Suisse, 1580. Quelle agitation à Fribourg en cette journée nuageuse. Les murmures parcourent les rues et plusieurs habitants se hâtent vers l’entrée de la ville. La foule se bouscule pour tenter d’apercevoir le carrosse qui leur amène le père Pierre Canisius.
Sa réputation le précède sans effort. Impossible d'évoquer les grands sages de l'époque sans mentionner ce jésuite au tempérament de feu. On dit qu’il a refusé d’être évêque pour se consacrer à l’enseignement catholique. Quel honneur que Fribourg soit le lieu de sa nouvelle mission !
Une vie au service du savoir
Originaire des Pays-Bas, c’est sa rencontre avec Pierre Favre qui convainc Pierre d'entrer chez les jésuites. Amoureux du Christ et de l'Écriture sainte, ses études à Cologne ne font que conforter sa soif de savoir. Sa droiture et son éloquence sont vite remarquées. On l'envoie prêcher en Allemagne, en Autriche, en Suisse…
Son adversaire le plus tenace est Luther. La réforme protestante est pour Pierre un outrage sans nom. Il se fait traducteur de textes anciens pour que les catholiques aient accès aux savoir des pères de l’Église. Mais s’il reste immuable dans ses convictions, Pierre demeure d’une douceur infinie envers les protestants.
- Que jamais la petitesse et l’arrogance ne viennent salir le discours de celui qui se dit aimer Dieu !
C’est par les mots, les lettres et le débat que Pierre souhaite gagner les cœurs et les esprits. Une autre grande préoccupation du futur saint est l’ignorance de la plupart des catholiques. Prenant exemple sur les méthodes des protestants, il écrit le catéchisme de Canisius. Même de son vivant, cette œuvre connaît un succès incroyable.
Les princes et les évêques lui demandent souvent conseils. Et il n’hésite pas à dénoncer les écarts du clergé. Le jour, Pierre enseigne. La nuit, Pierre écrit. Il va là où on l’appelle, et s’acharne à accomplir sa mission.
La dernière mission
Après avoir fondé 18 collèges et révolutionné l’enseignement chrétien, voici Pierre à Fribourg. Un petit rire le secoue lorsqu’il descend du carrosse et aperçoit la foule. Sont-ils déçus de voir que le fameux Pierre Canisius n’est qu’un vieillard fatigué ? Malgré son âge avancé, le jésuite ne compte pas ralentir. Au contraire, il est ici dans un but précis.
Le pape Grégoire XIII l’a envoyé ici pour fonder le nouveau collège Saint-Michel. S'il y a bien quelques soucis financiers, les travaux sont lancés et les cours commencent dès 1582. Comme à son habitude, Pierre met en place un enseignement qui privilégie le savoir et la vérité. Il défend beaucoup la lecture des œuvres païennes.
- Comment pourrions-nous enseigner sans connaître les écrits des autres ? Autant fermer nos collèges pour de bon !
Il conjure également ses élèves d’avoir de l’empathie pour leurs adversaires. Qu’aucun ne s'abaisse à humilier ses ennemis ou n’ait peur d'apprendre d’eux. La sagesse vient avec le débat et la quête de vérité.
- Si vous n’êtes pas d’accord avec moi, venez me voir, dit-il. Nous discuterons.
Le collège Saint-Michel est la dernière œuvre de Pierre Canisius. Celui-ci s’éteint le 21 décembre 1597. Il est canonisé et nommé docteur de l’Église en 1925 par Pie IX. Ainsi prend fin la mission de l’infatigable jésuite qui agissait pour le Christ.