Croix ou crucifix ? Si le langage tend à confondre les deux, ces deux objets se distinguent par la présence sur le crucifix d’un Christ crucifié, absent sur la simple croix où la Passion n’est que suggérée. C’est le crucifix que l’Église catholique utilise dans sa liturgie, lors de la messe et des processions solennelles. "Sur l’autel ou à proximité, il y aura une croix, bien visible pour l’assemblée, et portant l’effigie du Christ crucifié, précise ainsi la Présentation générale du missel romain. Il convient que cette croix demeure près de l’autel même en dehors des célébrations liturgiques, pour rappeler aux fidèles la passion rédemptrice du Seigneur". Seul un crucifix peut ainsi être employé comme croix d’autel : une croix nue ne portant pas visuellement de marque de la Passion ne peut donc pas être utilisée comme telle.
La Tradition, elle, fait valoir cette préférence en insistant sur la Passion sur laquelle se fondent l'Eucharistie et la Résurrection pour rappeler que l’autel est précisément la table du sacrifice par lequel le Fils meurt sur la croix. Généralement posé au centre de l’autel, face au célébrant, le crucifix manifeste aussi le regard que pose le Christ sur le prêtre qui célèbre la sainte messe in persona Christi pour que, vers lui, convergent le regard de l’officiant et de l’assemblée. Il arrive cependant que, selon la disposition du lieu, le crucifix ne soit pas placé sur l’autel mais en dehors, à proximité, sur un pied ancré dans le dallage ou suspendu au-dessus de celui-ci. La croix d’autel, ainsi, est de plus en plus régulièrement remplacée par une croix de chœur orientée non plus vers le prêtre, mais vers l’assemblée.
Une portée symbolique
L’instruction du 26 septembre 1964 pour l'exécution de la Constitution sur la liturgie "Inter oecumenici" de la Congrégation des Rites explique que "la croix et les chandeliers, qui sont requis sur l’autel pour chaque action liturgique, peuvent aussi, au jugement de l’Ordinaire du lieu, être placés en dehors de l’autel" (§ 94). Cet ajustement est induit par l’orientation du prêtre qui, après Vatican II, célèbre très largement la messe face à l’assemblée. Nul débat ici : il ne s’agit que de constater le fait que le crucifix placé sur l’autel peut gêner la vue des fidèles, particulièrement au moment de l’élévation et du Per Ipsum. Si la croix de procession sert de croix de chœur ou que celle-ci se substitue à la croix d’autel, alors le prêtre ne peut célébrer face à celle-ci : une croix plate est donc disposée sur l’autel. Si ce n’est pas le cas, lorsque le maître-autel subsiste malgré son abandon par le Concile, le crucifix demeure visible par l’assemblée des fidèles.
L’autel, lui, vient du latin "altare", issu de la racine "altus", c’est-à-dire "élevé". L’autel est donc "le haut-lieu servant de point de jonction entre Dieu et le monde, explique Mgr Le Gall dans La liturgie de l’Église. [...] Bien que l'autel puisse encore désigner l'ensemble d'un lieu de culte, comme les Orientaux en ont gardé la coutume, il signifie surtout son centre : la table où l'on place les offrandes réservées à Dieu, censé descendre pour s'en ‘nourrir’." C’est le lieu précis où Dieu renouvelle son offrande et cette divine kénose par laquelle Il se dépouille en rejoignant l'homme dans l’hostie consacrée. Sur l’autel, Dieu et l’homme deviennent littéralement "convives" : vers la croix, les regards du prêtre, de Dieu et de l’homme se rejoignent pour que tous "vivent ensemble".