“Heureux les miséricordieux”

"Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde" (Mt 5, 7). Nous évoquerons le Mardi Saint les pardonnés, les « miséricordiés », à l’occasion de la miséricorde faite à Pierre et à Judas. On peut comprendre le bonheur d’être pardonnés, tant attendus par ceux qui ont fait le mal et qui restent trop longtemps dévorés par la culpabilité. Mais en quoi les « miséricordiants », ceux qui pardonnent ont-ils du bonheur ? Parce que la miséricorde seulement peut libérer du mal subi par eux, quand il continue son ravage, entretenant amertume, rancune, colère et même violence parfois. Si on peut attendre de son offenseur qu’il demande pardon, il est de toute façon de notre responsabilité et de notre intérêt de pardonner, ne serait-ce qu’en vertu de la paix qui en découle. La cinquième béatitude évangélique n’est pas « d’abord être pardonné avant de pardonner » mais l’inverse : tu pardonnes et tu seras pardonné. Faire miséricorde ouvre le cœur à recevoir ensuite le pardon des autres. Attendre la miséricorde des autres peut laisser longtemps sur sa faim. L’initiative revient, pourquoi pas, à celui qui en a le plus besoin, le blessé. Surtout si l’offenseur ne s’est pas rendu compte du mal qu’il a commis. Quelle sagesse qui rejoint celle de l’amour des ennemis!

L’étymologie de miséricorde est l’attention à la misère, le cœur sensible à la misère de l’autre. « Corde tendue à la misère ». Non la misère comme pauvreté, mais le dénuement, la misère de l’âme, le péché de l’autre. Complémentaire de la justice et parfois sa suite, elle rend heureux en se situant dans le registre du cœur et non dans la raison. Pour Dieu, sa miséricorde est toujours plus que sa justice. L’histoire de la femme adultère est très éloquente à ce sujet. Ils sont heureux ceux qui obtiennent miséricorde, parce qu’ils sont dans cette dynamique d’une réciprocité, comme celle de l’amour : « Pardonne et l’on te pardonnera ». Il s’agit de la spirale du bien.