Dans l’baba… Hier, pianotant distraitement sur mon téléphone, la magie des algorithmes — qui ne cesse d’ailleurs de m’interroger — me donne d’être soudainement la cible de multiples sollicitations. Toutes ont pour objet de m’inviter à regarder des passages d’une émission dont jusqu’alors j’ignorais tout. Il faut bien dire que son nom « Face à Baba » et le décor bleuté assez vulgaire qui fait penser à un jeu télévisé, n’est pas ce qu’il y a de plus séduisant ! Le simple mot de « baba » évoquait jusque-là soit un délicieux entremet au rhum, soit la manière d’appeler un prêtre dans quelques lointaines contrées subsahariennes…
Cela doit cogner
Mais les mêmes sollicitations reviennent tout au long de la journée au point que je finis par céder… Il suffit parfois d’un clic pour découvrir l’improbable… Et voilà que le visage de celui qui s’affiche par ces quatre lettres se dévoile : je le pensais trublion millionnaire, figure de proue du groupe médiatique de Vincent Bolloré. Le voici désormais arbitre des élégances en matière d’émissions politiques. Enfin, c’est ce que claironnent fièrement ses concepteurs. Sans doute prétendent-ils ainsi amener le débat politique auprès de populations qui sont réputées y être assez rétives : les jeunes, les milieux populaires, les banlieues, que sais-je ?
Que ce petit monde réussisse à convaincre des candidats à la plus haute fonction à venir se vautrer dans un cirque, c’est affligeant.
Le principe est d’opposer à un candidat à l'élection présidentielle une série d’invités qui défilent toutes les dix minutes, comme autant de rounds. Ils font face à Baba, l’animateur star de la chaîne, qui revêt les tenues de coach, de supporter, de soigneur : il encourage, stoppe l’assaut, compte les K.O., encourage encore ses deux boxeurs. Il faut que cela cogne, que cela castagne, si possible aussi dans les coulisses de l’émission d’ailleurs. Avec des caméras partout. Les officielles qui filmeront le show et puis les indiscrètes qui, dans les loges, permettront de recueillir des inédits croustillants pour être certain que dès le programme diffusé, on en parle partout et surtout chez les concurrents. Quant aux invités, ils échangent des coups, sans beaucoup d’élégance. Des coups parfois violents, on voit de la haine, de la colère, du mépris, de l’ironie dans leurs regards. Jamais la moindre once de considération ou de respect.
La société du spectacle
Sans doute nous expliquera-t-on que tout ceci est un débat. Mais qui discute avec qui ? Un parterre de petites vedettes gonflées d’egos où se mêlent saltimbanques, chroniqueurs en manque de piges et politiciens en manque d’audience. Nul ne songe à dialoguer, ce qui est l’essence même du débat. Tous ne veulent que ferrailler, avoir le dernier mot, c’est tout. Que la politique soit digérée à ce point par la société du spectacle c’est atterrant. Tout est désormais mis en scène, aucune parole n’est naturelle, et nul n’échappe à cette règle. Les candidats sont comme broyés dans la machinerie publicitaire. Nul ne songe à parler du fond, à se risquer dans l’intelligence. Comme si leur chair s’était séparée du verbe. Comme si désormais leurs paroles n’avaient pas d’autre objet que de faire parler d’eux, de les rendre consommables. Qu’un saltimbanque batte les estrades, c’est chose normale. Qu’une cohorte de « vedettes » médiatiques se précipitent à sa suite, c’est vénalement classique. Que ce petit monde réussisse à convaincre des candidats à la plus haute fonction à venir se vautrer dans un cirque, c’est affligeant.
Pendant ce temps... « le Verbe s’est fait chair », allons-nous annoncer dans la nuit de Noël. Telle est notre joyeuse Espérance. Que Dieu nous donne l’amour de cette incarnation de Dieu en notre humanité : alliance magnifique entre ce que nous sommes, ce que nous aspirons à être et ce que nous montrons de nous-mêmes. Et que nous désirions un peu plus que, de notre chair, surgisse une parole en communion avec ce que Dieu nous invite à vivre.