Réveil, transports, lecture de ses mails, réunion, rencontre avec le client, lecture d’un rapport, point avec son équipe, débriefing avec son n+1… Les journées en entreprise se succèdent et s’enchaînent dans un tel tourbillon qu’il est parfois difficile de reprendre sa respiration et, surtout, prendre du recul. Pourtant, cela s’avère souvent salvateur. Et si la solution était aussi simple que trois verbes ? Se centrer, se décentrer, se surcentrer.
Loin d’être une formule magique, ce résumé est le fruit de la réflexion de Pierre Teilhard de Chardin. Jésuite du XXe siècle, il a ainsi défini les conditions du bonheur. "Se centrer sur soi, afin d’exister dans le monde comme un individu, et non s’y disperser comme une vapeur d’eau", résume la Compagnie de Jésus. Se décentrer, pour devenir soi-même grâce à l’amour de l’autre, donné et reçu. Et, enfin, se surcentrer "sur un plus grand que soi, pour accomplir en nous l’Humanité". Vaste programme diront certains. Mais derrière ces mots, c’est bien à chacun de trouver la manière de l’atteindre. "Il n’existe pas de chemin unique", précise ainsi Fabienne Alamelou-Michaille, diplômée de l’Essec, théologienne et auteur de Manager avec son âme.
1Se recentrer
Première étape, se recentrer. "Chaque dirigeant a exprimé sa manière de se ressourcer, de cultiver cet homme intérieur, de prendre soin de son âme", reprend la théologienne. Pour certains cela passera par une retraite spirituelle, pour d’autres par une activité sportive loin du brouhaha quotidien telle la randonnée. "Dans ma vie j’ai souvent opéré ce travail de recentrement avec beaucoup de moments de silence", témoigne ainsi un dirigeant dans le livre Manager avec son âme. "Se retirer du monde pour puiser en soin trouver une cohérence, une force, une paix, une joie et une sérénité."
Pour mettre en place se recentrage sur soi, chacun peut commencer par pratiquer l’exercice de la relecture de ses journées. Qu’est-ce qui m’a procuré le plus de joie aujourd’hui ? Y a-t-il un regard qui m’a particulièrement apaisé ? Une parole qui m’a dynamisé ? Pour quel événement ai-je envie de dire merci ? À quoi ai-je pu contribuer positivement, que ce soit par mon action, mes paroles ou ma présence ? Me suis-je senti pleinement unifié à un moment et si oui quand ? À l’inverse, à quels moments me suis-je senti dépassé ? Quels points ai-je manqué, failli à ce que je suis ou à mes valeurs ?
2Se décentrer
Deuxième étape, se décentrer. Pour le manager, il s’agit de s’ouvrir à l’autre et envisager le management dans d’autres termes que ceux de pouvoir autoritaire et de domination. "La manière de considérer l’autre, le regard que nous portons sur lui vont profondément impacter notre manière d’interagir avec lui", reprend Fabienne Alamelou-Michaille.
Pour réussir à se décentrer, chacun est invité à considérer chacune de ses parties prenantes (collaborateur, concurrent, supérieur, partenaire etc) et à s’interroger sur quelle pourrait être sa maxime en termes de relations : prendre soin et faire grandir, considérer l’autre comme quelqu’un qui a des choses à nous apprendre, accepter l’autre comme un mystère etc. Enfin, la dernière étape est de s’interroger sur la manière dont on applique cette maxime dans son management et dans l’exercice de ses responsabilités.
3Se surcentrer
Troisième étape, se surcentrer. "Pour être heureux, tout à fait heureux, troisièmement il nous faut […] transporter l’intérêt final de nos existences dans la marche et le succès du Monde autour de nous", a écrit Teilhard de Chardin. En entreprise, "le dirigeant doit être à même de comprendre la place de son entreprise ou de son organisation au sein d’un système toujours plus large de parties prenantes", détaille Fabienne Alamelou-Michaille. "Il va devoir lui-même accompagner ce mouvement et surtout passer d’une approche essentiellement prédictive, basée sur la maîtrise a priori, à une approche dans l’incertain fondée sur le lâcher-prise et la capacité des groupes à s’ajuster en permanence."
L’homme, comme l’entreprise, ne peuvent plus fonctionner selon des schémas réduits limités aux classiques relations avec des acteurs clairement identifiés. "Ils doivent apprendre à se situer dans un horizon plus large dont ils ne mesurent pas toujours les contours", souligne la théologienne. Le dirigeant, tout comme le manager, doit avoir conscience des différentes dimensions dans lesquelles s’inscrit son équipe ou son entreprise mais également le sens qu’il veut donner à son action et à celle de la structure qu’il s’est vu confier.