Du talent, de l’imagination et du cœur. A 12 ans, Faustine possède déjà de sérieuses qualités pour devenir écrivain. Et elles ne sont pas passées inaperçues aux yeux du jury. Le 18 septembre dernier, Aleteia avait relayé la belle initiative des Editions Le Laurier, qui organisait un concours de contes de Noël ouvert aux enfants du CM1 à la 5ème. Une manière de les faire réfléchir au sens de Noël et de s’imprégner de la joie de la naissance du Christ. Mi-novembre, pas moins de 500 manuscrits ont été envoyés, et la remise des prix s’est déroulée le 15 décembre dernier. Douze lauréats ont vu leur conte publié dans un recueil intitulé La crèche racontée par les enfants.
Faustine Denizot, aînée d’une fratrie de sept enfants et élève en 5ème au collège Saint François de Sales à Dijon, a remporté le premier prix de sa catégorie avec sa nouvelle Noël d'une petite mangeoire. En effet, le thème imposé consistait à prendre un élément ou un personnage de la crèche, et de le faire parler pour raconter ce qu’il a vu au moment de la Nativité. C’est son ancienne enseignante de primaire, fidèle lectrice de Aleteia, qui lui a parlé du concours et l’a engagée à participer. En effet, Faustine est "forte en rédaction et aime beaucoup écrire des histoires", confie la jeune fille. Tout de suite, elle a eu l’idée de considérer Noël à travers les yeux de la petite mangeoire de la crèche. Une perspective originale, qui rend ce joli conte de Noël plein d’humour et de délicatesse.
Noël d'une petite mangeoire
Je suis une pauvre petite mangeoire au pied cassé mais je suis plus heureuse que vous ne pouvez l’imaginer. Car j’ai vécu une histoire extraordinaire, quelque chose de très grand mais de tout petit à la fois. Je vais vous la raconter dans les moindres détails.
C’était à Bethléem il y a déjà une petite décennie. Mais je m’en souviens comme si c’était hier. Je suis toujours heureuse et bouleversée et je ne m’en suis pas remise. À l’époque, j’étais grincheuse, je n’étais jamais contente. À chaque fois que le fermier me remplissait de graines ou de foin tous les animaux se ruaient sur moi comme des sauvages déchaînés, et moi je râlais. Si bien qu’un jour le gros dindon qui se précipitait pour avoir la plus grosse part, me fit tomber par terre et mon pied arrière gauche se brisa. Le fermier s’en aperçut tout de suite car j’étais devenue bancale.
Quelques jours plus tard une nouvelle mangeoire flambant neuve me remplaçait. Le fermier me mit dans le fond de la petite étable des bœufs. Ou plutôt, du bœuf, car tous les autres avaient été abattus. Celui qui reste est mon meilleur, mon plus fidèle mais aussi mon seul ami. J’en avais beaucoup après le fermier et je râlais davantage. Plus aucun animal ne s’intéressait à moi, j’étais seul, délaissée par tous. Même le bœuf, que tout le monde appelait « le Costaud » s’intéressait beaucoup à la nouvelle mangeoire. Seul le soir, mon ami le Costaud venait se blottir contre moi et nous discutions longuement.
Les semaines passèrent et je ne servais plus à rien. Les animaux passaient devant moi et ne me saluaient même plus. J’étais très triste et perdue. Un soir d’hiver alors qu’il faisait très froid, mon petit coin tout sombre d’habitude s’illumina d’une grande clarté qui, pour la première fois, me fit oublier mon malheur. C’était si beau et si émouvant ! Un petit je ne sais quoi me disait que le spectacle ne touchait pas à sa fin. Au loin je vis une lumière ! Oh ! Ceci avait-il un rapport avec cette grande clarté qui illuminait l’étable ? ou était-ce quelqu’un venu soigner mon pauvre petit pied ? Je me posais tant de questions au sujet de ce point lumineux qui grandissait peu à peu. J’étais submergée de joie et de suspense ! À ce moment j’aperçus dans le noir un visage qui m’était assez familier. Je le regardai plus précisément et là je vis...
