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La béatification de la famille Ulma rappelle la valeur de toute vie

Jozef and Wiktoria Ulma Polish Catholic couple beatification
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Cyprien Viet - publié le 09/09/23
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Tués par les nazis le 24 mars 1944 avec la famille juive qu’ils hébergeaient, les neuf membres de la famille Ulma seront béatifiés ce dimanche 10 septembre lors d’une messe célébrée dans leur village du nord-est de la Pologne par le cardinal italien Marcello Semeraro, préfet du dicastère pour les Causes des saints.

Après un an et demi d’une cohabitation vécue dans une ambiance étonnamment joyeuse malgré les risques d’un tel accueil, les membres de la famille Ulma, ainsi que leurs huit hôtes, la famille Goldmann, furent tous massacrés le 24 mars 1944 par les nazis et leurs supplétifs, qui n’épargnèrent pas les enfants. Seront donc ainsi béatifiés ce dimanche les parents de la famille Ulma, Jozef (44 ans lors de l’exécution) et Wiktoria (32 ans), ainsi que leurs enfants : Stanislawa (7 ans), Barbara (6 ans), Wladyslaw (5 ans), Franciszek (3 ans), Antoni (2 ans), Maria (un an et demi), et un septième enfant dont Wiktoria accoucha lors de sa mort, et dont ni le nom ni le sexe ne sont connus.

Ce cas très spécifique a donné lieu à différentes interrogations, certains médias évoquant la béatification d’un enfant in utero ou non-né. En réalité, l’exhumation du corps de Wiktoria a permis d’identifier la tête de cet enfant, sorti du ventre de sa maman : il est donc considéré comme né, comme ayant vu le jour et vécu, même pour une très courte vie et pour un instant tragique. Le 5 septembre dernier, le dicastère pour les Causes des saints a réagi en diffusant une note précisant que Wiktoria avait bien accouché de cet enfant, qui avait « reçu le baptême du sang ».

Le père carme polonais Tadeuz Praskiewicz a précisé la position de ce dicastère, avec lequel il collabore, dans une note diffusée en décembre 2022 sur le site de la Conférence des supérieurs majeurs des ordres masculins en Pologne. « En ce qui concerne le baptême de désir, nous pouvons être certains à 100% que les Vénérables Parents ont certainement désiré que leur plus jeune enfant soit baptisé, tout comme ils ont baptisé leurs enfants nés plus tôt, mais ils n'ont pas pu faire ce qu'ils voulaient faire, parce qu'avant que l'enfant ne naisse, ils ont rencontré le martyre », a-t-il alors indiqué. « En ce qui concerne le baptême de sang, il nous est permis d'être convaincus que le plus jeune enfant des Ulma y a été immergé », a-t-il précisé, en situant cet évènement dans le sillage du massacre des Saints Innocents, vénérés par la tradition de l’Église.

Une source d’espérance face à la perte d’un enfant

Les notions de  « baptême du sang » et de  « baptême de désir » ont été remises en valeur dans la champ théologique depuis que le Catéchisme de l’Église catholique a abandonné le concept des « limbes », une notion définitivement invalidée avec un rapport de la Commission théologique internationale approuvé par Benoît XVI en 2007. Avec la tradition des limbes, durant des générations, de nombreuses familles catholiques marquées par la perte d’un enfant, mort-né ou décédé avant d’avoir été formellement baptisé, ont vécu dans l’angoisse quant au salut de cet enfant, condamné à demeurer dans cet état intermédiaire entre le Paradis et l’Enfer, du fait de ne pas avoir reçu le sacrement. Cette conception est désormais considérée comme erronée.

Pour la vaticaniste italienne Manuela Tulli, qui a écrit un livre sur la famille Ulma, l’intégration de cet enfant dans la liste des bienheureux constitue une source d’espérance pour les familles ayant perdu un enfant. « Cela rappelle la valeur de la vie des plus petits, des personnes ayant eu les vies les plus courtes, dont l’Église peut ainsi reconnaître la sainteté », a-t-elle expliqué à l’agence I.MEDIA, en remarquant également que la date du massacre, le 24 mars, à la veille de la Fête de l’Annonciation, est un signe retenu par la Positio (le rapport du dicastère pour les Causes des saints ayant permis d’établir le martyre de la famille Ulma, NDLR). Le 25 mars est aujourd’hui en Pologne la journée dédiée à « la vie naissante ». 

L’accueil des juifs par les catholiques en Pologne

L’histoire de la famille Ulma est également représentative du courage vécu par de nombreuses familles polonaises durant la Seconde guerre mondiale, qui offrirent l’hospitalité à des juifs, parfois des voisins, des collègues, des amis, ou même des inconnus en danger, dont l’accueil fut souvent motivé par la volonté de vivre radicalement les exigences de l’Évangile. La Pologne est le pays comptant le plus de “Justes parmi les nations”, avec 7.000 noms officiellement recensés par le Centre de Yad Vashem en Israël, auxquels s’ajoutent des milliers de cas non documentés. 

Certaines recherches évoquent le chiffre de 160.000 à 360.000 Polonais qui prirent le risque d’accueillir des juifs. Parmi eux figurent 2.500 religieuses et religieux, ainsi que 700 prêtres diocésains, dont beaucoup furent aussi déportés et le payèrent de leur vie. Après la béatification de 108 martyrs polonais de la Seconde guerre mondiale par Jean-Paul II le 13 juin 1999, la béatification de la famille Ulma rappelle une nouvelle fois l’engagement de nombreux catholiques de Pologne contre le totalitarisme hitlérien.

Selon l’agence polonaise KAI, environ 20.000 fidèles, 700 prêtres et 60 évêques sont attendus pour cette célébration qui se tiendra ce dimanche 10 septembre à Markowa, le bourg du sud-est de la Pologne où vécut la famille Ulma.

Le saisissant album photo de la famille Ulma, tuée pour avoir aidé les Juifs

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