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En fleurissant des tombes abandonnées, ils soufflent la consolation dans les cimetières

Face à la désertion des cimetières, de jeunes actifs et étudiants se mobilisent pour fleurir et entretenir les tombes laissées à l'abandon à Paris, ici au cimetière du Montparnasse.

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Cécile Séveirac - publié le 30/10/24
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Face à la désertion des cimetières, de jeunes actifs se mobilisent pour fleurir et entretenir les tombes laissées à l'abandon à Paris, priant pour les âmes des défunts concernés. Décidés à faire de ces endroits abandonnés des Français un lieu de joie et de consolation, ils se sont lancés dans la création d'une association en vue d'étendre cette initiative au niveau national.

"Moi, c'est là que je vis ! — cueillant les roses blanches, consolant les tombeaux délaissés trop longtemps, je passe et je reviens, je dérange les branches, je fais du bruit dans l'herbe, et les morts sont contents." Victor Hugo ("Dans le cimetière de ***", Les rayons et les ombres) blâmait déjà de son temps la désertion des cimetières et l’abandon des morts. En France, la fréquentation de ces lieux de recueillement diminue drastiquement. Seuls 34% des Français déclaraient en 2019 s’y rendre chaque année, contre 46% en 2009. Il suffit d’entrer dans un de ces derniers lieux de repos pour constater avec tristesse les conséquences de cette désaffection : pierre délabrée, noircie, recouverte de mousse, noms parfois illisibles… Face à ce triste phénomène, Hortense et Alexis ont choisi de se mobiliser. Ces deux amis d’enfance âgés de 24 et 26 ans se sont lancés début octobre dans une "tournée des cimetières" à Paris, où ils travaillent, afin de fleurir et entretenir les tombes laissées à l'abandon.

Entretien des tombes au cimetière du Montparnasse.

"Nous avons constaté que les cimetières ont une connotation très austère, les gens les voient comme quelque chose d’un peu glauque", remarque Alexis, chef de produit en spiritueux. "La génération de nos grands-parents les fréquentait davantage, parce que le souvenir des morts était plus prégnant. Aujourd’hui, entre le manque d’espérance et les migrations pendulaires, c’est plus rare d’y venir."

Ce qui me parle, c’est de me retrouver seul devant cette tombe, et d’avoir ce moment de face à face avec ce défunt que je ne connais pas, qui sait forcément que je prie pour lui, que je considère sa vie.

"L’objectif de l’initiative est triple : fleurir, entretenir et prier", explique Hortense, clerc de commissaire priseur, à Aleteia. L’idée lui vient un an en arrière, au moment de la Toussaint, lorsqu’elle se rend compte que personne n’est en mesure de s’occuper de la tombe de sa grand-mère, située trop loin du domicile familial. "Je me suis dit que c’était tellement triste d’avoir un proche enterré dont on ne puisse fleurir la sépulture… Et que j’aurais beaucoup aimé qu’on le fasse à ma place", se confie-t-elle. "Quand j’étais petit, j'accompagnais ma maman au cimetière pour nettoyer les tombes de ma famille et de mes ancêtres", raconte quant à lui Alexis. "Je me souviens d’une tombe, tout au fond, qui était dévastée. J'avais passé l’après-midi à la nettoyer, à rendre à ce défunt une sorte de dignité. Je n’avais que dix ans mais cette expérience a été très marquante pour moi. Depuis, le cimetière est un lieu qui me touche." Un message posté sur un groupe Facebook, des centaines de réponses enthousiastes, une conversation Whatsapp… Et le tour est joué. Pour encourager cette mobilisation et la structurer, les deux amis montent une association nommée "Chrysanthème".

Fleurir, entretenir, prier

Rendez-vous est donné chaque dimanche à 17 heures, cimetière du Montparnasse. Au total, une dizaine de volontaires sont présents à chaque tournée. Rassemblés dans le cimetière, ils récitent ensemble une prière avant de se disperser pour trouver une sépulture délaissée, sur laquelle, une fois nettoyée, sont déposées des fleurs. "Pour le moment, chacun apporte ses outils d’entretien et son bouquet de fleurs, mais le fait de créer une association permettra bientôt de constituer un fonds pour financer tout cela", explique Alexis. Ultime étape, et non des moindres : la prière pour l’âme de la personne concernée.

"C’est un moment qui me ressource", témoigne Guillaume. Âgé de 30 ans, cet ingénieur en informatique dans le secteur bancaire avait déjà l’envie de se ménager un temps de prière pour les morts, au milieu de ses semaines chargées de jeune cadre. Quand il voit la proposition d’Hortense, il saute sur l’occasion.  "J’ai toujours été touché par ces tombes non entretenues. Ce n’est pas forcément vrai à chaque fois, mais elles donnent l'impression que personne ne prie pour eux, ou ne pense à eux", confie-t-il. "On trouve un certain apaisement dans les cimetières, surtout en plein Paris. Ce qui me parle, c’est de me retrouver seul devant cette tombe, et d’avoir ce moment de face à face avec ce défunt que je ne connais pas, qui sait forcément que je prie pour lui, que je considère sa vie."

Dépôt de fleurs.

À terme, l'association doit permettre de développer cette initiative dans d'autres cimetières parisiens, voire à l'échelle nationale. "Nous comptons vraiment sur cette association pour grossir les rangs. L'idée serait d'avoir des antennes un peu partout, mais en gardant un côté accessible, où les gens se sentent libres de venir quand ils peuvent", explique Hortense. Un vent de consolation souffle sur ces lieux de deuil, et il vient de la jeunesse. Une jeunesse qui croit dur comme fer en l'espérance, "car les cimetières sont un lieu de joie", rappelle Alexis. "Ils sont la promesse de la vie éternelle".

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