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Liberté chrétienne et liberté de la France

POLITIQUE-LEGISLATIVES-TRACTAGE-AFP

Nathalie Guironnet / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Séance de tractage pour le Front Populaire à Dax, 22 juin 2024.

Michel Cool - publié le 28/06/24

L’écrivain et journaliste Michel Cool livre son analyse de la crise politique française. Il accuse les élites politiques, médiatiques et religieuses d’avoir laissé se développer une conflictualisation à outrance des idées et des personnes qui a corrompu le sens du compromis au service du bien commun.

Dans l’atmosphère d’avant-guerre qui règne dans le monde, voici notre pays s’abandonnant de nouveau à ses passions tristes et ses pulsions autodestructrices. Dans la plus grande confusion, nous nous laissons attirer par les grandes gueules ouvertes et criardes qui ressemblent aux gargouilles des cathédrales médiévales ricanant au-dessus de nos têtes. Comment résister à leur puissance d’attraction ? Elles nous promettent de nous libérer de tous les responsables de nos exaspérations et malheurs présumés. Au fil des ans, avec le renfort d’une meute médiatique acharnée, nous avons chargé du poids de tous les péchés de la terre des personnes et des institutions qui alimentent notre ressentiment profond : juifs, musulmans, homosexuels, migrants, pauvres, étrangers, police, Europe, président de la République.

Désigner des bouc-émissaires

Pour René Girard, toute l’histoire du genre humain est travaillée par cette tentation de désigner des bouc-émissaires pour s’exonérer d’un sens collectif de responsabilité. La façon dont Jésus de Nazareth a été rejeté puis condamné à mort, illustre pour le philosophe anthropologue la manière dont une société peut régler ses comptes avec elle-même en se défaussant sur un autre de ses déceptions, de ses renoncements, de ses turpitudes. La réplique « c’est la faute à untel » est devenue le réflexe symptomatique d’une société poussée à l’hystérie par la virulence des échanges et leur banalisation sur les réseaux sociaux et les plateaux de télé. 

La démocratie parlementaire était le temple de la Loi, de la rationalité des débats. Elle a implosé sous les coups de boutoir calculés d’une secte de boutefeux inspirés par un robespierrisme archaïsant de sinistre mémoire. Ce désordre et la peur qu’il a générée ont pavé la route vers le pouvoir de l’extrême-droite. Elle a profité de cette chienlit orchestrée par sa sœur jumelle d’extrême-gauche pour se donner une figure sécurisante et respectable. Or, sous son apparente virginité, elle trimballe le même fonds de commerce : xénophobie et autoritarisme assaisonnés de sentiments franchouillards, russocompatibles en prime. 

Cet esprit de débâcle

Souvenons-nous de la débâcle de 1940 : l’invasion de la France par les troupes d’Hitler, la Chambre des députés du Front Populaire votant les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, la bénédiction du régime collaborationniste et antisémite de Vichy par la hiérarchie catholique… Je retrouve aujourd’hui quelque chose de cet esprit de débâcle qui n’est pas du meilleur augure pour l’avenir de notre pays. Comment nos élites politiques peuvent-elles se regarder dans la glace après avoir laissé prospérer deux forces extrémistes qui se trouvent aujourd’hui aux portes du pouvoir ? J’accuse l’incapacité de la classe politique française à considérer le compromis, non pas comme un faux-nez de la compromission, mais comme un vrai outil de négociation débouchant sur un résultat constructif. Cette tare de notre démocratie française fait l’affaire des extrêmes. Ils ont beau jeu de monter l’opinion publique contre l’impuissance du régime des partis à régler efficacement ses problèmes.  

