Voici donc embarquée la flamme olympique. Du Pirée à Marseille, les organisateurs ont choisi de la faire naviguer sur le Belem comme pour remonter l’histoire. Du stade d’Olympie où elle fut bénie par une prêtresse, elle gagne l’Europe à la voile avant d’être brandie par une multitude de coureurs, connus ou anonymes, jusqu’à l’apothéose parisienne. Mais de quoi cette flamme est-elle le signe ?
Trois rêves universels
Alors toute transportée par l’épopée de son empire sur lequel le soleil jamais ne se couche, la Grande-Bretagne de la fin du XIXe siècle découvre un curieux officier qui s’intéresse notamment à la jeunesse la plus défavorisée. Baden Powell prétend proposer aux jeunes « des quartiers », par la vie dans la nature et la coresponsabilité fraternelle, un nouvel horizon. En fait, une méthode éducative à rebours d’une époque où l’argent règne comme jamais jusqu’alors et où le capitalisme sauvage fait exploser tous les modèles sociaux.
En France, Pierre de Coubertin, jeune aristocrate catholique marié à une alsacienne protestante, découvre cette pédagogie, après avoir été fasciné, lors de séjours outre-manche et aux États-Unis, par ce qu’on appelle alors les « Muscular christians » qui dans les public schools sont chargés d’éduquer par la pratique du sport les jeunes garçons afin de les viriliser et de canaliser leurs pulsions. Fasciné par cette éducation, il cherche à l’implanter en France, dans une IIIe République qui ne jure que par l’éducation physique et la gymnastique d’où tout esprit de compétition est banni. C’est aussi l’époque des grandes Expositions universelles : Coubertin rêve d’en proposer, bâtie uniquement sur le sport.
Une fraternité en actes
Scoutisme, Jeux olympiques, Exposition universelle : au tournant du siècle, ces trois mots sonnent comme le puissant désir d’une rencontre entre les peuples, d’un partage des cultures, d’une fraternité en actes. Avec les bégaiements et les faiblesses humaines bien sûr : mais d’autant plus pressants que chacun sent poindre confusément la fin d’un cycle. Que nul n’envisageait aussi tragique.
Le sport n’est-il pas aussi le moyen donné à tous pour prendre conscience de ce corps dont on nous explique qu’il nous faudrait nous extirper pour être vraiment heureux, alors que c’est tout le contraire ?
De nos jours, les Expositions universelles demeurent régulières même si elles suscitent moins d’enthousiasme populaire, le scoutisme donne à des millions de jeunes gens de tous les pays et toutes les religions de s’entendre dire et de découvrir qu’ils sont frères. Et les Jeux olympiques ? D’aucuns crieront à la fin du fameux « esprit », étouffé par la finance et le grand capital... un certain nombre aussi, dont l’auteur de ces lignes, râleront un peu ou beaucoup selon les jours sur les désagréments qu’occasionnent pour le citoyen lambda une organisation à laquelle la technocratie de notre pays n’arrange rien... Mais en fin de compte, n’y a-t-il pas plus important que nos agacements ou que les placements de produits qui déferlent sur nous ?
La flamme de l’Espérance
Car cette flamme de la paix, n’est-elle pas la parente de celle, petite et fragile, dont Péguy disait qu’elle était l’Espérance ? En regardant ces mains qui la soulèvent, vieilles et jeunes, de toutes couleurs et religions, ne serons-nous pas émus par ce désir porté à bout de bras que la guerre s’arrête, ou qu’elle ne recommence pas ? Le sport n’est-il pas aussi le moyen donné à tous pour prendre conscience de ce corps dont on nous explique qu’il nous faudrait nous extirper pour être vraiment heureux, alors que c’est tout le contraire ?
Notre foi se porte sur le corps : ce corps humain dans lequel le divin s’incarne en Jésus. Et dont notre Espérance est qu’il soit sauvé en étant glorifié. Et si la flamme des J.O. de Paris nous aidait à nous laisser toucher par l’aspiration du monde afin de mieux y manifester cette marche de Dieu vers les hommes, qui porte à leurs rencontres, la lumière de son Amour ?