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Un serment d’Hippocrate à l’envers

GABRIEL-ATTAL-MICHEL-BARNIER-FRANCE

Gbariel Attal et Michel Barnier le 5 septembre 2024 à Matignon.

Henri Quantin - publié le 24/09/24
L’écrivain Henri Quantin revient sur la composition du nouveau gouvernement. Le plus féroce adversaire du Premier ministre ? La puissante machine à lancer des anathèmes qui exige de lui un alignement sur les diktats de l’air du temps.

Mauvais feuilleton australien, jeu de chaises musicales, petits arrangements entre amis, ultime sursaut de la République des copains et des coquins, on ne sait ce qui convient le mieux pour qualifier le spectacle offert par la poussive désignation d’un Premier ministre, puis d’un gouvernement Barnier. Première liste, deuxième liste, troisième liste, chacune a été commentée par le microcosme informé avant d’être connue du public. Dans ce bal mal masqué des ambitions réveillées et des rancunes tenaces, un seul critère rédhibitoire semble se dégager : ne devrait pas être ministre celui qui a fait preuve un jour de "conservatisme" social, à moins qu’il n’ait battu sa coulpe en place publique depuis.

La machine à lancer des anathèmes

"Ça va être le gouvernement de La Manif pour tous", s’est insurgée Mathilde Panot, apparemment tout heureuse de pouvoir recycler ses attaques d’étudiante (elle était encore à Sciences Po lors des manifestations de 2012). Le slogan a eu une efficacité presque magique : Laurence Garnier, annoncée comme possible ministre déléguée chargée de la Famille, se retrouve finalement secrétaire d’État chargée de la Consommation. Le magistère insoumis ne pouvait tout de même pas laisser la famille à une femme qui juge qu’il est préférable, quand c’est possible, qu’un enfant ait un père et une mère. On est prié de pousser un soupir de soulagement, le retour de Vichy ayant donc été évité in extremis. D’après les gens informés, François-Xavier Bellamy, un temps pressenti à l’Éducation nationale, aurait été rayé de la première liste pour les mêmes raisons. Privé de gouvernement, le camp de la gauche dite progressiste peut se consoler : il reste puissant pour désigner à la vindicte médiatique une persona non grata ; contrôler la machine à lancer des anathèmes assure plus de pouvoir que bien des portefeuilles ministériels.

Consommation au lieu de Famille pour Laurence Garnier, donc. Houellebecq appréciera sans doute l’hommage involontaire que lui rend cet épisode. Qui ose dire comme lui que toutes les supposées avancées "sociétales" n’ont abouti qu’à transformer hommes, femmes et adolescents en consommateurs insatisfaits ? Partenaires sexuels jetables, ruptures par SMS, contraception chimique, tri des embryons, eugénisme par amniocentèse, tout cela a fait entrer les lois du marché dans la famille, dernier lieu qui en était un peu préservé. Il ne reste plus alors qu’à mesurer le "moral des ménages" à la fréquence de l’achat d’un nouvel écran plasma et au renouvellement des abonnements à Canal Plus.   

Les diktats de l’air du temps

"Je demanderai au Premier ministre d’affirmer clairement dans sa déclaration de politique générale qu’il n’y aura pas de retour en arrière sur la PMA, le droit à l’IVG, les droits LGBT", a déclaré Gabriel Attal, sans doute ravi de jouer à son tour le rôle de Mathilde Panot avertisseur de danger. Propos stupéfiants, qui laissent entendre qu’un nouveau gouvernement devrait non seulement annoncer ce qu’il va faire, mais donner la liste de ce qu’il ne fera pas. On s’étonne alors que cette liste soit si courte et qu’elle n’exclue pas aussi explicitement les "retours en arrière" sur le divorce, l’abolition de la peine de mort, les congés payés et pourquoi pas le droit à l’anesthésie pour l’opération des ongles incarnés.

Au fond, ce qui est demandé n’est plus un discours de politique générale, mais un engagement solennel à s’aligner en tout sur ce que la doxa du moment considère comme un progrès. Gabriel Attal n’exige rien de moins de son successeur qu’un serment d’Hippocrate à l’envers. Croit-il vraiment qu’on mesure le sérieux d’un gouvernement à sa soumission apeurée à tous les diktats de l’air du temps ?

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