Faustin en parle avec une émotion palpable, qu’il dissimule sous de grands éclats de rire : après bien des tribulations, c’est un fantôme de lui-même, épuisé et apeuré, qui trouve refuge en France en 2018 chez une compatriote installée à Niort (Deux-Sèvres). Il a 21 ans, un bac en chaudronnerie et l’espérance folle d’un avenir meilleur. Bien qu’accepté rapidement en formation à l’Institut de soudure, il déchante vite : la cohabitation est difficile, il lui faut trouver un plan B. Un soir de détresse, il envoie des SOS sur Facebook à plusieurs associations. Réponse immédiate de Geneviève, présidente de l’antenne locale de la Société Saint-Vincent-de-Paul à Niort. "J’avais perdu tout repère, je me méfiais de tout et de tous, se souvient Faustin. Au ton chaleureux du mail, j’ai su instinctivement que c’est dans cette association-là que je devais aller." Accueilli rapidement dans leur local, il s’y sent en effet "comme en famille." Geneviève se démène pour son protégé : en deux temps trois mouvements, elle lui trouve un logement chez ses voisins, Sabine et Jean-Marc, qu’il considère aujourd’hui comme ses parents adoptifs. Dès lors, l’horizon s’éclaircit "comme si toutes les étoiles étaient alignées", s’étonne Faustin.
Une générosité à double sens
Ébahi d’être à ce point chouchouté par les membres de la Conférence Saint-Vincent-de-Paul, ce dernier propose très vite de leur donner un coup de main : "Être un assisté, très peu pour moi, s’exclame-t-il ! Et puis, autant j’ai côtoyé au fil de mon périple des êtres sans foi ni loi, autant d’autres m’ont tendu la main aux pires moments. Toujours. Il était naturel que je rende la pareille." Faustin commence donc par prêter main forte à deux septuagénaires responsables de la boutique solidaire qu’il évoque avec tendresse : "On formait un fantastique trio !" Avec la crise sanitaire, le magasin est pris d’assaut, notamment par des jeunes tirant le diable par la queue. Épaulé par quelques bénévoles de sa génération, Faustin crée une Conférence jeune. Il est vite désigné pour en être le responsable : "Je n’en revenais pas de tant de confiance", s’émerveille-t-il.
Aujourd’hui, cette équipe composée d’une vingtaine de bénévoles vient en aide aux 18-35 ans dans le besoin : aide matérielle et bien plus encore, puisqu’un temps de café-partage leur est proposé chaque semaine. Peu avare de son temps et de son amitié, Faustin a pris par ailleurs des responsabilités supplémentaires dans d’autres instances de l’association. "C’est vraiment une famille pour moi, se réjouit-il. Je leur suis si reconnaissant de m’avoir tiré de la panade et rendu ma dignité." Tant et si bien que Faustin, bluffé par cette générosité, a exprimé le souhait de rejoindre cette communauté catholique qui lui a paru être un reflet de l’amour divin. Chez lui, on allait parfois à la messe le dimanche et la famille priait ensemble chaque soir. "Mais ma mère, qui avait reçu le baptême adulte, jugeait bon de nous laisser choisir par nous-même notre religion."
"Le Seigneur fit pour moi des merveilles"
Lors de ses pérégrinations sur les routes d’Afrique et d’Europe, le jeune Camerounais - naturalisé français en avril dernier - n’a cessé d’implorer Dieu : "J’ai eu froid et faim, j’ai dormi dehors, j’ai frôlé la mort plusieurs fois. En larmes, je suppliais le Ciel de me venir en aide. Il l’a fait par le biais de gens de cœur, qui ont été mes anges gardiens. Et il a mis Geneviève sur ma route. Quand elle m’a proposé de la suivre à la messe, j’ai su qu’Il m’appelait là." L’idée de se faire baptiser mûrit dans son cœur, et c’est tout naturellement qu’il choisit la présidente de la Conférence adulte de Niort comme marraine : "Elle ne m’a jamais lâché, elle est un modèle pour moi. Ça fait cinq ans que nous allons ensemble à l’église, on a nos places attitrées !" s’amuse-t-il.
Son baptême a eu lieu en mars 2023. Un moment très fort pour Faustin : "C’était comme une sorte de libération, comme si je naissais une seconde fois. J’ai senti que j’appartenais vraiment à Dieu. Il a tant fait pour moi ! Il m’a tout donné. C’est Lui qui détient mon souffle, chaque seconde de ma vie. Il est éternel, sans pareil." Et de conclure d’une voix assurée, pleine de gratitude : "Oui, mon Seigneur m’a vraiment sauvé."