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Les évêques de Pologne font bloc pour défendre la mémoire de Jean Paul II

Karol Wojtyla, archevêque de Cracovie, puis cardinal, avant d'être élu Pape.

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Cyprien Viet - publié le 17/03/23
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Réunis le 16 mars pour leur assemblée plénière, les évêques de Pologne ont pris la défense de la mémoire de Jean Paul II. Ce dernier fait l'objet d'attaques après la diffusion d'un documentaire et d'un livre dénonçant les réactions du cardinal Karol Wojtyła face à des cas de prêtres abuseurs dans le diocèse de Cracovie.

Les récentes enquêtes journalistiques accusant Karol Wojtyła d’avoir couvert des abus quand il était archevêque de Cracovie ont été faites "au mépris de l’analyse scientifique, de manière partiale, souvent anhistorique, sans connaissance du contexte", s’insurgent les évêques de Pologne dans une déclaration commune publiée le 16 mars 2023, à l’occasion de leur 394e assemblée plénière. Il dénoncent une manipulation médiatique autour de l’exploitation des documents de la police secrète communiste, qui avait pour objectif de déstabiliser l’Église catholique.

"Ces derniers jours, la personne et l’image de saint Jean Paul II ont fait l’objet d’une attaque sans précédent", rappellent les évêques, après la diffusion d’un documentaire et d’un livre dénonçant les réactions du cardinal Karol Wojtyła face à des cas de prêtres abuseurs dans le diocèse de Cracovie, dont il fut l’archevêque de 1964 à 1978. Ils rappellent que ces documents issus des archives de la police secrète communiste sont biaisés et "montrent surtout l’ampleur de la surveillance de la personne du cardinal Karol Wojtyła." 

Une commission d'enquête pour rétablir l'équilibre ?

Ils se désolent de voir que ces enquêtes se basent sur des documents élaborés par "ceux qui ont surveillé les citoyens, rédigé des dénonciations, collaboré avec le régime communiste, persécuté les croyants et violé les consciences". Les évêques de Pologne se dressent contre l’idée que ce serait à "ceux qui se sont opposés à la dictature communiste" d’avoir "honte et de s’expliquer".

Un documentaire diffusé en Pologne sur la chaîne privée TVN le 5 mars, ainsi qu’un livre paru le 8 mars du journaliste néerlandais Ekke Overbeek, ont en effet provoqué une tempête médiatique sur l’attitude du cardinal Karol Wojtyła, le futur Jean Paul II, face aux cas de prêtres du diocèse de Cracovie coupables d’abus sexuels sur mineurs. Les évêques polonais ont appelé à la création d’une commission pour enquêter dans les archives diocésaines et rétablir ainsi l’équilibre face à une documentation considérée comme partielle et partiale.

L’un des cas avait déjà été abordé dans une enquête du journal Rzeczpospolita publiée en décembre 2022, qui avait au contraire souligné la fermeté et la rigueur du cardinal Wojtyła. L’archevêque de Cracovie avait en effet écarté du ministère un prêtre reconnu coupable d’atteintes sexuelles auprès de jeunes filles, qui avait été condamné par un tribunal civil. Il l’avait ensuite réintégré en paroisse, mais sans possibilité de confesser ni de catéchiser, et sous surveillance stricte du curé-doyen, conformément au Code de droit canonique de 1917 alors en vigueur. Ce journal a récemment republié l’article pour démontrer que les accusations d’inaction portées à l’égard du futur pontife sont infondées.

Défense de l’héritage de Jean Paul II

"Saint Jean Paul II est l’un des plus grands compatriotes de notre histoire. Il est aussi le père de notre liberté. Il a marché devant nous comme Moïse – il nous a fait sortir de la maison de l’esclavage, nous a fait traverser la mer Rouge", insistent les évêques, situant le pontife polonais "dans la lignée des grands prophètes".

