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Indonésie : Kacé, le youtubeur chrétien, violemment tabassé en prison

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Muhammad Kacé

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Sylvain Dorient - publié le 23/09/21
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Le youtubeur chrétien indonésien Muhammad Kacé a été arrêté le 23 août pour "blasphème". Il a ensuite été tabassé en prison, et, son agresseur, a fini par reconnaître les mauvais traitements subis par le prisonnier.

Ce qui est en train de devenir l’affaire Muhammad Kacé est symptomatique de la restriction de la liberté d’expression en Indonésie. Des prédicateurs musulmans et chrétiens s’affrontent sur les réseaux sociaux, mais lors de leurs dérapages, les premiers sont nettement moins inquiétés que les seconds. Voici les grandes dates de l’affaire "MKC" pour "Muhammad Kacé" qui agite la Toile indonésienne.

Le célèbre youtubeur Muhammad Kacé a été arrêté le 23 août par la police, sans convocation, pour "blasphème", sur une recommandation du Conseil des oulémas. Cette organisation non gouvernementale, très influente en Indonésie, lui reproche en particulier sa dernière vidéo. Il y dénonçait les violences enseignées dans le "Kitab Kuning", le petit livre jaune, utilisé comme livre de référence dans toutes les écoles coraniques en Indonésie. Le suspect, converti au christianisme mais ayant grandi dans l'islam, se montre souvent virulent envers son ancienne religion, ce qui lui vaut une haine farouche de divers extrémistes. Parmi eux, une autre célébrité de Youtube, Ustad Abdul Somad, qui s’est fendu d’une vidéo le jour même de l’arrestation de MKC. Il y affirme que "le sang d’un blasphémateur est hallal", autrement dit que l’on peut le tuer sans péché.

Dans la nuit du 25 au 26 août, Muhammad Kacé est attaqué par des détenus parmi lesquels un certain "Napoléon Bonaparte" - c’est vraiment son nom - qui mène les agresseurs. Général de police deux étoiles, l’homme est supposé être détenu pour quatre ans. Il avait été condamné pour corruption. Cela ne l’empêche pas d’avoir accès à la cellule du youtubeur chrétien, qui est supposé être à l’isolement. Avec ses codétenus, ledit Napoléon tabasse et couvre d’excréments le youtubeur. La rumeur de cette agression fuite peu de temps après sur les réseaux sociaux. 

Quelques jours plus tard, le 1er septembre, un article de journal fait référence à l’agression pour la première fois. "Une folle rumeur circule sur les réseaux sociaux selon laquelle le youtubeur Muhammad Kacé, un suspect dans une affaire de blasphème, a été battu à l'Unité des enquêtes criminelles de la police. C’est un canular". L’article du Detik news cite, pour soutenir son travail de décryptage, l’un des avocats de Muhammad Kacé, Sandi E Situngkir. Ce dernier reviendra ensuite sur ses déclarations, quand l’évidence des mauvais traitements infligés à son client apparaîtra. De même que les autres avocats de la défense, il ne peut pas rencontrer MKC pour le moment. 

La rumeur enfle, portée par le youtubeur chrétien indonésien Jozeph Paul Zhang qui réalise mi-septembre une vidéo sur "l’affaire MKC". Il dénonce nommément le général Napoléon Bonaparte, donnant des détails précis sur les exactions commises.

Le lendemain, le 14 septembre, les avocats sont autorisés à rencontrer leur client. Ils sont très choqués de constater qu’il porte des traces de coups. C’est à ce moment qu’est prise la photo qui a été largement partagée par la suite sur les réseaux sociaux. Il a été forcé de signer une déclaration dans laquelle il s’engage à ne jamais porter plainte contre la police et révèle que le général a également menacé sa famille. Après délibération, ses avocats décident de rendre l’affaire publique, malgré les craintes de représailles. 

La photo de Muhammad Kacé, diffusée sur Internet sous divers supports, devient alors virale. Le jour même, la police doit admettre que Muhammad Kacé a été frappé par d’autres prisonniers. Le 19 septembre, le général Napoléon Bonaparte reconnaît les faits dans une lettre ouverte où il écrit en particulier : "N'importe qui peut m'insulter, mais pas contre mon Allah, le Coran, le prophète Mahomet et ma foi islamique, alors je jure que je prendrai des mesures contre quiconque ose le faire". Il ajoute en fin de lettre : "J’assume pleinement mon acte et je suis prêt à faire face à ses conséquences". 

Sans la pression médiatique, qui sait ce que Muhammad Kacé serait devenu ?

Malgré ces aveux, MKC n’est pas sorti d’affaire. Il n’a pour le moment pas de date de procès, mais au moins est-il soustrait aux agresseurs qui s’en sont pris à lui, grâce à la pression médiatique. Son "collègue", Jozeph Paul Zhang, voit son cas comme un avertissement. "Sans la pression médiatique, qui sait ce que Muhammad Kacé serait devenu ?" Exilé en Europe, il s’inquiète pour son pays, qu’il a dû quitter par crainte des extrémistes : "Nous avons un gouvernement nationaliste et démocratique, mais il rencontre de grandes difficultés face au camp extrémiste musulman. Ce dernier se met en ordre de bataille pour les présidentielles de 2024. C’est la raison pour laquelle une telle pression est mise sur les voix dissidentes. Ces gens veulent transformer notre grand archipel, lieu traditionnel de cohabitation entre les religions, en un califat."

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