La querelle des Anciens et des Modernes a disparu, écrivait Philippe Muray, nous sommes entrés dans l’ère du "Moderne contre modernes". Sa formule désignait les procès qui opposaient deux valeurs intouchables du monde nouveau : liberté d’expression artistique contre défense des animaux, droit aux blasphèmes contre respect des minorités, féminisme puritain contre pornographie libertaire... Au lieu de se fatiguer à lutter, l’Ancien, définitivement hors combat, n’avait plus, selon Muray, qu’à observer le spectacle en riant.
À des fins lucratives
La critique formulée par Jana Hoger, porte-parole allemande de la PETA (People for Ethical Treatment of Animals), à l’encontre du joueur de football du Bayern de Munich Thomas Muller est un peu différente, mais elle oppose bien deux représentants d’un néo-paganisme "moderne" : d’un côté, le sportif mondialement vénéré ; de l’autre, la championne d’une cause animale manichéenne. Les dieux du stade et les animaux sacrés. De quoi s’agit-il ? Un des étalons du footballeur s’est blessé, au moment où on récupérait sa semence, produit précieux pour la commercialisation. Le sperme de cheval se vend assez cher et le salaire mirobolant du joueur allemand ne l’empêche sans doute pas d’estimer qu’il n’y a pas de petit profit. Ce qui amuse et étonne, en cette affaire, est l’argument sur lequel Jana Hoger fonde sa diatribe : "C’est horrible que des amoureux des chevaux autoproclamés forcent les animaux dont ils ont la garde à accomplir des actes sexuels contre-nature à des fins lucratives."
Quel que soit son combat, le Moderne ne se libère jamais vraiment du règne du laboratoire, surtout quand il prétend qu’il est indifférent que « l’animal » soit « humain ou non ».
Quand on sait que la PETA affirme que son combat a pour fondement « le refus de porter atteinte à un animal, qu’il soit humain ou non », on se prend à imaginer une stricte application à l’homme des mots de Jana Hoger. Il y a donc des actes sexuels contre-nature ! Cette idée, que presque aucun spécialiste de théologie morale n’ose plus avancer même à voix basse, met à mal à peu près tout ce que la libération sexuelle ne cesse de célébrer comme émancipation salutaire. Si on ajoute le critère financier, par lequel Jana Hoger achève de condamner les prélèvements de sperme chevalin de Thomas Muller, il ne reste à peu près rien des « avancées sociétales » données pour désirables par une bonne partie du camp du Progrès. Contre-nature et/ou lucratifs, le "mariage pour tous", la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui, les banques de sperme, la recherche sur les embryons, les changements de sexe, les hommes enceints...
Le règne du laboratoire
Lutter contre ce qui est contre-nature ? La PETA déclarait en son temps qu’elle resterait opposée à la recherche sur les animaux, même si cela fournissait un traitement contre le SIDA, mais elle milite pour la stérilisation des animaux de compagnie. Le programme s’appelle A.B.C., pour Animal Birth Control. Dans la lutte contre le SIDA en Afrique, des associations catholiques avaient donné un tout autre sens aux initiales A.B.C. : Abstinence, Be faithfull, Condom. Abstinence, fidélité et, en dernier recours, préservatif étaient, dans cet ordre, les remèdes les plus efficaces, les plus éducatifs et les plus pleinement humains. Ils étaient aussi les plus conformes à la loi naturelle et, par conséquent, les moins lucratifs. Ils dessinaient une voie aussi éloignée de la stérilisation des animaux que de la commercialisation de leur sperme. Il faut croire que, quel que soit son combat, le Moderne ne se libère jamais vraiment du règne du laboratoire, surtout quand il prétend qu’il est indifférent que "l’animal" soit "humain ou non".
Modernes contre modernes. On peut certes observer le combat en riant, mais cela ne dispense pas de rappeler à temps et à contretemps les leçons lentement accumulées par la sagesse des Anciens.