"Rendons heureuses toutes créatures du Bon Dieu", disait-elle. Voilà ce qui donna un sens à la mission de Madeleine-Sophie Barat, et en fit une éducatrice hors pair dont l’esprit de charité dépassa largement les frontières. Née en 1779, en Bourgogne, dans une famille dont le père était tonnelier et vigneron, Madeleine-Sophie reçoit une excellente formation intellectuelle et religieuse par son grand frère qui, en attendant de devenir prêtre, est professeur au collège de Joigny (Yonne).
La Révolution, interdisant le culte et pourchassant les prêtres, les marque profondément. Sous le Directoire, Madeleine-Sophie renonce à entrer au Carmel, et envisage, sur les conseils de son frère et de son père spirituel, le Père Joseph Varin, jésuite, de fonder une congrégation féminine qui, pour honorer le Cœur du Christ et pour diffuser l’amour de Dieu, se consacrerait à l’éducation des jeunes filles.
Le 21 novembre 1800, Sophie Barat prononce à Paris ses premiers vœux. L’année suivante, l’activité apostolique du nouvel institut, s’inspirant des règles de la Compagnie de Jésus, démarre grâce à l’établissement, à Amiens, d’un premier pensionnat de jeunes filles. Élue supérieure de la congrégation dès le 18 janvier 1806 alors qu'elle n'a que 26 ans, elle le restera jusqu'à sa mort le 25 mai 1865. À cette date, la société compte 3.500 religieuses, de nombreuses maisons partout dans le monde, dont 44 en France. Aujourd’hui, 3.000 religieuses du Sacré-Cœur sont présentes dans le monde entier.
« N’oubliez pas que ces petites créatures sont faites à l’image de Dieu »
Plus qu’un esprit de bienveillance, Madeleine-Sophie voit dans les petites jeunes filles qui lui sont confiées des créatures de Dieu. Une démarche qui transforme véritablement sa manière de faire : Madeleine-Sophie n’a de cesse de manifester tendresse et charité envers ses élèves, et tout particulièrement envers les nouvelles venues. Elle veut que les enseignantes respectent les enfants. "N’oubliez pas", dit-elle, "que ces petites créatures sont faites à l’image de Dieu. Mettez-vous à leur place !".
"Leur faire endosser un tablier et des manches d’écriture, leur offrir une panade et des carottes, il y a de quoi les faire bondir ! Laissez-les tacher d’encre une première robe d’uniforme, demandez-leur avec bonté ce qu’elles aiment, donnez-leur de petits entremets appétissants, quelques friandises. Avec le temps, et très vite, elles voudront faire comme leurs compagnes", recommande-t-elle. Elle veille à ce que la nourriture soit bonne, que les soins soient prodigués sérieusement : "Nous répondons des corps aussi bien que des âmes", justifie-t-elle. Elle tient à ce que l’uniforme soit seyant. L’extérieur pour une femme, pense-t-elle, est important.
Toute douceur et toute tendresse
Une anecdote reflète son affection quasi maternelle envers ses élèves. Lorsqu’elle apprend qu’une "nouvelle" pleurait toutes les larmes de son corps, le soir, dans son lit, elle houspilla la religieuse responsable du dortoir : "À votre place, j’aurais fait coucher cette petite près de moi. Je l’aurais réchauffée de mes soins personnels. La nuit, j’aurais surveillé son sommeil et j’aurais reçu les larmes qu’elle étouffait avec des étrangères. Je l’aurais caressée, écoutée. Oui, elle s’est trouvée pauvre de baisers maternels et vous aviez les richesses du Cœur de Jésus à lui prodiguer !"
Madeleine-Sophie fut béatifiée par Pie X, le 24 mai 1908, puis canonisée par Pie XI, le 24 mai 1925. En 1908, lorsque son cercueil fut ouvert en vue de sa béatification, son corps fut trouvé intact. On le déposa dans une châsse en bronze doré. Longtemps conservée à Bruxelles, la châsse de Madeleine-Sophie n’a rejoint Paris que le 19 juin 2009. Elle repose depuis dans la chapelle du Sacré-Cœur de l'église Saint-François-Xavier, tout proche des bâtiments où elle a vécu : le siège de la congrégation (aujourd'hui musée Rodin) et l'établissement d'enseignement pour les jeunes filles (aujourd'hui lycée Victor-Duruy).