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Avec le Péché Originel et la condamnation d’Adam et Eve chassés du jardin d’Eden, la sentence divine fut sans appel : "C’est à la sueur de ton visage que tu gagneras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes à la terre dont tu proviens ; car tu es poussière, et à la poussière tu retourneras" (Gn 3,19), origine ancienne du fameux adage "Gagner son pain à la sueur de son front"… L’homme aura en effet dès lors à travailler la terre pour trouver sa nourriture, un effort du quotidien axé sur le pain, base de toute alimentation antique.
Les fouilles archéologiques ont démontré que le pain sous toutes ses formes demeurait effectivement la base même des civilisations anciennes et notamment celle des Hébreux, souvent issu de la farine d’orge, sans oublier l’épeautre si essentiel dans l’aire mésopotamienne et égyptienne, ainsi que le relate le Livre du prophète Ezéchiel (Ez 4,9-10) : "Prends du blé, de l’orge, des fèves, des lentilles, du millet et de l’épeautre : mets-les dans un même récipient ; tu t’en feras du pain. Tu en mangeras pendant les jours où tu seras couché sur le côté, soit 390 jours. Ce sera la nourriture que tu mangeras ; tu en pèseras des rations de vingt sicles par jour ; tu les mangeras à intervalles réguliers."
Véritable anticipation du mystère eucharistique, la multiplication des pains souligne combien rien n’est impossible à Dieu.
La sanction divine sera plus sévère encore lorsque s’imposera une pénurie de pain qui terrorisera alors les hommes impies. Le même Livre d’Ezéchiel le rappelle en ces termes : "Fils d’homme, voici que je vais supprimer dans Jérusalem les réserves de pain : ils mangeront dans l’angoisse un pain rationné, ils boiront avec épouvante de l’eau mesurée. Ainsi, le pain et l’eau manquant, les uns et les autres seront frappés d’épouvante ; ils pourriront dans leur péché".
Pain symbolique
Nourriture terrestre, le pain sait aussi devenir nourriture spirituelle lorsqu’il prend la forme d’une offrande divine ainsi que le souligne à de multiples reprises la Bible notamment au Livre du Lévitique qui en fixe les prescriptions rituelles de manière très stricte : "Lorsque tu apporteras, comme présent réservé, une offrande de céréales, une pâte cuite au four, elle sera de fleur de farine en gâteaux sans levain, pétris à l’huile, ou en galettes sans levain, frottées d’huile" (Lv 2,4). La pureté non seulement de la farine, mais également de sa préparation importait, ce qui excluait tout levain et miel qui l’auraient rendu impropre. Le rituel des pains d’oblation deviendra essentiel dans la religion juive et les fêtes des azymes (hag hamatzot lors de Pessa’h), de la moisson (Chavouot), puis des récoltes (Souccot), accordent encore de nos jours une grande importance au pain symbolique, renforçant ainsi l’Alliance avec Dieu.
" Donne-nous notre pain… "
Le christianisme n’interrompra pas cette tradition tout en allégeant cependant les prescriptions rituelles afin de privilégier la fonction symbolique du pain ; une force symbolique que rappelle la prière du "Notre Père" offerte à tous les croyants par Jésus et dans laquelle le pain apparaît aux premières lignes : "Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour"…
De même le miracle de la multiplication des pains accompli par Jésus prend une valeur symbolique manifeste – en plus de sa dimension pratique de nourrir cinq mille hommes loin de toute ville à partir de seulement cinq pains et deux poissons. Véritable anticipation du mystère eucharistique, la multiplication des pains souligne combien rien n’est impossible à Dieu en rappel de la manne au désert tout en préparant les cœurs au pain partagé.
Le pain eucharistique
La Cène demeure pour les catholiques au cœur du mystère christique. Saint Paul dans son Epître aux Corinthiens aura soin d’interroger le fidèle : "Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain" (1 Co 10 ,16-17). C’est ce pain partagé qui fait mémoire du corps du Christ offert en croix, un pain non point symbolique mais bien un pain de vie devenu Corps du Christ par l’action de l’Esprit saint, en un sacrifice renouvelé messe après messe depuis deux millénaires…