Londres, 6 juillet 1535. C’est un triste jour pour l’Angleterre, même si elle l’ignore. Depuis la fenêtre de sa cellule de la tour de Londres, Thomas More regarde le soleil se lever. C’est la dernière aube qu’il verra, car c’est aujourd’hui qu’il va mourir. Alors que les rayons dorés engloutissent la ville, l’ancien chancelier du royaume repense à sa vie.
Avocat devenu juge à moins de 30 ans, il avait rapidement attiré l’attention du roi qui s’était empressé le mettre à son service. Thomas avait occupé les postes de ministre des finances et de président de la chambre des communes avant d’être chancelier. Une véritable prouesse pour l’époque.
Le brillant homme politique
Un petit rire d'auto-dérision le secoue alors qu’il songe à ce dernier poste. C’est comme si ce souvenir appartenait à quelqu’un d’autre. Les temps où on lui vouait respect et éloges sont à présent révolus. Il y a deux ans maintenant que tout s'est effondré. Le souverain Henri VIII s’est autoproclamé chef de l’Église d’Angleterre, reniant le pape et brisant l’unité des chrétiens. Tout cela pour répudier la reine Catherine d’Aragon afin de pouvoir épouser Anne Boleyn. La foi des hommes ne peut être soumise aux caprices d’un souverain.
Thomas ne s'était pas prononcé sur le sujet pour protéger sa famille mais n’en pensait pas moins. Sa conscience catholique ne lui permettait pas d’accepter cette rupture. Et pour les autres parjures, c’était signe de trahison. Il ne fallut pas plus que son silence pour le traîner en justice et le faire arrêter.
Quelques siècles plus tôt, un autre Thomas avait trouvé la mort en s’opposant ainsi à un autre Henri pour l’honneur de l’Église de Dieu. Et l’histoire va bien malheureusement se répéter.
Devant le refus de Thomas de prêter serment au nouveau chef de l’Église d’Angleterre, on l’a fait enfermer dans la tour en mars 1534. Après quinze mois de mauvais traitemlents, il est condamné à mort pour haute trahison.
Le serviteur de Dieu
Il ne lui reste que quelques heures et l’angoisse commence à se faire sentir. Malgré elle, une petite fierté lui réchauffe le cœur. Face à toutes les richesses et la gloire d’Angleterre, il a tenu bon et n’a pas renoncé à sa foi.
- Par là, grâce à Dieu, Sa Majesté m'a procuré un plus grand bien : le progrès spirituel que je suis sûr de trouver ici, avait-il dit à sa fille, Margaret. Cela vaut mieux que tous les honneurs et les richesses dont il m'avait comblé auparavant. Je ne peux donc manquer de confiance en la grâce de Dieu : ou bien elle retiendra le cœur du roi pour qu'il ne me traite pas plus sévèrement ou bien elle me donnera toujours les forces nécessaires pour supporter n'importe quelles épreuves, patiemment, courageusement et même joyeusement.
Quelques autres ont tenu bon avec lui. Le cardinal John Fisher de Rochester, les chartreux de Londres… Et tous ont connu un sort semblable à celui qui l’attend. Alors Thomas prie pour recevoir leur courage.
La porte de la cellule s’ouvre. Il est temps. On doit l’aider à marcher pour arriver au lieu d’exécution. Même le bourreau ne peut cacher son désarroi face à sa silhouette chétive. Thomas lui-même l’encourage à faire sa triste besogne. Et pour dernière parole, il ne déclare qu’une chose devant l’assemblée.
- Je fus fidèle serviteur du roi, mais je demeure avant tout celui de Dieu.
Thomas s’agenouille et pose la tête sur le billot. Dans le silence de mort d’une foule partagée, la hache tombe.
Béatifié, en 1886, par le pape Léon XIII, Thomas More est reconnu martyr et canonisé par le pape Pie XI en 1935. Plus tard, Jean Paul II le nommera saint patron des hommes politiques et des responsables du gouvernement. Ce grand humaniste laisse derrière lui de nombreuses œuvres qui inspirent encore aujourd’hui.