La responsabilité des médias

Comment nos élites médiatiques peuvent-elles se regarder dans la glace après avoir été les puissants remorqueurs des réseaux sociaux qui ont fait de la conflictualisation à outrance des idées et des personnes leur sport favori ? Beaucoup de médias ont sciemment confondu leur fonction légitime de contre-pouvoir dans une démocratie libérale, avec celle d’anti-pouvoir opposé au gouvernement en place. Les médias devraient poursuivre trois missions essentielles : informer, expliquer, éduquer à la liberté d’opinion. Hélas, un anti-pouvoir n’informe pas, il déforme, il désinforme, il caricature. Hélas, un anti-pouvoir n’explique pas, il charge, il accuse, il condamne. Hélas, un anti-pouvoir n’éduque pas à la liberté de jugement, il fait de l’idéologie, de la propagande, il manipule l’opinion. 

J’accuse cette dérive médiatique d’avoir semé la confusion, relayé des colères sans prendre la moindre distance, au lieu d’éclairer les esprits.

J’accuse cette dérive médiatique d’avoir semé la confusion, relayé des colères sans prendre la moindre distance, au lieu d’éclairer les esprits. Responsable, elle l’est aussi de la détestation du président de la République. En sonnant matin, midi et soir, l’hallali contre lui, sans jamais la moindre nuance, les médias français — à de rares exceptions — ont fabriqué un bouc-émissaire en or à l’usage des partis extrémistes qui n’en espéraient pas tant de la part de ceux dont ils auraient dû craindre l’esprit critique.    

Le silence des élites religieuses

Comment nos élites religieuses, et spécialement les autorités catholiques de ce pays, ont-elles pu naïvement ou complaisamment laisser se développer dans la mentalité des fidèles un néo-lefebvrisme qui ne s’exprime plus seulement dans la liturgie mais dans les urnes ? Aux élections européennes du 9 juin, près d’un tiers des catholiques pratiquants ont voté pour la liste du Rassemblement national. Ce glissement électoral peut être lu comme une victoire posthume de Mgr Lefebvre, un émule de Charles Maurras et de l’Action française. Cet évêque schismatique avait dans le collimateur trois options fondamentales du concile : la liberté religieuse, l’œcuménisme et le dialogue interreligieux, en particulier celui avec les juifs. Son anticommunisme viscéral l’avait poussé à épouser des idées politiques très à droite et à soutenir des dictatures militaires en Amérique du sud au nom de “la défense de la civilisation chrétienne”.

J’accuse de déficit prophétique l’épiscopat face à la tentation extrémiste d’une bonne partie de l’électorat catholique. Comment notre Église qui s’est lamentablement corrompue sous le régime de Vichy, peut-elle à nouveau se taire quand les idées politiques qui en sont héritières sont aux portes du pouvoir ? J’entends mugir en mon for intérieur, la colère du cardinal juif de Paris, Jean-Marie Lustiger, devant le silence de ses pairs actuels sur le regain d’antisémitisme dans notre société et en particulier dans des recoins de partis extrémistes de droite et de gauche, où vont se perdre certaines de leurs ouailles. Comment, dans ce contexte, un évêque peut-il se précipiter à un pèlerinage traditionaliste où l’on prie au grand jour pour “la défense de la civilisation chrétienne” ? Pourquoi des responsables et des influenceurs catholiques laissent-ils croire qu’un extrême serait meilleur ou moins pire que l’autre, alors que l’un et l’autre véhiculent la même trahison du témoignage chrétien et de l’Évangile ?

Trois nécessités

Il est encore temps pour les chrétiens héritiers du gaullisme, de la démocratie chrétienne et de la social-démocratie de se mobiliser pour voter et pour faire voter en faveur de candidats aux législatives qui obéissent aux trois nécessités les plus impérieuses pour épargner à la France les spectres de la paralysie, du chaos et peut-être de la guerre civile : l’obéissance au réel, le respect de l’autre, le sens du compromis au service du bien commun. Oui, entre les deux précipices monstrueux où on veut nous précipiter, il existe un vaste champ pour y faire refleurir l’honneur de la liberté chrétienne au service de la liberté de la France. 

Tags:
FranceLégislatives 2024Politique
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