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Sur la trace des sanctuaires mariaux, une géopolitique de l’Église

Our Lady of Guadalupe in Mexico
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Jean-Baptiste Noé - publié le 27/05/21
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Le marathon de prière lancé par le pape François pour unir les sanctuaires mariaux du monde entier est une initiative spirituelle forte mais aussi une façon de dessiner la géopolitique du monde catholique.

Lors de l’audience générale du 28 avril 2021, le pape François a lancé une initiative spirituelle forte et originale : « Guidés depuis les sanctuaires dispersés dans le monde, en ce mois de mai, récitons le rosaire pour invoquer la fin de la pandémie et la reprise des activités sociales et professionnelles ». Ce sont ainsi une trentaine de sanctuaires qui se sont reliés en ce mois de mai par une chaîne invisible, qui est celle de la prière mais aussi celle de l’histoire du christianisme. 

Quinze sanctuaires sont situés en Europe, sept en Asie, six en Amériques, deux en Afrique et un en Océanie (Australie). La plupart des sanctuaires datent du XIXe siècle, mais certains sont beaucoup plus anciens, comme Notre-Dame-de-Walsingham (Angleterre), d’époque médiévale ou le sanctuaire d’Éphèse, qui date des premiers temps du christianisme. 

La liste des sanctuaires rappelle la diffusion du christianisme depuis la Jérusalem des premiers temps. La basilique de l’Annonciation (Nazareth) est le lieu où tout a commencé. Elle évoque la vie de Marie et le foyer de Nazareth, que l’on retrouve dans le sanctuaire de Lorette (Italie) et dans celui de la maison de la Vierge Marie, situé à proximité d’Ephèse (Turquie). La tradition rapporte que c’est en ce lieu que Marie est venue se réfugier, sur les conseils de l’évangéliste Jean, fuyant ainsi la persécution de Jérusalem. C’est ici, selon certaines sources, qu’aurait eu lieu l’Assomption de Marie. 

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L’Église de l’Antiquité, celle des premiers départs apostoliques, est inscrite également dans les lieux mariaux. Notre-Dame d’Afrique (Alger) rappelle certes la présence française en Algérie, moment où la basilique fut édifiée, mais à travers elle c’est aussi le christianisme de l’Afrique romaine qui est mis en avant, celui de Cyprien de Carthage, d’Augustin d’Hippone et du pape Victor. Nous sommes ici dans les terres d’origine du christianisme, les lieux où il s’est formé et développé. 

Notre-Dame de la Bonne santé ou Velankanni remonte au XVIe siècle et à l’arrivée des Portugais en Inde. Mais à travers elle c’est la longue histoire du christianisme dans cette région d’Asie qui peut être revue. Les chrétiens arrivent en Inde dès les premiers temps apostoliques, avec saint Thomas et de nombreux disciples. Ils suivent les routes d’Alexandre le Grand, certains se rendant jusqu’en Chine. Lorsqu’ils arrivent au XVIe siècle, les Portugais apportent la foi dans un pays qui a déjà reçu un vernis chrétien. La rencontre des chrétiens d’origine et des Portugais ne fut d’ailleurs pas très facile. 

Les sanctuaires mariaux choisis par le Pape rappellent l’histoire du christianisme en Europe. La Vierge Noire d’Altötting est le cœur spirituel de la Bavière, lieu de pèlerinage depuis le IXe siècle. Notre-Dame-de-Montserrat, en Espagne, est une église édifiée au IIIe siècle et l’un des grands sanctuaires mariaux de la péninsule ibérique depuis le XIe siècle. Notre-Dame de Częstochowa en Pologne, établie au XIVe siècle, l’icône de la Mère de Dieu (Zarvanytsia) en Ukraine, elle aussi du XIIIe siècle. Toutes les quatre sont des vierges noires, dans la tradition de Notre-Dame de Rocamadour et de Notre-Dame du Puy-en-Velay, des lieux de pèlerinage situés sur les hauteurs d’où elles dominent leurs villes et leurs régions. La très riche tradition médiévale trouve à chaque fois son origine dans des lieux établis dans la haute Antiquité. 

Sanctuaire marial de Fatima

Viennent ensuite les sanctuaires du XIXe-XXe siècle, ceux des apparitions. Knock en Irlande, Lourdes en France, Banneux en Belgique, Fatima au Portugal, Medjugorje en Bosnie, le sanctuaire national de la Madone Ta’Pinu à Malte. Ces lieux rappellent la prévenance spéciale de Marie pour ces pays et le grand nombre d’apparitions de la Mère de Dieu au cours des deux derniers siècles. Le choix de sanctuaires en Pologne et en Ukraine met à l’honneur les deux poumons de l’Église et le fait que l’Europe se vit tout autant à l’Ouest qu’à l’Est.     

Les autres sanctuaires évoquent l’expansion géopolitique du christianisme. En Europe du Nord, avec Washington et le Canada, grande aventure débutée au XVIe siècle. Guadalupe et Aparecida, les deux grands lieux spirituels de l’Amérique latine au Mexique et au Brésil. C’est la longue trace des Français, des Espagnols et des Portugais qui sont à l’origine d’un grand nombre de sanctuaires au-delà de l’Europe. C’est le cas de Notre-Dame de Lourdes (Nyaunglebin, Birmanie) dont l’origine date des Portugais, de Notre-Dame-de-la-Charité-du-Cuivre (Cuba), fondée par les Espagnols, tout comme Notre-Dame de la Paix et du Bon Voyage aux Philippines. 

Ces lieux sont les témoins vivants de la foi des fidèles et de l’histoire du christianisme, qui s’écrit certes par les livres et la théologie mais aussi à travers les lieux vers lesquels les hommes, chrétiens ou non, marchent pour rendre grâce et prier. Ils montrent la dimension mondiale du christianisme et à quel point celui-ci épouse les tragédies de l’histoire, comme l’église Notre-Dame de Nagasaki, rescapée du bombardement de 1945 et dont la statue de la Vierge est le témoin des stigmates de la guerre. En choisissant ces sanctuaires pour ce marathon de prière demandant la fin de la pandémie et le retour à la vie normale, le Pape met ainsi en prière la géographie et l’histoire de Marie. 

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