Oh non !! C’est mon fermier ! que de déception... Mais... Il est suivi ! Une belle jeune femme au teint fatigué se tient péniblement assise sur un âne. Elle porte une longue robe bleue ainsi qu’un joli voile blanc. Elle soutient avec ses mains son ventre rond. Se tient à côté d’elle un jeune homme brun tout aussi fatigué qu’elle. Il porte une barbe ébouriffée, une tunique marron, de simples sandales de cuir et un grand bâton de marche.
Le bœuf s’était assoupi auprès de moi, vite je le réveillai en lui disant :
– Regarde qui est là ! Et tu as vu cette lumière !
Le bœuf me répondit d’une voix engourdie :
– Que font ces gens ici ? Ils nous empêchent de dormir !
Je repris :
– Mais non ! Moi je pense qu’ils viennent du ciel ! En tout cas, ils m’ont, pour la première fois, rendue heureuse !
Le fermier dit en s’adressant aux jeunes gens :
– Je suis désolé, mais c’est tout ce que j’ai à vous offrir... Bonne nuit, et reposez-vous bien Madame.
– Merci beaucoup, dit le jeune homme.
Le monsieur vêtu de marron a emmené l’âne à l’intérieur pour qu’il mange. Le Costaud discutait déjà avec lui. Moi je n’écoutais pas un mot de la conversation, je regardais attentivement la belle dame bleue. Soudain, elle s’écroula sur le sol et s’écria :
– Joseph, viens vite ! Je crois que le bébé vient !
Vite, l’homme qui s’appelait donc Joseph accourut et s’assit à côté de la pauvre femme qui poussait des cris de douleur. À ce moment-là, pendant au moins trois bonnes heures, je sentais dans mon cœur qu’il était en train de se passer quelque chose d’extraordinaire, d’important. Je ne savais pas quoi mais mon cœur battait très fort et je pleurais de joie sans raison. Je ne comprenais ni ne voyais ce qu’il se passait, et je n’ai toujours pas compris ce qu’elle fabriquait allongée par terre avec Joseph penché sur elle.
Au bout d’un long moment j’entendis des pleurs, de tous petits pleurs. Je me demandai qui pleurait quand Joseph dit tout joyeux :
– Marie ! Ô très Sainte Vierge ! Tu as réussi, tu as donné la vie au Sauveur du monde !
Marie, car c’était bien son nom, pleurait de joie. À la seconde où la Sainte Vierge se releva, avec un paquet de chiffon dans les bras, le ciel si obscur et sombre se remplit de milliers d’anges à la robe blanche qui se mirent à chanter en chœur. C’était si harmonieux, beau et émouvant que mes petites larmes de joie se transformèrent en grosses larmes qui perlaient sur la paille. Ce spectacle céleste se termina et les anges s’éloignèrent peu à peu vers les champs d’herbe fraîche où pâturaient les moutons.
Son sourire a fait un grand effet sur mon âme.
Sauf deux petits angelots, qui s’approchèrent de l’étable pour se poser sur le bord d’une fenêtre. Joseph s’approcha de moi et me prit dans ses bras. Il me posa et la Sainte Vierge s’apprêta à déposer le tas de linge qu’elle portait quand Joseph lui dit :
– Ne pose pas le petit, la mangeoire est bancale, je vais la réparer.
En entendant cela, je fus submergée de joie. Cela faisait si longtemps que j’attendais que l’on se préoccupe un peu de moi pour me réparer mon pied. Non seulement cette famille m’avait rendue la joie de vivre mais elle allait aussi me réparer ! Joseph prit un bâton et un bout de ficelle puis attacha le tout à mon pied. Ce n’était sans doute pas une construction solide mais ça tiendrait quand même un peu. La belle Dame s’assit auprès de moi et je pus apercevoir l’enfant qu’elle tenait dans ses bras.
