment une Europe supranationale peut-elle exister sans contradiction avec les nations du vieux continent ?

Selon Robert Schuman, ceci est possible à condition que les États et la Communauté européenne aient pour principe la démocratie. L’Europe unie ne suivra donc pas les anciens exemples. Elle ne sera pas une coalition construite autour d’un intérêt commun, forcément temporaire, comme le furent la triple entente et la triple alliance qui  divisaient l’Europe en deux blocs pendant la première guerre mondiale.

Son Europe ne sera pas non plus une organisation internationale comme la Société des Nations ou l’ONU : des structures intergouvernementales faibles, sans grande cohérence, loin des peuples et dirigées par une technocratie ; des "machins" comme disait le général de Gaulle.

Enfin, elle ne sera pas un Empire écrasant les peuples à l’ombre de ses ailes. Non, Schuman invente un nouveau modèle d’organisation politique internationale : une communauté supranationale démocratique.

Une démocratie fonctionnant sur le principe de l’égalité… mais aussi de votes à la majorité sans droit de veto de la part des États. C’est ce point qui crée des remous : nombreux sont ceux qui n’imaginent pas qu’une décision de l’Union européenne puisse être prise sans l’aval de son pays. Schuman considère le principe de la majorité, et de l’égalité des États, comme le corollaire d’une Europe unie fonctionnant efficacement. Il considère lui-même que le droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies est une cause de paralysie de l’ONU. Du temps de Schuman, l’URSS utilisait quasi systématiquement son veto et en effet, l’ONU était très faible. Schuman considérait que l’organisation mondiale avait échoué dans sa mission de paix et il reconnaissait que la plupart des actions pacificatrices se faisaient en dehors de l’ONU. "L’échec de plus en plus manifeste de l’ONU exige la réussite de l’Europe", disait-il, en considérant que le projet européen pouvait seul garantir la paix du vieux continent.

Mais des sujets essentiels impliquant la souveraineté des États peuvent-ils être soumis à des votes à la majorité ? Robert Schuman se veut prudent :

Schuman n’est donc pas un fédéraliste, du moins il n’est pas partisan d’un fédéralisme s’installant en Europe sur un court délai. Il ne faut pas « brûler les étapes ». C’est un homme d’état prudent, il prend en compte l’histoire de chaque peuple. Un mot revient souvent : psychologie. Il comprend que le projet communautaire peut avoir des conséquences selon la psychologie de chaque peuple.

La démocratie européenne ne se limite pas à des questions de veto. Schuman désire la création d’institutions européennes politiques en lien avec les peuples d’Europe :

De tels propos semblent aller à l’encontre d’une Union européenne technocratique et coupée du peuple comme elle paraît l’être aujourd’hui. 

Mais il y a un autre aspect de la démocratie européenne selon Schuman : sa vision de la démocratie est une démocratie « dans le sens chrétien du terme ». Dans Pour l’Europe il nous donne une remarquable définition de la démocratie dans sa dimension, et son origine, chrétienne :

Et il ajoute :

Mais sa démocratie chrétienne n’est pas un hybride de démocratie et de théocratie car il précise : "Le christianisme n’est pas et ne doit pas être inféodé à un régime politique, être identifié avec une forme quelconque de gouvernement, fût-elle démocratique."  Il insiste sur la séparation entre le pouvoir politique et l’Église. Les deux autorités sont séparées, ce qui n’empêche pas l’Évangile de nourrir, d’inspirer et de se trouver à l’origine de la cité démocratique comme Schuman le dit lui-même : « Je conclus avec Bergson que « la démocratie est d’essence évangélique parce qu’elle a pour moteur l’amour." Robert Schuman voit un tel lien entre démocratie et christianisme qu’il va jusqu’à affirmer : « La démocratie sera chrétienne ou elle ne sera pas. Une démocratie anti-chrétienne sera une caricature qui sombrera dans la tyrannie ou dans l’anarchie."

La société européenne de 2021 est fortement déchristianisée, la société française en tête.

La société européenne de 2021 est fortement déchristianisée, la société française en tête. Nos dirigeants ne souhaitent même pas une référence aux racines chrétiennes de l’Europe dans ses textes communautaires. Notre démocratie n’est plus vraiment irriguée de valeurs chrétiennes. Pour reprendre une image souvent utilisée, notre démocratie actuelle est comme des fleurs coupées placées dans un vase. Coupée de ses racines chrétiennes, la démocratie est condamnée à faner progressivement, puis à mourir… Est-ce inéluctable ? Je ne sais pas et j’espère sincèrement que Robert Schuman se trompe sur ce point.

La construction européenne lancée le 9 mai 1950 a donné naissance à une organisation politique totalement nouvelle. Celle-ci a permis à l’Europe de trouver paix et unité : depuis 1945, il n’y a pas eu de guerre entre les nations belligérantes des deux guerres mondiales.  Mais du point de vue institutionnel, le fossé entre les citoyens et l’UE est immense. Nous avons là un véritable déficit démocratique. C’est un problème et une réflexion de fond s’impose aux citoyens européens et à nos dirigeants actuels et futurs.

La réponse à ce problème dépendra entièrement de nos dirigeants. La bonne volonté et la valeur de ces hommes seront déterminantes, et Dieu sait s’il faut beaucoup de hauteur pour mener à bien un tel chantier. S’interrogeant sur les résultats et l’avenir du projet européen, Robert Schuman concluait :

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