Avec 11 millions d’habitants, Jakarta est une métropole tentaculaire dont les rues ne semblent jamais se désemplir. Malgré les mesures prises par la municipalité, notamment l’installation d’un étrange service de bus dont on entre et sort par des passerelles au milieu de la route, rien n’y fait, cela se bouche partout, jour et nuit. Il s’agit des fameux Macet, qui signifie embouteillage en bahasa, la langue officielle de l’Indonésie. Le problème est tel que le gouvernement actuel a officiellement transféré la capitale du pays à Nusantara, une ville-nouvelle en pleine construction sur l’île de Bornéo. Même si le projet ne convainc pas tout le monde en Indonésie, il a été jugé préférable de faire sortir de terre cette cité dans la jungle plutôt que de rester dans Jakarta, capitale depuis l’indépendance du pays en 1945.
En prévision de la venue du pape François, les autorités locales avaient pourtant demandé aux habitants de Jakarta de privilégier le télétravail pendant son séjour. Mais le message n’est pas forcément passé… d’autant plus que certains habitants de la ville, très majoritairement musulmane, ne semblaient pas savoir que le pape venait… ou même ne savent pas qui est le Pape. Dans l’après-midi du 4 septembre, François avait rendez-vous dans la cathédrale pour rencontrer les acteurs de l’Église catholique dans le pays. Et bien que très largement escorté par les services de sécurité indonésien, il est arrivé avec un léger retard.
Il n’y a rien d’anormal à ce que le pape François ne suive pas à la minute prêt le programme, c’est même une habitude du pontife qui a souvent répété que "le temps est supérieur à l’espace". À Jakarta, l’espace semble avoir cependant été supérieur au temps prévu, un phénomène que plusieurs journalistes locaux nous ont assuré pouvoir expliquer. "Il a été pris dans les bouchons", éclate de rire Valentina, une catholique qui travaille pour une chaîne de télévision laïque. "C’est un vrai problème ici", assure son collègue Subandi, un musulman. Au même moment, la rue devant la cathédrale est soudainement rouverte au trafic et les mobylettes se mettaient à vrombir et reprendre possession des lieux, grillant la priorité au convoi papal. Le trafic sera finalement interrompu et le pontife argentin est enfin arrivé, sans que ce retard ne perturbe personne. Et probablement pas le Pape, évêque de Rome, ville qui n’est pas un modèle en termes de fluidité sur les routes.