Un geste fort et, espérons-le, prophétique, voulu par le pape François à l’occasion du chemin de croix du Vendredi saint qui s'est déroulé devant le Colisée à 21h15. Deux femmes, l’une ukrainienne, l’autre russe, toutes deux infirmières et liées d’amitié, ont porté ensemble la croix à la treizième station, celle où Jésus meurt sur la croix.
Il est de tradition, chaque Vendredi saint, de confier les prières et les méditations à des personnalités différentes. Cette année, en lien avec l’Année de la Famille, le Pape a désiré que ce soit des familles qui soient actrices du chemin de croix. Ainsi, les treize autres stations ont été confiées à des différentes familles : un jeune couple, des époux âgés sans enfant, une famille nombreuse, une veuve avec ses enfants, une famille qui a perdu une fille ou encore une famille de migrants. Si les méditations n’ont pas été rédigées par les familles, leur situation en a inspiré les textes.
Ce vendredi 15 avril, la méditation prévue pour la treizième station, publiée le 11 avril, faisait allusion à la guerre en Ukraine :
Mais ce texte a été remplacé par un long temps de silence et ces simples mots : "Face à la mort, le silence est plus éloquent que les paroles. Demeurons donc dans un silence priant et que chacun prie dans son coeur, pour la paix dans le monde". Ce choix de demeurer en silence plutôt que de lire le texte initialement prévu constitue une réponse aux critiques exprimées par de nombreux Ukrainiens face à une parole de réconciliation jugée prématurée.
Une initiative critiquée en Ukraine
Le gouvernement ukrainien ainsi que le chef de l’Église grecque-catholique avaient en effet publiquement critiqué l’initiative du Saint-Siège. Andrii Yurash, ambassadeur d’Ukraine près le Saint-Siège, s’était le premier fendu d’un tweet le 12 avril dernier, dans lequel il exprimait sa préoccupation : "L’ambassade d’Ukraine auprès du Saint-Siège comprend et partage l’inquiétude générale en Ukraine et dans de nombreuses autres communautés à propos de l’idée de réunir des femmes ukrainiennes et russes pour porter la croix lors du Chemin de Croix de vendredi au Colisée".
L’archevêque majeur de l’Église gréco-catholique, Sviatoslav Shevchuk, avait quant à lui qualifié dans un communiqué l’idée "inopportune, ambiguë, et ne tenant pas compte du contexte de l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine". Selon lui, "les textes et les gestes de la treizième station de ce chemin de croix sont incohérents et même offensants" dans le contexte actuel. Le nonce apostolique en Ukraine, Mgr Visvaldas Kulbokas, a confirmé à la presse ukrainienne avoir transmis ces réactions négatives au Vatican le 12 avril, déclarant qu’il partageait l’idée que "la réconciliation doit venir quand l’agression est terminée". Il a cependant souligné le fait que la prière n’était pas un acte politique.
"Un signe prophétique"
Réagissant à ces critiques, le prêtre jésuite Antonio Spadaro, un proche du Pape, a expliqué sur la chaîne italienne Rainews24 que le pape François était "un pasteur" qui "annonçait l’Évangile". "Il n’est pas un parti politique […] Nous avons besoin de quelqu’un qui donne un signe prophétique en ce moment", a-t-il ajouté.
Ce n’est pas la première fois que le Saint-Siège demande à des Russes et à des Ukrainiens de délivrer ensemble un message de paix depuis le début de l’offensive. Le 16 mars, un Russe et une Ukrainienne avaient lu une intention de prière au cours de la prière universelle lors d’une messe pour la paix célébrée à la basilique Saint-Pierre.