Le beau jeune homme s’accroupit à côté de sa femme puis dit :
– Que nous avons de la chance d’avoir pour enfant le Roi des Rois, le Sauveur du monde, le Seigneur des hommes...
J’étais abasourdie, ce petit bébé était le roi ! C’était donc lui le Sauveur dont nous parlait parfois le fermier ? Je regardai à nouveau le nourrisson sans rien lui trouver d’un roi. Il avait de petites joues roses, un beau visage et de toutes petites mains potelées. Il était emmailloté dans un linge blanc. Après m’avoir regardé un petit moment, le bébé me sourit. Oui ! le Roi des Rois m’avait souri ! J’étais envahie d’amour et de bonheur. Son sourire a fait un grand effet sur mon âme.
À ce moment précis, je compris combien ma chance était grande. Je voyais, là, sous mes yeux, le petit roi du monde, le Sauveur des hommes. La Vierge se leva et me confia le petit :
– Dors mon Jésus..., lui chuchota-t-elle. Repose-toi dans la mangeoire...
Oh, quelle joie pour moi ! J’étais si reconnaissante que la Belle Dame me fasse confiance !
Je portais donc entre mes planches le petit Jésus... Je sentais bien que tout le monde n’avait pas cette chance. J’enviais souvent la nouvelle mangeoire, mais là je la plaignais plutôt de ne pas pouvoir assister à ce merveilleux spectacle qui se déroulait sous mes yeux.
De nouveau, j’entendis au loin un chant qui approchait peu à peu. C’était le même chant que celui qui m’avait tant émue tout à l’heure. Plus les anges qui chantaient se rapprochaient de moi, plus les paroles se distinguaient :
– Gloire à Dieu au plus haut des Cieux ! entonnaient les uns.
– Et Paix sur la Terre aux Hommes qu’Il aime ! répondaient les autres.
Une nuée d’anges vêtus d’un blanc immaculé s’approchèrent. Certains jouaient de la trompette ou de la flûte, d’autres accompagnaient les bergers et les derniers chantaient. Ils étaient tous guidés par une magnifique étoile scintillante et dorée.
Doucement, l’étoile se posta au-dessus de l’étable tandis que les anges invitaient bergers, pastoureaux et brebis à y entrer. Puis les anges allèrent se poster dans les cieux à admirer ce tableau et enfin tous, d’un seul mouvement, se prosternèrent et adorèrent longuement l’enfant.
Sa richesse, c’étaient nos cœurs qu’Il aimait énormément.
Le plus vieux des bergers était vêtu de peaux de bêtes. Les trois jeunes pastoureaux qui le suivaient, étaient quant à eux vêtus de toile chaude et épaisse. Le vieux berger portait sur ses épaules un petit agneau tout frêle, grelottant, sa laine formant une douce fourrure. Enfin, après un moment de silence, ils osèrent lever les yeux et tous admirèrent l’enfant Jésus. Il était si mignon, adorable, et son sourire attendrissait les cœurs les plus durs. Je savais bien qu’ils regardaient l’enfant Jésus et non pas moi mais je me sentais flattée de tous ces regards penchés sur moi. Le berger offrit à la Vierge Marie le petit agneau.
Celle-ci pleura de joie et une de ses larmes tomba sur moi. J’en fus toute troublée. Ils restèrent longtemps en silence à regarder le petit bébé. À cet instant, une lueur s’illumina dans mes yeux. Je compris que ce roi que je portais et qui grelottait s’était fait tout petit pour nous sauver. Il était roi mais il n’était pas entouré de richesses, d’or et de pierres précieuses.
Sa richesse, c’étaient nos cœurs qu’Il aimait énormément.
Publié avec l'aimable autorisation des Editions du Laurier.