À l’occasion de la cérémonie de la Conférence européenne des rabbins à l’Élysée, jeudi 7 décembre, plusieurs vidéos partagées sur les réseaux sociaux ont fait entrer le chef de l’État dans un début de polémique. Sur ces images, on pouvait observer le grand rabbin de France, Haïm Korsia, en train d’allumer, sous les yeux d’Emmanuel Macron, une bougie de Hanouka, au premier jour de cette traditionnelle fête juive des lumières.
On vit aussitôt des cris d’orfraie venir de la gauche face au crime de lèse-majesté contre la laïcité française, concept assez abscons pour beaucoup en dehors de l’Hexagone, à commencer par le pape François. Mais il faut aussi noter que le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) jugea également que c’était "une erreur", via son président Yonathan Arfi.
Un geste "inusuel"
La question de la présence des autorités civiles dans des évènements religieux fait régulièrement débat. Pourtant, c’est la reconnaissance de la liberté religieuse qui est encouragée par la République, montrant par là-même la contribution positive de celles-ci au bien-être des concitoyens, en leur apportant aussi bien une lumière morale que des aides matérielles. Lors de sa venue au Collège des Bernardins en 2018, le président Macron avait ainsi brossé un tableau très positif de la contribution considérable des catholiques au bien commun en France. En septembre 2023, la présence du président de la République à la messe du pape François à Marseille avait également soulevé la polémique avec les hussards d’une laïcité restrictive, à l’inverse de celle imaginée par Aristide Briand, et par exemple fortement défendu par l’ancien maire de Lyon et ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, décédé le 25 novembre.
Une telle célébration dans un temple de la République peut en effet choquer, car ce n’est pas son objet, et la neutralité y est la règle.
La question du jour est peu plus délicate car les faits se sont déroulés à l’intérieur de l’Élysée lors d’une manifestation officielle. L’oratoire existant dans le palais était par exemple utilisé par le général de Gaulle, mais dans un cadre totalement privé. Une telle célébration dans un temple de la République peut en effet choquer, car ce n’est pas son objet, et la neutralité y est la règle. C’est justement en cela que ce geste "inusuel" voire à contresens, est magnifique.
Une proximité particulière
À un moment de grande souffrance pour nos frères juifs, avec des signes bien concrets d’antisémitisme notoire dans notre pays, il est symboliquement fort de donner la possibilité à "nos frères aînés dans la foi" — selon le mot de Jean Paul II — de se sentir pleinement acceptés et reconnus au sein même de l’instance qui garantit la liberté fondamentale de confesser sa religion, sans peur et sans crainte. C’est évidemment la pensée du Président, et il est bien qu’il y associe cet acte aussi symbolique. Peut-être aurait-il fallu qu’il donne une explication préalable pour bien contextualiser ce moment. Car on sent bien l’extrême niveau de sensibilité sur ses sujets actuellement, compte-tenu notamment de l’importance des communautés musulmanes et juives ensemble, avec le parti de La France insoumise en chef des pyromanes.
Il faut bien comprendre l’état d’esprit actuel des juifs de France, qui sont profondément inquiets y compris pour leur sécurité physique. Il est donc nécessaire que le premier d’entre nous affiche une solidarité et une proximité particulière, quitte à faire une "entorse au règlement".