15 millions de Français passent en moyenne 52 minutes par jour sur TikTok et 25% ont entre 11 et 12 ans. Ce réseau social chinois assez récent (2018) rencontre un succès gigantesque avec 168 millions de vidéos diffusées chaque seconde dans le monde. Pourtant, son pays d’origine en restreint l’accès à 40 minutes par jour à ses adolescents. Deux experts, Stéphane Blocquaux docteur en sciences de l’information et de la communication et auteur du Biberon numérique et Marie Costa, intervenante au sein de l’association Les Chevaliers du Web, livrent quelques réflexions à Aleteia.
1TikTok est interdit aux moins de 15 ans
Stéphane Blocquaux rappelle que la loi interdit l’accès aux réseaux sociaux pour les mineurs de moins de 13 ans, et qu’en France l’inscription entre 13 et 15 ans exige l’accord des parents « Cela signifie, précise-t-il, que les parents sont responsables (civilement et pénalement) de l’activité de leur enfant sur les réseaux : ce qu’il y dit et ce qu’il y montre. » Or, la maturité des enfants est en construction et ils n’ont pas toutes les capacités pour réaliser l’impact et les conséquences de certaines paroles, de certaines postures. Une bonne raison pour ne pas s’inscrire sur TikTok avant 15 ans, au moins.
2Des vidéos et des défis à évaluer
A l’origine de TikTok, la création et le partage de vidéos gentillettes, un peu bébêtes : des danses, des chats, des postures ridicules. Pourquoi pas ? Mais Marie Costa souligne que si de nombreux défis sont anodins, l’algorithme et la popularité de TikTok ont un effet amplificateur sur les défis dangereux. Sans chercher très loin, sur l’année 2023, trois défis stupides et malsains ont circulé sur le réseau : le défi de la cicatrice (se pincer la joue jusqu’à avoir une cicatrice), le jeu de la virgule (donner une claque derrière la tête à quelqu’un et le filmer) et le jeu des doigts brûlés (mettre une substance inflammable sur ses doigts et s’enflammer). Accompagner un adolescent, c’est l’inviter à réfléchir sur l’usage de TikTok : Que penses-tu de ces défis ? Quels défis peuvent être intéressants ou amusants d’après toi ? Qu’est-ce qui donne envie à ces personnes de faire des défis dangereux ? Que ferais-tu si tes amis faisaient ces défis ? Ou s’ils t’encourageaient à faire l’un de ces défis ? Comment réagir à la pression du groupe ?
3Un réseau de jeunes sans adultes
La facilité d’utilisation de TikTok est particulièrement attractive pour les jeunes (même s’ils ne sont pas censés y avoir accès). Pour Stéphane Blocquaux, « si les ados l’adorent, c’est parce que c’est drôle, on ne se prend pas la tête, on y teste sa popularité sans avoir besoin de beaucoup de talent… et les adultes ne s’en mêlent pas parce que le contenu semble anodin ! ». Et en effet, 75% des utilisateurs ont moins de 24 ans. « L’algorithme propose toujours plus de la même chose et sous couvert de s’amuser, de se détendre, le risque est bien de remplir sa vie avec du vide », ajoute le chercheur. Une bonne méthode consiste à noter avant de se connecter le temps imparti à TikTok et programmer un minuteur, 30 minutes maximum, et de passer un temps identique à lire un livre. Vous pouvez aussi inciter votre enfant à éteindre son téléphone une fois par semaine et noter cinq choses apprises pendant ce temps libre.
4Mise en scène et hypersexualisation
Sur TikTok plus que sur d’autres réseaux, le format vidéo encourage la mise en scène de soi. Il s’agit de se montrer et de créer de l’intérêt d’une manière ou d’une autre. L’érotisation des vidéos augmente de manière exponentielle les likes, encourageant les jeunes filles à adopter des postures hypersexualisées. « Certaines vidéos qui peuvent sembler anodines à des adultes sont même détournées par des pédophiles », alerte Stéphane Blocquaux. Il est important de demander à son enfant l’engagement de ne jamais poster de vidéo « sexy » et vérifier de temps en temps ses publications.
Les deux experts constatent que le format de vidéo court ne permet pas l’appropriation, l’analyse, la prise de recul... « On trouve tout et n’importe quoi sur TikTok, sans vérification de sources, ni hiérarchisation d’intérêt, sans modération ni arbitrage », précise Marie Costa. Stéphane Blocquaux ajoute que « l’algorithme crée un « doomscrolling », c'est-à-dire un défilement morbide de l’usager qui regarde, passif, des bouts de vie des autres. Finalement, serait-ce vraiment un problème de grandir sans TikTok ?