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[CONTE DE NOËL] La nuit de Noël des gargouilles de Notre-Dame

STRYGE-NOTRE-DAME

La stryge de Notre-Dame.

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Bertrand Galimard Flavigny - publié le 24/12/24
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C’est l’histoire d’une nuit de Noël dans les hauts de Notre-Dame de Paris. L’incendie a passé par là. La cathédrale a retrouvé son éclat, mais gargouilles et chimères se désespèrent d’être si peu aimées…

La gargouille, de son pinacle suspendu au-dessous des toits de la cathédrale, crache des flots d’eau perdus entre les pierres. Non loin d’elle, une chimère, celle que l’on nomme stryge, accroupie sur sa minuscule plate-forme, contemple la ville qui devrait être endormie. Des lumières, des projecteurs, des phares, des lampadaires s’entrecroisent et forment de longs fuseaux colorés. De cette agitation éclairée montent des chuintements, roulements et grondements, parfois des pétarades. La ville rugit et clignote. Qu’a-t-on fait de son mystère ? La sculpture grimaçante, ses ailes d’ange déchu, la tête entre ses mains, a cessé de pousser ses cris d’oiseaux qui effraient même les corbeaux et rêve à des images qu’elle pensait être effacées. Elles surgissent dans son cerveau de pierre, s’entrechoquent et disparaissent aussi vite. 

Chimères et gargouilles tremblent à nouveau

Plus bas, sur une autre plate-forme, l’une de ses sœurs, un tigre ailé, feule mécontente. Ces personnages que l’on dit grotesques protestent. Elles sentent l’opprobre régner autour d’eux. Tant pis si leur allure est jugée repoussante. Confondues avec les gargouilles, elles n’en sont pas moins des ornements incontournables des arches et des gouttières. Accrochés sur un contrefort, au-dessus du vide, ces êtres sortis de l’imagination des hommes pour effrayer les méchants et vomir les vices hors de l’église, acceptent toutes les souillures mais voudraient tant être aimés. 

En cette nuit, les gargouilles et les chimères frissonnent. La neige lentement les revêt tandis que le bourdon s’ébranle. À quelle occasion ? Elles ont perdu leurs repères depuis cette journée abominable qui a failli les briser sous la chaleur de l’incendie. Tandis que les cloches sonnent les unes après les autres, puis toutes ensemble faisant vibrer les arcs-boutants et les murs, elles tremblent à l’idée qu’elles puissent à nouveau être en danger. De son balcon, penché sur le vide, le singe diabolique interpellent chimères et gargouilles : "Ne comprenez-vous pas que cette nuit est celle de Noël ? Oui Noël, la naissance de Jésus. Cette nuit est aussi celle de la Rédemption. Ne sentez-vous pas ces flocons de neige qui se déposent sur nos corps de pierre afin de nous vêtir de blanc et nous dépouiller de nos vilenies ?"

Derrière le vitrail de la Charité

C’est alors que, les cloches appelant les fidèles à célébrer cette sainte naissance, les gargouilles et les chimères, les premières, à cause de leur ancienneté, suivies par les secondes relativement jeunes, se détachent de leurs abris de pierre. Elles entreprennent une désescalade acrobatique, vers le panneau de la Charité. De là, dominant le chœur, elles espèrent obtenir la grâce qui les lavera et, peut-être, leur donnera une figure plus humaine. La horde grimaçante se presse derrière le vitrail ; chacun contemple la féérie qui se déroule sous leurs yeux. Leur cœur de pierre s’émeut des chants et des timbres des orgues. L’heure approche, l’effigie de l’Enfant Jésus porté dans les bras de l’archevêque, va être déposée dans la mangeoire de la crèche.

L’archevêque de Paris, vêtu de la chasuble blanche, coiffé de la calotte violette, chargé de son précieux fardeau, se penche sur la mangeoire installée entre le bœuf et l’âne, tous deux entourés par tous les personnages de la crèche. Au moment où il va placer l’Enfant Jésus, il voit, ou plutôt il devine la petite main se lever et désigner quelque chose à l’opposé de lui. Le prélat, sans réfléchir à cette étrange manifestation, suit du regard ce qu’indique l’effigie. Là-haut, en effet, derrière le vitrail de la Charité, il distingue des ombres s’agiter. Les fidèles surpris à leur tour par l’attitude de l’officiant, se figent et tentent de deviner ce qui l’intrigue. La chorale, à son tour, suspend le Il est né le divin Enfant. L’organiste, sans désemparer, continue de jouer sa partition, sans s’apercevoir tout de suite qu’il est seul. 

La horde de pierre

L’assistante chuchote, les clercs murmurent, les choristes se taisent, les enfants ricanent. Pas tous. Les plus sérieux ou les plus rêveurs, enfin ceux qui voient tout, surtout lors d’une soirée de Noël, commencent à comprendre ce qui se passe. Est-ce Raphaël, Armel ou Victoria qui, le premier s’écrie en montrant du doigt les ombres qui s’agitent de l’autre côté du vitrail : "Le Diable !" Leur cri retentit entre les piliers et se répercute sous les voûtes. Tous sont saisis d’effroi. Ils voient distinctement ces êtres difformes, grimaçant, qui s’agitent. Hurlent-ils ? On ne les entend pas. Chacun se bouscule autant pour tenter de voir ce phénomène que pour le fuir. "Le Diable !" répètent entre eux les trois enfants. L’archevêque se détourne et reporte son regard vers l’Enfant Jésus. 

Dans la crèche, les personnages n’ont pas bougé, seule la figurine sacrée a changé de position. Elle s’est légèrement soulevée, le bras droit levé, la main ouverte comme une offrande. Raphaël, le plus âgé des trois, fronce les sourcils et regarde plus attentivement ces ombres maléfiques. "Non, ce n’est pas le Diable, constate-t-il. Ce sont les gargouilles et les chimères." À l’énoncé de cette réalité, l’Enfant Jésus lève cette fois ses deux petites mains et les tend vers le vitrail, comme pour bénir la horde de pierre. Et l’on entend, cette fois distinctement des grognements, des ronronnements plutôt, de satisfaction. L’archevêque discerne dans le visage de l’Enfant Jésus un clignement d’œil, comme un acquiescement. Il se retourne alors vers le vitrail de la Charité et, dans un geste large, trace le signe de croix. Une lumière vive suit l’intervention de l’évêque et l’on entend une clameur venue de l’extérieur. 

Lors de la nuit de Noël

Les gargouilles et les chimères ont repris leur place autour de la cathédrale. Elles ont abandonné leur position de décor, elles sont devenues sa gardienne. Depuis, chaque année, lors de la nuit de Noël, elles se réunissent de l’autre côté d’un nouveau vitrail, contemplent la crèche et reçoivent le signe d’amour de l’Enfant Jésus. 

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