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La langue de Mariann Budde

Mariann Budde

L’évêque épiscopalienne de Washington Mariann Budde et Donald Trump, le 21 janvier 2025.

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Benoist de Sinety - publié le 27/01/25
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Il ne sert à rien de chercher à finasser dans un autre idiome que celui qu’on a reçu en héritage. C’est ainsi que le père Benoist de Sinety, curé-doyen de la ville de Lille, explique le langage direct avec lequel l’évêque épiscopalienne Mariann Budde s’est adressé à Donald Trump.

Un ami, de passage pour son travail à New York, me rapportait récemment être allé dans une immense boutique de confiserie pour en rapporter quelques dragées à son frère. Tous deux ont pour habitude de s’appeler entre eux depuis l’adolescence par des petits surnoms dont ils ont le secret, qui ne les blessent ni ne les flattent mais établissent entre eux une joyeuse complicité. Voici cet ami parvenu au comptoir où l’on vous propose de faire graver sur la coque des petits bonbons convoités un mot, un dessin, une courte phrase. Il s’agit selon les bonnes astuces de marketing de « personnaliser » ce que vous allez offrir afin de flatter le bénéficiaire tout en enrichissant par une belle plus-value le commerçant. Quel mot pour immortaliser la précieuse offrande ? L’idée surgit. Le sourire aux lèvres, il tape sur le clavier devant lui le mot "looser", car ainsi aime-t-il en ce moment taquiner son cadet. 

« Trop offensant ! »

L’ordinateur effectue sa besogne. Les petites pilules au chocolat tombent dans un récipient tenu par une vendeuse. Le mot y figure bien, sur chacune. Joie de la technologie ! Au moment où il va tendre sa carte de crédit pour finaliser la joyeuse offrande, voici que la vendeuse blêmit. Sans un mot, elle quitte sa caisse et se dirige vers son responsable. Un long conciliabule s’engage : lui tente d’argumenter, elle hoche la tête, résolue et ferme. Il finit par se diriger vers le client qui se demande bien le pourquoi d’un tel conclave. "Monsieur, lui dit-il avec la plus froide politesse, nous ne pouvons vous donner ceci."

Il poursuit, comme un professeur assénant une leçon à l’enfant ignorant : "Il est impossible de vous vendre ces bonbons avec le mot qui y figure. Il est trop offensant." L’ami a beau balbutier qu’il s’agit de son frère, d’un jeu, d’un clin d’œil affectueux. Rien n’y fait. Tous les regards sont désormais braqués sur lui. Il se demande si la police, forcément prévenue, n’est pas déjà en route, s’il ne va pas être arrêté, jugé dans la soirée et expulsé, au mieux, ou finir ses jours dans quelques pénitenciers dont on ne ressort pas. Il est prêt pour cela à oublier les dizaines de dollars que coûtent ce présent désormais redoutable, à renoncer à tout, pourvu qu’on ne le traîne pas pour discrimination devant les tribuns de la nouvelle Inquisition. Finalement, le chef de rayon s’apaise. Il comprend qu’en face, il n’a qu’un pauvre européen qui n’a pas encore été éduqué aux normes de la vraie vie. Il tente une conciliation : "Si vous enlevez la lettre “l”, aucun problème pour imprimer “ooser”". L’ami sent le rire tourmenter sa gorge. Il dit : "Non, je préfère écrire “perdant”." L’autre acquiesce gravement : "Oui, ce sera mieux." Et c’est ainsi qu’il sort vingt minutes plus tard, libre et finalement sauvé dans son cadeau et son honneur, par sa langue maternelle !

Sa langue maternelle

À quoi sert en effet de chercher à finasser dans un autre idiome que celui qu’on a reçu en héritage ? C’est ce que je me demandais en regardant le sermon infligé au 47e président américain par l’évêque épiscopalienne, la "méchante" Mariann Budde, puisque tel est désormais le titre qu’il lui a été attribué. Avant même de chercher à comprendre les mots prononcés, c’est la fragilité immense et l’émotion de la voix épiscopale qui saisissent. Fragilité et émotion d’une voix qui appelle à la pitié. Certains, bien sûr, font aussitôt la fine bouche, et renâclent car elle évoque les jeunes LGBT ou les migrants, deux groupes d’humains pour lesquels il semble de plus en plus difficile de trouver dans la sphère baptismale de la sympathie ou au moins de la compassion. 

Mariann Budde a choisi ce jour-là, devant un pouvoir arrogant et sûr de lui, fort de sa brutalité affichée et revendiquée comme une qualité suprême et comme une définition délirante de la virilité, d’utiliser sa langue maternelle, celle qui lui vient de l’Esprit reçu et vivifiant. Une langue qui ne rabaisse pas ceux dont elle évoque le visage, ni ne cherche à humilier ou à écraser dans des logiques inhumaines. Elle a voulu sans doute parler au plus près la langue de l’évangile, ni justifier quiconque ni imposer quelque autre principe que celui de la charité. Elle dit, en somme : "Des gens ont peur, alors qu’ils ne sont pas coupables. Ayez pitié d’eux." A-t-elle raison ? ceux qui parlent d’autre langues peuvent penser que oui. D’autres, encore une fois, chercheront par le non-dit qu’ils lui attribuent à discréditer sa pensée. Mais peut-on reprocher à un chrétien de chercher à parler comme Jésus ? Surtout lorsqu’il s’adresse à des hommes qui prétendent agir au nom de l’Évangile sans jamais se référer à ce Jésus sans lequel il n’est rien.

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