"Ses pèlerinages dans sa patrie ont été de grandes retraites pour la nation, des jalons dans notre histoire, une respiration de l’Esprit saint dans les consciences de compatriotes tourmentés et désorientés", rappellent-il. Les visites de Jean Paul II en 1979, 1983 et 1987 fragilisèrent en effet la dictature au pouvoir en Pologne, et posèrent des jalons importants vers la chute des régimes communistes en Europe centrale et celle du mur de Berlin.

Les évêques de Pologne soulignent aussi que Jean Paul II "a été le premier citoyen du monde ; il est allé vers toutes les nations", rappellent-ils, évoquant les 104 voyages internationaux du pape polonais. "Il a lancé un appel à l’unité spirituelle de l’Europe et nous a rappelé ses racines chrétiennes, à partir desquelles notre culture et notre civilisation se sont développées", ajoutent-ils.

"Ses prédications papales, ses visites apostoliques et ses efforts diplomatiques ont contribué à la croissance spirituelle de millions de personnes dans le monde", rappellent-ils. Pour eux, Jean Paul II "a été et reste une référence morale, un maître de la foi et un intercesseur au ciel".

En tant que pape, saint Jean Paul II considérait le préjudice causé à un enfant dans le domaine sexuel comme l’un des crimes les plus graves.

"Le processus de canonisation qui a été mené à bien, avec une analyse historique approfondie et scientifique, ne laisse planer aucun doute sur la sainteté de Jean Paul II", insistent les évêques polonais. Parmi eux figure désormais Mgr Slawomir Oder, qui fut le postulateur de la cause de béatification et de canonisation de Jean Paul II, et qui vient d’être ordonné, le 11 mars dernier, évêque de Gliwice, au sud du pays.

"Le jugement de l’Église sur la sainteté d’une personne ne se fait pas sur la base de ses décisions individuelles ou de leur absence", précisent-ils en expliquant que, durant ces procédures complexes, "c’est l’ensemble de la vie et des activités d’une personne, ainsi que les fruits qui en découlent, qui sont pris en compte".

"En tant que pape, saint Jean Paul II considérait le préjudice causé à un enfant dans le domaine sexuel comme l’un des crimes les plus graves", insistent-ils. Évoquant le motu proprio de 2001 Sacramentorum sanctitatis tutela, rédigé avec l’aide du cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi, les évêques polonais rappellent que Jean Paul II "a obligé tous les épiscopats du monde à introduire des normes spécifiques pour traiter de tels cas".

"Fidèles à ses instructions, nous nous préoccupons aujourd’hui de la sécurité des jeunes au sein des structures de l’Église. Nous nous sentons obligés d’écouter et d’apporter une aide concrète à tous ceux qui sont blessés", assurent-ils.

Refus d’une instrumentalisation politique

Alors que la mémoire de Jean Paul II est devenue un point de clivage entre le pouvoir et l’opposition libérale, à quelques mois des élections législatives prévues à l’automne 2023, les évêques appellent "à ne pas utiliser la personne du pape polonais à des fins de politique actuelle". "Ne nous laissons pas diviser, défendons ensemble nos valeurs les plus précieuses", insistent les évêques, dans un climat de forte inquiétude en Pologne autour de l’offensive russe en Ukraine.

Cette déclaration commune s’ajoute à celle de Mgr Stanisław Gądecki, le président de l’épiscopat polonais, qui avait demandé le 9 mars dernier "ne pas détruire le bien commun et l’héritage" de Jean Paul II. 

Dans un récent entretien à IMedia, le père Stanisław Tasiemski, vice-président de la KAI, l’Agence d’information catholique polonaise, avait rappelé que durant le procès de canonisation de Jean Paul II, ces questions liées aux cas d’abus avaient été examinées, et les experts avaient conclu que le cardinal Wojtyła avait agi selon la loi de l’époque. 

Les documents utilisés par le réalisateur du documentaire, expliquait-il, proviennent de la police secrète communiste, et certains ont pu être fournis par des faiseurs de troubles sans "crédibilité".

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