« Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48).La Liturgie nous donne ces derniers dimanches, l’opportunité de méditer le Sermon sur la montagne (Mt 5-7). Les Béatitudes, qui introduisent ce Sermon, nous indiquent le chemin de la perfection : c’est le chemin d’un cœur pur dans ses intentions, apaisé envers soi-même et le prochain, miséricordieux dans le regard porté sur l’autre, humble (pauvre) et juste. Les Béatitudes ne constituent pas une nouvelle table de la Loi, mais elles viennent préciser les dispositions intérieures indispensables pour obéir aux dix commandements : l’humilité, la bonté, la compassion, la fidélité, la justice. Ces vertus réalisent en nous, de manière concrète, l’économie de l’Évangile : l’amour du prochain par lequel celui envers Dieu devient tangible et prend toute sa profondeur.
La nouveauté de l’enseignement du Seigneur dans les Béatitudes est qu’Il les présente comme le chemin d’une rencontre joyeuse avec Dieu : toutes les Béatitudes commencent par le mot « Heureux ». Avec les Béatitudes, Jésus nous appelle à une appropriation plus intérieure la Loi, et, plus important, qui intègre Celle-ci non pas comme une épée prête à s’abattre avec vigueur sur ceux qui ne la respecte pas, mais comme source de réalisation personnelle, d’atteinte de la perfection, de liberté pleine. La Loi divine n’est pas un joug imposé à l’homme, mais la porte vers sa joie éternelle.
Accomplir la Loi, c’est donc nous dit le Seigneur, porter son exigence plus haut : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48). Cette exigence de sainteté à laquelle nous sommes tous appelés consiste à purifier nos cœurs pour atteindre Dieu qui les voit. La purification du cœur, c’est garder les intentions droites et bonnes, et lutter contre les désirs concupiscents.
Nous trouvons ensuite dans le Sermon sur la montagne, ce qui rend si immensément spécial l’amour de Dieu, ce qui fait son éclat, sa beauté et sa force, probablement aussi son mystère si nous considérons nos logiques humaines : Dieu nous aime alors que nous ne le méritons pas ; Dieu est fidèle dans son amour originel malgré nos défauts et nos tares. Nous le blessons chaque jour par nos péchés et pourtant Il nous manifeste son amour. Nos œuvres n’ajoutent rien à sa gloire et pourtant nous avons du prix à ses yeux. L’amour du Christ s’est porté sur saint Paul qui pourtant le persécuta en livrant ses disciples à la mort. Il « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, Il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45), telle est la grandeur incommensurable de l’amour divin.
Aimer notre famille pour ce qu’elle est
C’est vers un tel amour que Jésus nous invite aujourd’hui à tendre : aimer sans contrepartie, aimer de manière désintéressée, aimer pour aimer, aimer jusqu’à nos ennemis. Cet amour, nous dit Jésus, nous distingue de ceux qui ne L’ont pas reçu, il nous fait revêtir pleinement notre identité de chrétiens. « Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? » (Mt 5, 47)
C’est pourquoi le disciple de Jésus est appelé à surpasser les catégories humaines (richesse, race, ethnie, etc.) pour ne voir dans les autres que des frères et des sœurs, images du même Dieu. Seule cette filiation commune doit être la source de notre amour du prochain : « Tu vois tout ce que cet homme a fait contre toi, et tu vois en lui qu’il a été fait par Dieu. Ce qu’il est en tant qu’homme, c’est l’œuvre de Dieu », dit saint Augustin. Dans ce propos, Augustin répond aussi à la question du pourquoi aimer ceux qui nous haïssent ou nous persécutent. Nous pouvons y ajouter : parce que Dieu te demande de les aimer comme Lui les aime encore, et que ce faisant, Il veut te « distinguer », te conduire à la perfection.
Naturellement, notre charité devrait trouver une expression toujours plus complète dans notre vie de famille, qui est aussi le lieu de croissance de l’amour, d’où il déborde vers l’extérieur. Il nous faut aimer notre conjoint et nos enfants avec leurs défauts et non pas pour ce qu’ils nous offrent, les aimer pour ce qu’ils sont et non dans la mesure où ils comblent nos attentes.
L’amour devient vraiment mature quand il n’attend rien en retour, lorsqu’il se manifeste envers la personne imparfaite à nos yeux et qu’il continue de vibrer au milieu des coups portés à notre honneur et notre dignité. Un tel amour est sanctifié et divin : c’est ainsi que Dieu nous aime.
En achevant notre méditation posons-nous la question : qu’est ce qui me distingue du non-chrétien ? En y méditant recherchons la paix et la réconciliation avec tous. Ainsi nous rejoindrons l’amour miséricordieux de notre Père.