À l’heure où le prétendu "droit au blasphème" revient sur le devant de la scène, il n’est pas inutile de s’interroger, en tant que chrétiens, sur la plus grande offense que les hommes peuvent infliger à Dieu. On pense spontanément aux horreurs que nous pouvons dire sur Lui, ou bien à l’utilisation à tort de son Nom en L’impliquant dans des projets meurtriers ou en Lui prêtant des intentions indignes de sa bonté et de sa sainteté. Tout cela n’est pas faux.
Cependant, il existe une autre façon d’offenser la majesté divine à laquelle on pense moins souvent. Laquelle ? Tout simplement en agissant contre notre bien, c’est-à-dire contre nous-mêmes. C’est saint Thomas d’Aquin qui l’affirme : "Dieu est offensé par nous uniquement du fait que nous agissons contre notre propre bien" (Somme contre les Gentils III, c 122).
Dieu est blessé par les blessures que nous nous infligeons
Comment Dieu peut-Il être offensé alors que nous n’avons pas l’intention de Lui porter préjudice et d’attenter spécialement à son honneur ? En fait, pour comprendre cette raison, il est nécessaire au préalable de bien intérioriser ce qui constitue l’Être de Dieu. Dieu est Père. C’est en tant que tel que nous l’offensons en agissant contre nos propres intérêts. Cette réalité nous sera compréhensible si nous essayons, dans les limites de nos esprits finis, d’entrer dans l’intimité divine.
Dieu a un cœur de père : c’est Jésus qui nous l’a révélé. Or, un cœur paternel bat toujours au même rythme que celui de ses enfants. Il n’en va pas différemment pour Dieu. Ce qui nous grandit Le réjouit et ce qui nous salit, nous diminue, L’attriste, Le blesse et au final L’offense.
La grandeur du dessein de Dieu pour nous
Mais comment l’homme peut-il offenser Celui qui est infiniment plus grand que lui ? N’est-ce pas là un abus de langage ? Non, parce que Dieu, dès l’origine, nourrit de très grands projets pour nous. Dieu est très ambitieux pour sa créature humaine. Et conséquemment, l’offense qui Lui est infligée est à la mesure de la grandeur du plan de vie qu’Il a conçu en notre faveur. Car Dieu veut nous partager sa vie infinie. Dans ces conditions, comment l’homme pécheur qui préfère à ce dessein grandiose, la petitesse, la mesquinerie et la malice du péché, ne blesserait-il pas son Père céleste qui a de telles ambitions pour son enfant ?
Imaginez la déconvenue de parents qui se sont saignés aux quatre veines pour que leur fils entre dans une grande école et qui constatent, atterrés, qu’il préfère gagner sa vie en dealant de la drogue et en s’abîmant spirituellement et physiquement ! Le fils a offensé ses parents, non pas en les insultant ou en leur voulant directement du mal, mais en se détournant de l’excellence pour laquelle ils s’étaient sacrifiés. Et cela non pas parce que le fiston leur inflige une blessure narcissique, mais parce que le cœur des parents bat à l’unisson de celui qu’ils aiment plus qu’eux-mêmes.
Sa joie paternelle
Pareillement, Dieu n’est pas offensé parce que nous avons saccagé son plan providentiel — Dieu est désintéressé et en nous voulant du bien, ce n’est pas une satisfaction narcissique qu’Il poursuit mais seulement notre bonheur — mais parce que nous nous faisons du mal à nous-mêmes en nous détournant de Lui. Notre honneur est le sien, comme nos joies sont ses joies. Voilà pourquoi chaque fois que nous abîmons notre être filial, qui est fait pour la vie divine, le cœur de Dieu est offensé parce que Dieu a épousé notre cause et que notre honneur de fils de Dieu constitue Sa joie paternelle !
