"La question n'est pas "Qu'est-ce que je peux avoir ?" mais "Qu'est-ce que je peux donner dans la vie ?", invitait à s’interroger Robert Baden-Powell, le fondateur du scoutisme. Une disposition d’esprit qui a marqué des générations entières de scouts et de guides depuis la création du scoutisme en 1907 et qui contribue encore aujourd’hui à former des êtres soucieux les uns des autres et du monde qui les entoure.
C’est en effet ce que confirme une étude publiée ce 19 septembre, réalisée par l’Ifop à la demande du Rasso, l’association des aînés et anciens Guides et Scouts d’Europe, avec la participation des Guides et Scouts d’Europe, des Scouts et Guides de France et des Scouts Unitaires de France. C’est la première fois qu’une étude d’envergure est menée afin de mesurer l’impact social du scoutisme. Un échantillon constitué de plus de mille adultes, représentatif de la population française, a été interrogé, ainsi que 2.355 anciens scouts issus des trois grands mouvements présents en France.
Une attention prononcée envers son prochain
"On constate un engagement associatif beaucoup plus fort mais aussi une attitude altruiste et philanthrope nettement plus développée chez les anciens scouts que chez le grand public", reconnaît Jérôme Fourquet, directeur département Opinion et stratégies d'entreprise à l’Ifop, au regard des résultats. En effet, 87% des anciens scouts sont engagés dans des associations, contre 33% pour le grand public. 31% des anciens scouts font partie d’une association humanitaire ou caritative contre 9% pour le grand public. Il apparait également que l’engagement de ceux qui sont passés par le scoutisme est plus régulier. Autre élément intéressant, les anciens scouts, incités pendant leur jeunesse à prendre des responsabilités au sein du groupe scout, sont plus nombreux à exercer des responsabilités au sein des associations dont ils font partie.
Les anciens scouts sont également plus enclins au don : près de 9 anciens scouts sur 10 déclarent donner au moins une fois par an à une association ou à une personne dans le besoin, contre à peine plus d’1 Français sur 2. En outre, ils sont beaucoup plus généreux, et ce, quelle que soit la catégorie socio-professionnelle à laquelle ils appartiennent. Alors que les anciens scouts donnent en moyenne 900 euros par an, le reste de la population donne 265 euros.
Plutôt bien dans leurs baskets
Les anciens scouts témoignent d’un niveau de bien-être et de santé mentale supérieurs à la moyenne. Ils passent davantage de temps dans la nature et ont un rapport plus équilibré aux écrans. Les anciens scouts situent leur niveau de bien-être à 7,9/10 quand le grand public est à 6.3/10. En outre, 93% des citoyens ayant participé à un mouvement scout vont "bien" et 33% vont "très bien", contre respectivement 72% et 10% pour l’ensemble de la population. Un écart qui se vérifie pour chaque classe socio-professionnelle. Le scoutisme contribue ainsi "à forger des individus équilibrés et bien dans leur peau, qui s’en sortent psychologiquement mieux que le reste de la population", souligne Jérôme Fourquet. "C’est un point positif pour la société que de pouvoir compter sur des citoyens bien dans leur tête."
Les liens d'amitié créés à travers le scoutisme sont durables : 92% des anciens scouts ont gardé un ou des amis de leur passage chez les scouts. Un élément qui contribue à préserver de l'isolement social. Quant aux activités pratiquées régulièrement, c’est la nature, puis les livres qui sont plébiscités par les anciens scouts, tandis que le grand public affiche une préférence claire pour la télévision. Parmi les anciens scouts, seuls 43% regardent la télévision régulièrement contre 81% des Français. Par ailleurs, leur rapport aux écrans et aux réseaux sociaux est moins prégnant.
Une meilleure insertion dans le monde du travail
Est-ce parce que le scoutisme favorise le goût de l’effort, l’esprit d’équipe, la capacité de s’adapter et le sens des responsabilités ? Selon l'étude, les anciens scouts sont moins touchés par le chômage que le grand public (40% contre 61%). Un écart qui se vérifie de nouveau parmi toutes les couches de la société. Le scoutisme s’avère aussi être un atout dans la vie professionnelle : 93% des anciens scouts déclarent que l’expérience scoute est utile dans leur vie professionnelle et 73% d’entre eux l’ont valorisée lors d’un entretien d’embauche.
