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Des hommes et des dieux… du stade

Carlos Alcaraz et Kylian Mbappé

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Henri Quantin - publié le 01/06/22
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Dans les stades, il n’y a pas que des supporters : il y aussi des athlètes, qui sont d’abord des hommes. Certains se prêtent au système qui les utilise comme des dieux, mais d’autres, remarque l’écrivain Henri Quantin, résistent à la tentation.

L’un a 19 ans, l’autre en a 23. L’un aspire à devenir numéro un mondial rapidement, l’autre est considéré par beaucoup comme le meilleur joueur du monde. Le premier tape très fort dans une balle, l’autre court très vite avec un ballon. Le joueur de tennis, Carlos Alcaraz, était venu à Paris dans l’espoir d’y rester quinze jours avant d’être écarté en quart de finale de Roland-Garros ; le footballeur, Kylian Mbappé, a annoncé récemment qu’il avait décidé de rester encore au moins trois ans au Paris Saint-Germain. Ce sont les dieux du stade, que le XXe siècle a ressuscités, dans l’idée naïve ou cynique qu’on peut concilier deux slogans plus ou moins vendeurs : "L’essentiel, c’est de participer" et "plus vite, plus haut, plus fort".

Des accents gaulliens

Lucide sur ses propres limites ou sur l’idolâtrie inhérente au sport-spectacle, Carlos Alcaraz déclarait il y a quelques mois : "Dans chaque match que je joue, je sais que je peux perdre, je ne suis pas un dieu ou quoi que ce soit." En annonçant le prolongement inattendu de son contrat parisien, Kylian Mbappé a eu ces mots : "Je reste un joueur de foot, ancré dans un collectif, je n’irai pas au-delà de ma fonction de joueur." Il faisait allusion à son envie supposée de choisir ses coéquipiers, mais le journaliste avait employé le terme de "pleins pouvoirs", ce qui excède a priori les attributs d’un sportif, quelle que soit son aura. Pas plus qu’un joueur de foot ? Il va de soi que Mbappé est depuis longtemps bien davantage. Un simple sportif peut-il confier à propos du président de la République : "On a échangé pas mal de fois. On va dire que c’était des bons conseils. Il voulait que je reste, ça fait partie des négociations" ? Dans cette phrase qui fait d’Emmanuel Macron un conseiller du prince du Parc, il n’est pas sûr que le plus jupitérien soit le président...

Plus qu’un joueur. Un journaliste a trouvé des accents gaulliens à une autre déclaration de Mbappé : "J’ai eu l’appel de la patrie et de la capitale." Il est vrai que l’emphase des commentateurs sportifs nous a tellement habitués à la surenchère que nous serions à peine étonnés d’entendre : "PSG outragé, PSG brisé, PSG martyrisé, mais PSG libéré, par Mbappé !" De son côté, le philosophe Robert Redeker s’est amusé à rapprocher l’ambition du joueur à celle du jeune Napoléon, en s’appuyant sur cette remarque : "Je suis français, et en tant que Français, j’ai envie de mener la France vers les sommets et de tirer vers le haut le championnat et le club." Pour signaler qu’il avait le sens des proportions, Redeker a toutefois ajouté que le domaine de l’un était l’Histoire et que celui de l’autre était "le dérisoire".

Vaincre les tentations

L’affichage patriotique est-il surtout le masque de raisons moins désintéressées ? On peut douter qu’un salaire encore un peu plus indécent qu’un autre soit un argument décisif, mais on peut aussi constater que les joueurs de foot apparaissent, de plus en plus souvent, comme les successeurs des courtisanes balzaciennes. Admirées de tous pour leur beauté, reines du monde parisien, les héroïnes de Balzac peuvent monnayer leurs corps idolâtrés, en se faisant désirer par les plus riches. Entre "l’employeur" et "l’employée", le maître n’est pas forcément celui qu’on croit. Le joueur qui fait monter les enchères entre les clubs qui ont les moyens de se l’offrir procède-t-il vraiment autrement ? Les agents commerciaux sont-ils très différents des proxénètes de prostituées de luxe ?

Il se peut, en effet, que les jeunes sportifs les plus habiles utilisent le système autant que le système les utilise. Il n’est pas exclu, toutefois, qu’ils soient capables de sincérité. Entre ceux qui voient dans les propos de Mbappé un pur travail d’expert en communication et ceux qui vantent son patriotisme et son humilité, il n’est pas évident de trancher absolument, tant l’idole sait donner les apparences du naturel dans ses conférences de presse. Son cadet Carlos Alcaraz, de son côté, ne semblait pas jouer un rôle, quand il déclarait aux journalistes de Roland-Garros qu’il devait encore s’améliorer dans tous les domaines, pour espérer devenir le meilleur joueur du monde. Pour cela, ajoutait-il, "il faut que je fasse attention à ne pas passer trop de temps sur les réseaux sociaux, surtout quand ils parlent de moi". La leçon est simple : même les dieux du stade gagnent à vaincre les tentations des hommes de leur temps !

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