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Le corridor de Latchine est aussi calme depuis début octobre que deux semaines auparavant, lorsqu'il était fermé. La quasi-totalité des habitants du Haut-Karabagh (ou Artsakh) ont quitté leurs maisons. Les derniers à partir ont été les religieux, désirant abandonner par des prières leurs églises millénaires à la divine providence. Restent prisonniers de Stepanakert quelques membres du gouvernement.
L'épuration ethnique du Haut-Karabagh a reposé sur une stratégie de manipulation. Après avoir visé des quartiers résidentiels, maintenu une suprématie militaire, grâce à des drônes israéliens, le parti Azerbaijanais, a forcé le camp attaqué à un accord déséquilibré. Pour maintenir le peuple arménien dans la confusion, Ilham Aliyev, le président azeri a procédé dès les cinq jours suivant la défaite, fin septembre, à une distribution de nourriture et déclarait vouloir protéger les habitants du Haut-Karabagh.
Mais la réalité est malheureusement bien différente. Des églises, dont celle de Charikar, bâtie au XIIIe siècle, ont été profanées ; des civils forcés de fuir devant les soldats criant Allah akbar et portant un brassard sur lequel on lit "Ne t'enfuis pas arménien, tu vas mourir d'épuisement" ; assimilation ou assassinat pour le millier d’Arméniens resté sur place ; 300 membres de l’armée et du gouvernement arrêtés et traités comme criminel de guerre - conséquence des négociations de Yevlakh permettant l'ouverture du corridor. Le remplacement des noms des villes a du reste déjà lieu, sur Googlemap par exemple. Plus de drapeaux ni de statues arméniennes dans les grandes villes et 3.000 nouveaux arrivants d'Azerbaïdjan ont pris place dans les lieux désertés par les arméniens. Que reste-t-il ensuite ? La profanation de tombes pour nier jusqu'à l'histoire de ceux qui foulèrent ce sol ?
À la croisée des conflits
De quelle réalité parle-t-on ? Le Haut-Karabagh est une région située à l’est de l’Arménie dont les terres sont habitées depuis plus de mille ans - comme, du reste, l’a été en grande partie territoire Azrbaidjanais - par les Arméniens, chrétiens et d’ethnie persique. Inscrit entre deux conflits, à plus large échelle, le Haut-Karabagh et l’Arménie sont tantôt couloir entre l’Iran et la Russie, tantôt lieu de l'expansion turque qui se trouve de chaque côté de sa zone d’influence. Il y a à peine un siècle, la république d'Azerbaïdjan est créée de manière artificielle par l’URSS pour contenter des minorités d’ethnie turcique et musulmane. La région du Nakhitchevan, au bord sud-ouest de l’Arménie, est donnée à l'Azerbaïdjan, seul le Syunik est préservé grâce au courage de l’homme d'État arménien Garéguine Njdeh (1886-1955), . En 1994, les Arméniens récupèrent l’Artsakh, alors appelé Haut-Karabagh, et constitue une république autonome, non reconnue par les instances internationales.
Alors que l’Europe envisage de doubler ses importations de gaz venant d'Azerbaïdjan, le 2 octobre, Sergueï Lavrov a déclaré vouloir aider les Arméniens du Haut-Karabagh à cohabiter avec les Azerbaijanais, et œuvrer en collaboration avec Bakou, semblant ignorer l’exode des arméniens. Rejetant la faute sur le gouvernement de Nikol Pashinyan, le Premier ministre d'Arménie, il invite cependant à la poursuite de relations cordiales avec le peuple arménien.
Le Haut-Karabagh a été laissé à lui-même, dans l’indifférence quasi générale. Le seul soutien dont bénéficie les réfugiés est surtout celui de son peuple, un désastre humanitaire n’est pas tant à craindre en Arménie. La prière ne s’est jamais faite si fervente en ces temps où la bataille à venir est redoutée.