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Boualem Sansal, un innocent à défendre

L'écrivain Boualem Sansal emprisonné à Alger.

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Henri Quantin - publié le 27/11/24
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La légèreté avec laquelle certaines voix françaises donnent tort à l’écrivain Boualem Sansal, actuellement emprisonné à Alger, est indéfendable, estime Henri Quantin dans sa chronique hebdomadaire.

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En France, comme chacun sait, on ne met pas Jean-Paul Sartre en prison. En Algérie, en revanche, la police peut arrêter Boualem Sansal à l’aéroport, puis prendre son temps pour informer les personnes inquiètes qu’il ne s’agit pas d’une disparition, mais d’un emprisonnement. Sans doute les humoristes et les rebelles de plateau de télévision ont-ils un peu discrédité la défense d’un écrivain victime du pouvoir. On rit avec les Inconnus de la pétition en faveur d’Abel Chemoul, “séquestré dans des conditions abominables dans les geôles fascistes” ; on change de chaîne devant le plumitif prenant la pose du courageux incorruptible, sous prétexte qu’il a écrit que l’Église devrait se moderniser un peu.

Il ne faut pas pour autant oublier l’évidence : des gouvernements utilisent tranquillement le bras armé de la justice pour intimider et faire taire des voix libres. Le pouvoir algérien ne craint pas de donner ainsi raison au diagnostic que Boualem Sansal porte sur lui depuis plus de vingt ans : arbitraire et dictatorial. Le plus inquiétant, dans cette affaire, est qu’au moment même où Alger montre à tous ce que peut donner un état soumis à l’islam politique, une partie de la gauche française s’empresse de donner tort à l’écrivain. On s’en étonne à peine, tant la défense des écrivains persécutés est systématiquement sélective dans certains milieux parisiens.

Ce n’est pas parce qu’on ne met pas Jean-Paul Sartre en prison qu’il faut paraphraser son magistère et affirmer que tout écrivain critique de l’islam est un chien.

Manifestement, les communicants du gouvernement algérien savent qu’ils peuvent compter sur des silences complices à Paris : la déclaration d’Algérie Presse Service affirme que Boualem Sansal est “un pseudo-intellectuel vénéré par l’extrême droite française” et que “la France Macronito-Sioniste” (sic) ferait mieux d’arrêter Benjamin Netanyahou. Cela pourrait être signé par La France insoumise ! “Les fachos et Israël”, diversion connue pour qui est prêt à tout pour transformer les victimes en coupables et les terroristes en opprimés. Ce n’est pas parce qu’on ne met pas Jean-Paul Sartre en prison qu’il faut paraphraser son magistère et affirmer que tout écrivain critique de l’islam est un chien. C’est même précisément parce qu’un écrivain n’est pas en prison qu’on peut fermement discuter ses idées.

Un innocent à défendre

Mais, à l’heure où nous écrivons, Boualem Sansal a été injustement emprisonné à Alger. En cet instant, il n’est donc pas à nos yeux un athée qu’on aimerait convaincre de ne pas parler indistinctement de “la religion” quand il rit d’un pouvoir absurde et tyrannique (voir l’exergue de son roman 2084). Non. Il est un innocent à défendre et un écrivain à écouter plus que jamais, y compris quand un de ses personnages ironise sur l’irénisme possible d’un certain christianisme : “Si les envahisseurs ont pris la ville, il faut que tu ouvres les yeux, regarde-les comme ils sont, des envahisseurs qui viennent t’égorger, et non comme des amis chaleureux qui veulent t’initier à la nouvelle Fraternité. Penses-y avant de tendre la joue.”

Oui, dans son impuissance — qui, il l’espère, n’est pas partagée par les pouvoirs publics de son pays —, le citoyen français peut au moins lire ou relire quelques textes de l’écrivain emprisonné. Dans Le Train d’Erlingen, on trouvera par exemple cet appel que Boualem Sansal semble nous adresser depuis une geôle algérienne : "J’espère de tout cœur que le monde encore indemne va réagir et d’abord commencer à réfléchir. Si on ne croit pas à la vie et à la liberté, on ne peut pas les défendre, pardi, et si on ne le fait pas, il n’y a simplement pas de raison de continuer à vivre."

Sortir des aveuglements

En France, on ne met pas Jean-Paul Sartre en prison et c’est tant mieux. Il serait bon que l’on soit aussi capable de ne pas faire preuve des mêmes aveuglements que Jean-Paul Sartre à l’égard des totalitarismes et qu’on mette tout en œuvre pour faire sortir un écrivain français des geôles algériennes.

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