Les quatre Évangiles représentent, chacun à leur manière, une approche spécifique de la Parole de Dieu. Car derrière le récit, il y a l’homme et sa plume. En fêtant saint Luc ce 18 octobre, nous honorons non seulement l’évangéliste symbolisé par le taureau mais également l’œuvre qu’il a conçue, donnant ainsi à l’Église un trésor d’enseignement.Né à Antioche d’une famille grecque, Luc est un grand travailleur à l’esprit vif ; il se fait médecin et excelle dans son domaine. Sa finesse et sa minutie apparaissent tout au long de ses écrits, à la fois poétiques et structurés, alliant un style littéraire rythmé et une rigueur digne d’un historien.
Une plume alerte, héritage hellénique
Sa culture hellénique n’y est pas étrangère. À l’instar d’Aristote et Plutarque, l’évangéliste introduit son récit par un prologue dans lequel, selon la tradition, il s’adresse solennellement à un noble. L’auteur raconte ensuite la vie du Christ, de la crèche à la croix, par un procédé typiquement grec de parallèles, comme un chemin nous menant au Christ.
Ainsi, la naissance de Jésus et celle de son cousin Jean-Baptiste sont racontées simultanément : l’ange apparaît à Zacharie (1, 5-25), puis à Marie (1, 26-38) ; vient la visite de Marie à Elisabeth, où les deux enfants, le précurseur et le Messie, se rencontrent et manifestent leur joie (1, 39-56) ; Jean-Baptiste est ensuite circoncis (1, 57-80) avant que Jésus ne soit à son tour présenté au Temple (2, 1-21).
Une rigueur d’historien
Saint Luc n’a pas connu Jésus : c’est en rencontrant l’apôtre Paul qu’il se convertit, et décide de le suivre dans ses périples. Pourtant, son œuvre est immense : bien qu’il soit connu pour son récit de la vie du Christ, il est également auteur des Actes des Apôtres, précieuse mine historique sur les premières années de l’Église.
Pour établir son travail, l’évangéliste trouve ses sources dans les différentes traditions orales, auxquelles il décide d’attribuer une valeur historique. Nous lui devons ainsi les noms des personnes, les dates et les lieux qu’a connus Jésus ; nous lui devons également le récit de l’enfance du Christ, de la crèche au Temple, que ses confrères évangélistes n’évoquent que succinctement ou pas du tout. Saint Luc participe, par son œuvre, à établir l’historicité de la personne de Jésus.
“Évangile de la Miséricorde”, “Évangile des femmes”… ou Évangile d’aujourd’hui
Les écrits de Luc, par leur approche pleine de Miséricorde, s’adressent à l’Église d’aujourd’hui de manière frappante. Médecin attentionné et compatissant, celui que Dante appelait “chantre de la mansuétude du Christ” dépeint abondamment la misère humaine à travers les rencontres du Christ. Zacharie et Elisabeth, Anne et Siméon, Marthe et Marie, chacun des personnages est appelé par son nom. Les derniers des derniers, le fils prodigue, la pécheresse qu’on veut lapider, le bon larron, le samaritain et tant d’autres, tiennent une place spéciale dans son récit : le médecin plein de tendresse les veut témoins de la Miséricorde.
Par ailleurs, les figures féminines font nombre, elles y sont même essentielles. Les “femmes” et les “veuves” apparaissent chez Luc quatre fois plus que chez les autres évangélistes. Mais celle ” bénie entre toutes les femmes ” (Lc 1, 42), la Vierge Marie, tient une place particulière. La légende dit que Luc aurait eu une relation privilégiée avec la Mère de Jésus. Mieux qu’aucun autre, il a compris le chemin de foi de Marie, qui, tout au long de la vie de son fils, silencieusement, “méditait toutes ces choses dans son cœur” (Lc 2, 19).
Il est même raconté que, parvenu à la fin de sa vie, saint Luc eut l’honneur de peindre le portrait de Marie. Tableau qui serait resté inachevé à sa mort, si les anges eux-mêmes n’étaient intervenus pour le parfaire.
Image : Madone achérotype (= non faite de main d’homme) attribuée à Saint Luc
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