Au-delà de la vie professionnelle, le scoutisme participe aussi à l’éveil et à l’approfondissement de la vie spirituelle des jeunes. Si les anciens scouts sont logiquement marqués d’une empreinte religieuse plus prononcée que le grand public en raison de l'ancrage du scoutisme dans la religion chrétienne, l'expérience scoute a contribué, pour ¾ d'entre eux, à fortifier leur foi.
Des écarts significatifs par rapport au grand public
Fort de ces résultats, il est néanmoins légitime de se demander si cette étude n’est pas biaisée : l'impact du scoutisme est-il aussi fort que ce que les chiffres laissent paraître ? Ceux qui s’inscrivent et participent à un mouvement scout ne sont-ils pas "déjà" soucieux de leur prochain et de l’environnement ? "Déjà" bien dans leurs baskets en raison d’un contexte familial favorable et attentif à l'épanouissement de la personne ? Et "déjà" dotés de qualités qui font qu’ils réussissent dans la vie ? Pour Delphine Brosseaud, directrice déléguée du Rasso, les écarts de statistiques entre les anciens scouts et le grand public sont tels que l'on peut aisément conclure que le scoutisme laisse une empreinte forte. "Ce ne sont pas des petits écarts, on a 10, 20 voire 30 points d’écart entre les deux panels, et ces écarts se vérifient quelles que soient la catégorie socio-professionnelle et la tranche d’âge", précise-t-elle.
Il y aurait donc bien quelque chose de structurel, et de durable, dans l’empreinte que laisse l’expérience du scoutisme. "Le fait d’avoir été scout transcende les clivages ou les fractures traditionnelles et tend à inoculer un virus civique qui reste très actif même quand on a quitté le mouvement et ce quel que soit le milieu social dans lequel on évolue", abonde Jérôme Fourquet. Une preuve marquante est le taux de participation aux élections : il est de 10 à 20 points plus élevé, selon le type d'élections, chez les anciens scouts. La santé mentale est un autre marqueur structurel : les 18-24 ans qui ont fait du scoutisme vont globalement beaucoup mieux que leurs contemporains. Autres écarts très significatifs, les gestes de charité, 59% des anciens scouts donnent de l’argent ou à manger à des personnes dans la rue au moins une fois par an contre 34% pour le grand public, soit 25 points d'écart, ou encore l'attrait de la télévision (43% regardent la télévision régulièrement vs 81%, soit 38 points d'écart).
Proposer le scoutisme au plus grand nombre
"Cette étude permet d’avoir des données objectives sur des intuitions subjectives que l’on avait sur l’impact du scoutisme, et les mouvements sont très heureux de constater que la pédagogie scoute fonctionne", souligne Delphine Brosseaud. Baden-Powell avait effectivement à cœur de former des jeunes pour qu’ils deviennent débrouillards, responsables, sains de corps et d'esprit, et se mettent au service de leur prochain… Cette étude semble bien signifier que cet objectif est atteint. Des résultats qui motivent désormais les responsables des mouvements à proposer le scoutisme au plus grand nombre. "Ils ont envie d’accueillir davantage de jeunes, et notamment ceux qui ne connaissent pas le scoutisme, ou qui ne viendraient pas spontanément", affirme Delphine Brosseaud. "Cette étude nous conforte dans notre engagement. Elle montre que le scoutisme va bien au-delà d’une expérience de jeunesse, c’est une véritable école de la vie qui bénéficie à l’ensemble de la société", appuie Rémi Fourneraut, président des Guides et Scouts d’Europe.
Une école de la vie qui, si elle a été créée il y a plus de 100 ans par un officier britannique, n’a pas pris une ride et se révèle même être un puissant soutien au vu des enjeux éducatifs actuels. "Elle propose une réponse à bon nombre des problématiques sociétales auxquelles nous sommes collectivement confrontés", fait remarquer Rémi Fourneraut. Santé physique et mentale des jeunes, exposition aux écrans et aux réseaux sociaux, amitiés, formation du caractère… Autant de sujets qui exigent d’être pris à bras le corps aujourd’hui et auxquels le scoutisme offre de belles et stimulantes réponses.