Alors que certains nouveaux usages d’églises abandonnées inquiètent de nombreux évêques, le Vatican a décidé d’établir une feuille de route pour protéger et préserver ses églises.
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Une église peut-elle se transformer en boîte de nuit ? Le cas s’est produit à Prague… et pourrait se reproduire à nouveau. Face à l’urgence de protéger le patrimoine religieux et sacré, le cardinal Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical pour la culture, a convoqué les évêques des continents concernés par la désertion des églises et la récupération des lieux à des fins contraires à leur rôle (les États-Unis, l’Europe et l’Océanie). En effet, si les églises se vident, leur réutilisation ne doit pas pour autant être blasphématoire ou dénuée de sens.
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Le Vatican veut donner des lignes directrices claires
Le 10 juillet dernier, le cardinal Ravasi a annoncé en conférence de presse son intention d’éclairer la question des églises désaffectées et de leur avenir. Afin d’y répondre définitivement, un congrès international sera organisé à Rome les 28 et 29 novembre prochain sur le thème “Dieu n’habite-t-il plus ici ? Cession des lieux de culte et gestion intégrée des biens culturels ecclésiastiques”. “Nous avons enregistré un intérêt extraordinaire de la part des évêques de divers pays”, a déclaré à ce sujet le cardinal.
Le but : établir des lignes directrices pour aider les diocèses catholiques à trouver des solutions appropriées au démantèlement des églises inutiles afin qu’elles ne se retrouvent pas transformées en discothèque, en gymnase ou en magasin. “Le Vatican veut s’assurer que les bâtiments conservent une partie de la valeur spirituelle, culturelle et sociale de leurs lieux de culte consacrés”, a précisé le cardinal Ravasi. Il a déjà commencé à établir une feuille de route et souhaite ainsi encadrer précisément l’utilisation d’une église désaffectée. “Si elle est utilisée de manière intelligente, comme pour le travail pastoral, les réunions culturelles ou sociales, même en tant que librairie ou bibliothèque, l’église pourrait signer. Mais en faire un magasin de glaces ? Ce serait difficile”, a-t-il expliqué.
S’assurer que toutes les œuvres importantes présentes dans une église mise en vente — fresques, statues ou autres œuvres — soient placées dans un musée diocésain, “pour laisser l’espace aussi vide que possible”, fait également partie des points à aborder.
Les églises en souffrance
Il est difficile d’évaluer le nombre exact d’églises désaffectées dans le monde entier. Spécialiste du patrimoine religieux, Benoît de Sagazan a recensé à titre indicatif 316 églises en souffrance en France, dont 14 à Paris, avec 38 églises et chapelles détruites depuis l’an 2000. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter en concomitance avec la hausse de la sécularisation et des difficultés financières pour entretenir ou conserver les bâtiments.
Conscient de la désertion des églises, mêlée aux problèmes financiers, le cardinal a rappelé l’importance pastorale en jeu, tout en soulignant les petites déviances qu’ils engendrent. “On le voit chez le prêtre qui ne sait pas quoi faire, créer des magasins de glace, des garages, des publicités ou même pire”. Il a ainsi cité d’autres exemples que l’église de République Tchèque, comme l’église de Santa Barbara à Llanera en Espagne, rénovée avec de l’art psychédélique pour accueillir les skateurs, l’église dominicaine Selexyz aux Pays-Bas, désormais partagée entre une bibliothèque et une cafétéria, ou encore l’église de San Lorenzo à Venise, devenue une salle de concert. Les cas ne sont pas isolés et les évêques se penchent actuellement sur le document envoyé par le cardinal Ravasi.
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Le problème est également assez répandu en Italie, à cause de la difficulté à entretenir le patrimoine religieux, qui représente pourtant une œuvre d’art à part entière et un joyau culturel de poids dans le pays, sans compter que les nombreux tremblements de terre n’ont fait qu’aggraver la situation, avec près de 13.000 églises endommagées. La pertinence du propos en Italie tient aussi aux 65.000 églises gérées par les évêques, le reste étant détenu par des entités privées ou par l’État, sur plus de 100.000 que compte le pays.
Les rôles culturel, historique et spirituel des églises
Les laïcs doivent à leur tour prendre leur responsabilité face à la déliquescence des architectures destinées au recueillement, à l’émerveillement et à l’élévation spirituelle, nécessaires à chacun, même aux non-croyants qui ne manquent pas parfois de s’y réfugier.
Le cardinal Nunzio Galantino, président de la conférence des évêques italiens et depuis peu à la tête de l’administration du patrimoine apostolique, a attiré l’attention sur l’importance de fonder les futures prises de décisions sur des valeurs. Il a mentionné le fait que “des laïcs se plaignaient et craignaient une destruction éventuelle due à un manque de protection”, pour souligner l’intérêt de la communauté envers le sort des églises.
De son côté, Don Valerio Pennasso, directeur du bureau national des biens culturels ecclésiastiques de la CEI, a rappelé que “dans de nombreux cas, l’église, même peu fréquentée, représente un lien fort avec la mémoire des lieux, avec l’histoire de la communauté, et ces transformations commerciales où la mémoire est complètement perdue inspirent souvent des protestations locales”. Aux évêques à se saisir dans les prochaines semaines de ses problématiques et à réfléchir aux solutions à apporter afin que le congrès de novembre porte du fruit.