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François de Sales et Jeanne de Chantal : leurs lettres de pur amour

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Philippe Oswald - publié le 25/02/16 - mis à jour le 22/12/22
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La correspondance de ces deux saints qui furent des amis intimes est un sommet de la littérature française et religieuse. Un chef-d’œuvre accessible pour la première fois en français moderne.

Pendant 18 ans, saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal ont entretenu une correspondance intime que seule la mort de l’évêque de Genève (1622) a interrompue. La voici publiée pour la première fois de façon exhaustive en français contemporain par deux excellents connaisseurs de la tradition salésienne : Max Huot de Longchamp et David Laurent sont des piliers de l’Association Saint-Jean-de- la-Croix vouée au développement de la vie intérieure et de l’apostolat ainsi qu’à l’étude et à la publication des grandes œuvres de la spiritualité chrétienne.

Les tournures savoureuses de "Monsieur de Genève"

Lissées orthographiquement pour être aisément lisibles aujourd’hui, ces lettres obligent parfois à des transpositions, avertit David Laurent : "Qu’auriez-vous pensé si j’avais conservé les “sacrées mamelles” de la Vierge Marie ou la “sacrée épouse” ?" Fallait-il pour autant supprimer de telles expressions au nom de l’ajustement au français d’aujourd’hui ? Cela peut se discuter, le lecteur étant sans doute capable d’interprétations comparables à celles auxquelles obligent Les Essais de Montaigne publiés un quart de siècle plus tôt (1580). Néanmoins non seulement l’esprit mais les tournures si savoureuses de "Monsieur de Genève" sont largement respectées. Notons que cette correspondance est proportionnellement très inégale : 424 lettres de l’évêque à Jeanne de Chantal sont parvenues jusqu’à nous contre seulement 46 que lui a adressées sa "Philothée" – par excès d’humilité, la cofondatrice de l’ordre de la Visitation a brûlé l’essentiel de ses missives à François de Sales après la mort de celui-ci (regrettons au passage une table des matières erratique qui ne facilite pas le repérage des lettres de Mère de Chantal, perdues dans la masse).

"Deux cœurs incroyablement doués pour aimer"

Ces quelques réserves ne doivent pas dissuader de se procurer ce recueil exceptionnel, fruit d’un travail de près de 15 ans. Les résumés introduisant chaque lettre et les notes explicatives de bas de page sont remarquables. Quant à l’introduction de Max Huot de Longchamp, elle mériterait à elle seule qu’on donnât une place d’honneur dans sa bibliothèque à ce trésor littéraire et spirituel qui nous fait accéder dans l’intimité de deux acteurs essentiels de la renaissance catholique. Impliqués dans tous les débats politiques et religieux de leur époque, François de Sales et Jeanne de Chantal se montrent ici avant tout unis par une intimité spirituelle qu’il faut bien qualifier d’amoureuse ("Je me sens, ma très chère Fille, une suavité extraordinaire de l’amour que je vous porte") à condition de dissiper toute ambigüité à ce propos. C’est chose aisée pour le père Huot de Longchamp, expert dans les arcanes de cette grande et féconde amitié spirituelle qui ne veut connaître d’autre limite que celle, infinie, de l’union en Dieu. Avec un tel guide, "suivre le développement de cette amitié sera pénétrer le mystère du Christ en ses disciples, en même temps que celui de deux cœurs incroyablement doués pour aimer". Alliant prudence et audace, les échanges épistolaires de François et de Jeanne nous donnent d’assister à la croissance et à l’épanouissement de la relation entre deux âmes d’exception qui ont choisi de s’encorder pour gravir les sommets de l’amour divin.

François de Sales et Jeanne de Chantal. Correspondance. Édition et présentation par David Laurent. Introduction par Max Huot de Longchamp. Desclée de Brouwer, 904 pages, 29 euros, à paraître. 

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