« Nul n’est prophète en son pays », dit l’expression tirée de l’Évangile et entrée dans le langage courant. Cette parole s’applique particulièrement à Benoît XVI, le pape émérite, qui fête ses 95 ans ce 16 avril. Depuis un an, il a vu ses plus grandes oppositions venir de son propre pays et de son propre milieu théologique et universitaire. Après sa renonciation en 2013, Benoît XVI a vu son œuvre et son action réévaluées par l’opinion publique, émue par son humilité. Mais ces derniers mois, le débat s’est déplacé sur la question des abus sexuels sur mineurs, sujet sur lequel le cardinal Ratzinger s’était pourtant montré d’une grande fermeté dans son action à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi entre 1981 et 2005, puis dans son pontificat, marqué par un tournant majeur en faveur de l’écoute des victimes.
En remontant plus loin dans son parcours, son gouvernement du diocèse allemand de Munich et Freising, entre 1977 et 1982, a été critiqué dans un rapport publié en janvier dernier, l’accusant de négligences dans le suivi de plusieurs prêtres accusés d’abus. La publication de ce rapport a suscité une tempête médiatique autour de Benoît XVI, d'autant plus que les rédacteurs du mémorandum censés le défendre l’ont desservi en mentionnant l’absence du cardinal Ratzinger lors d’une réunion tenue en 1980 au sujet d’un prêtre devant suivre une thérapie pour des faits de pédophilie, alors qu’il était en réalité présent.
« Après une vérification minutieuse, l’erreur a été corrigée et sa présence a été confirmée », a assuré Mgr Georg Gänswein, le secrétaire personnel du pape émérite, dans un entretien à l’hebdomadaire populaire Oggi, le 7 avril dernier. Mais il a constaté que ce débat « s’est transformé en une attaque contre le pape émérite, considéré par certains comme un menteur », ce qui lui a causé de grandes « souffrances ». Dans une lettre publiée le 8 février, Benoît XVI avait exprimé sa « profonde honte », son « profond chagrin » et sa « sincère demande de pardon », tout en niant avoir menti.
« Dans le monde allemand, il y a un courant de pensée qui essaie d’attaquer le pontificat et le travail théologique de Ratzinger, et aussi de blesser la personne », s’est attristé son secrétaire, s'interrogeant sur la concomitance entre la publication du rapport de Munich et les revendications libérales du chemin synodal allemand, qui tendent à une déconstruction de la doctrine catholique sur de nombreux points de morale sexuelle. Les voix en défense de Benoît XVI semblent aujourd'hui minoritaires au sein de l'Église allemande, observée avec circonspection à Rome.
La reprise des visites, signe d'une santé retrouvée
Sur le plan de la santé, après l’épisode pénible du zona qui l’avait affecté à l’été 2020 après son voyage en Allemagne et le décès de son frère Georg Ratzinger, Benoît XVI a retrouvé une certaine sérénité. Le 28 novembre 2020, alors que la pandémie imposait encore de strictes règles de distanciation sociale, il avait reçu les nouveaux cardinaux venus le saluer avec le pape François, à l’occasion du consistoire.
Actuellement, Benoît XVI poursuit sa vie quotidienne selon un rythme « méthodique », même si « ses mouvements sont lents » et qu’il « doit se reposer davantage », a expliqué Mgr Gänswein le 7 avril dernier dans son entretien à Oggi. La concélébration de la messe de 7h30 ouvre chaque journée du pape émérite, puis il prend régulièrement le temps d’écouter de la musique, dans son fauteuil. Son secrétaire a précisé qu’il a « également repris sa promenade habituelle dans les jardins du Vatican ».
Comme le prouvent les photos diffusées par la Fondation Ratzinger, le pape émérite a continué à recevoir des visites, comme par exemple le 12 mars dernier, une délégation tchèque conduite par l'archevêque de Prague, le cardinal Dominik Duka. Les responsables du Dicastère pour la communication l’ont également rencontré en mars à l’occasion de la publication d’un nouveau volume de son Opera omnia éditée par la Librairie éditrice vaticane. Le 13 novembre 2021, l’académicien Jean-Luc Marion, venu le saluer en tant que lauréat du Prix Ratzinger, avait alors affirmé que « Benoît XVI est aussi physiquement fatigué qu'intellectuellement alerte ».
Dans sa lettre du 8 février, et présentée comme son « testament spirituel », Benoît XVI se confiait sur sa préparation à la mort. « Être chrétien me donne la connaissance, bien plus, l’amitié avec le juge de ma vie et me permet de traverser avec confiance la porte obscure de la mort », avait écrit le pape émérite dans ce texte résonnant comme un adieu. Le lendemain, lors de l’audience générale, le pape François avait salué le « beau conseil » donné par son prédécesseur.
Et le 13 avril, l'évêque de Rome est venu exprimer ses vœux à son prédécesseur à quelques jours de son anniversaire, menant avec lui une « conversation brève et affectueuse », selon les mots du Bureau de presse du Saint-Siège. Avec fidélité, loyauté et sérénité, Benoît XVI continue donc à prier et à soutenir l’Église, comme un « grand-père plein de sagesse », selon l' expression tendre et respectueuse utilisée à plusieurs reprises par le pape François.