Dernière enfant d’une fratrie de sept, que la vie n’a malheureusement pas épargnée de son lot d’épreuves à porter, Béatrice Drécourt perçoit sa vocation à l’âge de 15 ans, devant une photo de vigne : "Une révélation ! s’exclame-t-elle, alors que je ne buvais pas encore de vin, mais à cette date, j’ai commencé à décoller les étiquettes des bouteilles et à les collectionner." S’en suit un stage en seconde dans un petit manoir viticole, et là encore, "cette grande expérience a été l’évidence pour moi".
De la beauté de la vigne à la vie dans la nature, de la contemplation des paysages au labeur rythmé par le son des cloches - "je trouve qu’il y a dans cette tradition un lien à jamais tissé entre le Ciel qui donne et la terre qui reçoit" - Béatrice Drécourt s’épanouit et se révèle dans cet univers paysan qu’elle découvre complètement et qui lui fait goûter la "fierté du travail accompli". La fabrication d’une boisson à partir d’une plante la fascine et l’émerveille. Alors qu’elle se destinait initialement à une filière littéraire, elle suit les précieux conseils d’orientation qui lui sont prodigués, s’accroche et décroche finalement un bac scientifique.
Au fur et à mesure de sa formation, elle comprend, seule dans son rang au soleil, que "la vie est comme la vigne : le Seigneur vient nous tailler et nous émonder." Des paroles lourdes de sens pour celle dont les mots sont emplis d’espérance, alors qu’elle a surmonté de nombreuses difficultés par le passé. "Le plus important dans la vie, c’est de jeter un œil derrière soi avec miséricorde et paix. Les chemins sont bien escarpés et j’aime dire qu’il faut aimer la vie telle qu’elle est."
"La beauté du Seigneur sauvera le monde"
Méditant calmement, tout en participant aux travaux de relevage de la plante, elle réalise que cette passion qui l’anime est intimement liée à sa foi. Celle qui s’interrogeait sur une éventuelle vocation monastique se sent appelée à aller "dans les vignes du Seigneur, au sens propre comme au figuré. Je veux témoigner de ma foi à travers le vin auprès de toutes les personnes que je rencontre." Malicieusement, elle nous avoue cacher une petite médaille miraculeuse dans chaque chai où elle est passée.
Des élèves qu’elle forme aujourd’hui en lycée agricole, dont elle aimerait parfois qu’ils soient plus motivés, "certains ne savent ni lire ni écrire, l’agriculture apparaît comme la seule issue possible pour eux", au monde paysan qu’elle juge complètement déchristianisé "alors qu’ils travaillent avec Dieu tous les jours", auprès de chacun, elle essaye de transmettre ce message qui l’anime au quotidien : "La beauté du Seigneur sauvera le monde", et abonde "celui qui ne va pas à l’église peut rencontrer le Seigneur dans les vignes qui sont de véritables cathédrales de verdure."
Demander simplement à ne pas travailler le dimanche pour aller à la messe peut suffire parfois à témoigner : "Mon maître de stage comprenait que c’était essentiel pour moi et que je prenais plus de forces pour la semaine." Filant la métaphore qu’elle explore dans ses livres, elle compare la vigne à notre vie intérieure : "C’est une plante qui s’enracine, qui se bat pour porter du fruit. Tandis que le vigneron la dirige avec des fils, la vigne pourrait choisir librement de ramper sur le sol, mais elle est attirée par la lumière." Pour conclure cet entretien, lorsque nous interrogeons cette passionnée sur son vin préféré, réfléchissant un instant, elle répond en souriant comme à l’évidence : "le vin de messe !"
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