C’était il y a 40 ans. Tout est parti de cette intuition que Jean Paul II, alors Pape, tient de ses premières années de sacerdoce au service de la jeunesse. "Je veux m’adresser aux jeunes, vous êtes l’avenir du monde, l’espérance de l'Église, vous êtes mon espérance" adresse-t-il déjà à la foule de la place Saint-Pierre lors de son premier angélus en 1978. Celui qui fut aumônier des étudiants de Cracovie, puis professeur de philosophie morale et d'éthique en Pologne connaît bien, alors, cette jeunesse dont il sait qu’elle porte en elle la flamme que l'Église lui a confiée pour annoncer au monde la Résurrection.
À Rome, les prémices des JMJ
C’est en 1983, à l’occasion d’un jubilée du 1950e anniversaire de la Rédemption, que Jean Paul II rend concrète cette certitude qui l'habite et selon laquelle l’avenir de l'Église est en ses jeunes. Là, depuis Rome, il donne rendez-vous à la jeunesse l’année suivante et fonde ce qui devient les prémices des premières Journées mondiales de la jeunesse. En 1984, ils sont 250 000 à répondre à l’appel du Pape pour se rassembler dans la ville éternelle lors du week-end des Rameaux. Sous le regard des saints de pierre qui surplombent, altiers, la place du Bernin, Jean Paul II leur confie la croix de l’Année sainte qui devient le symbole de ce rassemblement :
"Très chers jeunes, à la fin de l’Année Sainte, je vous confie le signe de cette Année Jubilaire : la Croix du Christ ! Portez-la dans le monde comme signe de l’amour du Seigneur Jésus pour l’humanité et annoncez à tous qu’il n’y a de salut et de rédemption que dans le Christ mort et ressuscité"
Haute de près de quatre mètres et pesant plus de 30 kilos, elle est dupliquée en 1996, abîmée par ses nombreux voyages et par la ferveur missionnaire de ces milliers d’âmes qui, par le monde entier, ont voulu la porter. Hélène Bodenez, professeur agrégée de lettres modernes, se souvient de ce qu’elle appelle le "prototype des JMJ" qu’a constitué l’édition de 1984, où elle s’est rendue avec quelques amis. "Dans sa volonté pastorale, Jean Paul II s’est adressé en premier lieu aux jeunes. Il y avait une jeunesse du Pape qui parlait à la jeunesse des pays qu’il traversait et quelque chose s’est durablement construit autour de ce phénomène. Ces jeunes, qui étaient présents, se sont ensuite mariés et ont eu des enfants qui à leur tour se sont rendus aux JMJ suivantes". Le souvenir de ces premières Journées a longtemps marqué Hélène : "Je pense encore très souvent à cette rencontre de 1984, à l'engouement de la jeunesse pour le renouveau de l'Église et à ces catéchèses bouleversantes, de Mgr Lustiger ou du père Daniel-Ange, qui m'ont longtemps portée depuis. J’en garde, même si les années ont passé, le souvenir impérissable d’un événement fondateur dans ma vie".
Une volonté missionnaire
En 1985, ce sont cette fois 300 000 jeunes qui se donnent rendez-vous pour assister au "rassemblement international des jeunes". Cette rencontre devient une véritable institution l’année suivante en prenant le nom de Journées mondiales de la jeunesse. Organisées tous les deux à trois ans, elles rassemblent depuis la jeunesse catholique venue du monde entier pour se réunir autour du Pape lors de la veillée et la messe finale qu’il préside. C’est en 1987 que les JMJ franchissent les frontières romaines pour s’établir en Argentine, à Buenos Aires, alors que la dictature militaire vient à peine d’être abolie après avoir fait des dizaines de milliers de victimes. Le choix n’est pas anodin pour l’ancien archevêque de Cracovie qui, dans sa jeunesse, fit face au régime Soviétique. Au Chili voisin, Pinochet s’est installé au pouvoir pas un coup d’Etat en 1973 : l’Espérance annoncée par ces centaines de milliers de jeunes réunis résonne particulièrement dans une Amérique du Sud meurtrie.
La ferveur d’une jeunesse catholique renouvelée dans sa foi
Les années suivent et les éditions s’enchaînent face à l’engouement de cette jeunesse fervente qui brûle de porter au monde l’annonce de l'Évangile : Compostelle en 1989, sur les pas de Jacques le Majeur, dans un haut-lieu de la chrétienté occidentale. La nouvelle évangélisation prend racines sur le Vieux Continent. En 1991, c’est en Pologne, à Czestochowa où l’on vénère la Vierge noire que le rassemblement s’établit. S’ensuit e 1995 Denver, en plein cœur Colorado où Jean Paul II affirme la volonté missionnaire de l'Église catholique. Dans cet État du cœur des Etats-Unis, les catholiques ne sont pas majoritaires. À Manille, en 1995, c’est la misère que le Pape embrasse. Jamais autant de jeunes ne s'étaient réunis auprès du Saint-Père : pour cette année record, ils sont cinq millions à être venus du monde entier. Quand les JMJ s’installent à Paris en 1997, l'Église de France est sceptique et divisée. Mgr Lustiger, alors archevêque de Paris, embrasse l’idée, lui qui perçoit dans la jeunesse l'Église en germe qui portera demain la foi au monde qui l’espère. Au pied de la Tour Eiffel, plus d’un million de jeunes célèbrent le bon Dieu et la sainte Vierge face à une France déjà déchristianisée. Rome, en 2000 et Toronto, en 2002, sont les dernières JMJ de Jean Paul II, épuisé par la maladie de Parkinson qui l’emprisonne depuis quinze ans déjà.
Les JMJ de Cologne, en 2005, sont les premières de Benoît XVI, qui préside les deux éditions suivantes : Sydney en 2008 et Madrid en 2011. Le Pape François, lui, rencontre les jeunes à Rio en 2013, puis, trois ans plus tard à Cracovie en 2016, Panama en 2019 et Lisbonne en 2023. Là, il leur a donné rendez-vous en Corée du Sud, en 2027, rêvant de voir des jeunes nord-coréens passer l’infranchissable frontière qui sépare la dictature de Pyongyang de sa voisine, Séoul. Les témoignages de grâces eux, n'ont cessé d'abonder depuis. Mariages, vocations, conversions : ils sont des milliers à savourer les fruits que les JMJ n'ont cessé de porter dans leur vie. S’il y avait, dans la volonté de Jean Paul II, le désir de construire l'Église de l’an 2000, la jeunesse du Pape a depuis franchi les générations, toutes habitées par ce même désir de croire avec radicalité, dans une soif commune de grandeur et d’absolu qui ne trouve d’assouvissement qu’en Dieu.