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Le vin dans la liturgie, une richesse insoupçonnée

CALICE
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Marc Paitier - publié le 10/09/21 - mis à jour le 29/01/24
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Fruit de la vigne et du travail des hommes, le vin occupe une place importante dans la Bible. Plus de 440 passages mettent ainsi en scène le vigneron, la vigne et le vin.

Dans l’Ancien testament, s’il n’y pas de sang versé, il n’y a, d’ordinaire, pas de pardon, c’est la raison pour laquelle les fêtes religieuses intégraient la mise à mort d’animaux. Ces sacrifices, du latin "sacrificare" littéralement "rendre sacré", avaient pour but d’obtenir les faveurs de Dieu et le pardon des péchés. La nouvelle alliance transcendera tous ces rituels : c'est le pain et le vin, qui, dans la liturgie de l'Église catholique, prennent cette place. Jésus s’est offert en sacrifice sur la Croix, en prenant sur lui les péchés de l’humanité toute entière. Il est "l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde" (Jn 1 29). Contrairement aux sacrifices de l’Ancien Testament qui étaient constamment renouvelés et qui ne procuraient qu’une expiation temporaire, celui du Christ est offert une fois pour toutes et son effet est définitif. 

Au cœur de la liturgie : le mystère de la transsubstantiation

En reproduisant les paroles et les gestes de la Cène à l’autel, le prêtre rend présent et actuel l’unique Sacrifice de la Croix, l’unique acte rédempteur. C’est ainsi que la messe est le plus grand trésor de l’Église. Quand les paroles de la consécration sont prononcées, se réalise la "transsubstantiation", c’est-à-dire le changement de toute la substance du pain en celle du corps du Christ, tandis que les apparences demeurent celles du pain. Il en est de même pour le vin. Avec le pain, le vin est donc au cœur de l’acte le plus sacré de la liturgie catholique. On comprend, en fonction de tout ce qui a été dit sur la place du vin dans les Saintes Écritures, que le Christ ait fait ce choix pour signifier sa mort et sa résurrection.

Le vin, matière "vivante", est issu d’un jus de raisin qui paraissait mort : "le mystère de la fermentation tient à ce qu’une matière inanimée, issue d’une double destruction (la vendange ou la moisson, puis le foulage, le pressurage ou le broyage), est le siège d’une intense activité qui ranime la vie dans la mort même" Cela passe par la "passion", c’est-à-dire par la souffrance : "Le vigneron doit d’abord piétiner son œuvre pour qu’elle meure. La cuve symbolise ce lieu de mort et de résurrection. Il faut noter la parenté des mots : cave, caveau, cuve. Le caveau où l’homme est enterré après sa mort, n’est-il pas le lieu du retour à l’unité et de la résurrection ?" 

Aux sources de la viticulture

En Géorgie, à l’endroit même où est née la viticulture il y a 8.000 ans, les raisins après avoir été foulés sont placés dans de très vastes jarres en terre cuite, appelées "qvevri". Celles-ci sont enfouies dans le sol, seul dépasse le vaste col du récipient qui est colmaté après la fermentation avec une pierre de schiste et de l’argile. Le jus et les parties solides du raisin vont ainsi macérer pendant de longs mois avant que le vin ne soit soutiré. Le chai qui accueille les récipients enterrés de terre cuite s’appelle le "marani". Ce lieu est considéré comme un lieu saint, celui où un simple jus de raisin renait mystérieusement sous la forme d’un divin nectar. Les jarres avant leur entrée en fonction étaient bénies par un prêtre. Le marani servait de cadre aux baptêmes et aux mariages. Abritant très souvent, un petit autel, il servait de sanctuaire familial. Comment ne pas faire le rapprochement entre les qvevri fermés par une pierre et le tombeau du Christ ?

Il n’y a pas d’un côté la chair et la chair seulement et de l’autre le sang et le sang seulement. Il y a sous les apparences du pain comme sous celle du vin, toute la personne du Christ : corps, sang, âme et divinité.

Certains sacrifices prescrits par la Loi donnaient aux Juifs l'obligation ou la possibilité de manger une part de l'animal immolé. C’était leur façon de s’unir à Dieu. La communion eucharistique va plus loin encore. Elle unit le corps et l’âme du Christ aux nôtres. Ainsi, se réalise la parole de saint Paul (Ga 2 20) : "Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi." Ici se pose la question de savoir pourquoi les laïcs ne communient que sous l’espèce du pain. Cette interrogation est légitime, car il pourrait sembler que la communion sous les deux espèces soit la meilleure façon d’être parfaitement fidèle au dernier repas pris par le Sauveur avant sa Passion. C’est oublier que l’Eucharistie n’est pas un simple repas pris en souvenir d’un événement passé, mais le Christ rendu présent substantiellement. Il n’y a pas d’un côté la chair et la chair seulement et de l’autre le sang et le sang seulement. Il y a sous les apparences du pain comme sous celle du vin, toute la personne du Christ : corps, sang, âme et divinité.

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La communion : le pain et le vin

Le corps et le sang du Seigneur, séparés lors de la mort violente sur la Croix, furent réunis au moment de la Résurrection. Le prêtre signifie cela à l’autel en mêlant une petite parcelle de l’hostie au précieux sang présent dans le calice. La communion des fidèles sous la seule espèce du pain n’est donc pas une communion "amputée", incomplète ; elle ne diminue en rien les grâces reçues. Jusqu’au XIVe siècle, la communion sous les deux espèces était d’usage habituel. La communion au calice se raréfie ensuite pour des raisons pratiques : risque de profanation, d’accidents. Le concile de Trente (1545-1563), qui réaffirme les grandes vérités catholiques, attestera la légitimité de la communion des fidèles sous la seule espèce du pain sans pour autant proscrire totalement la communion sous l’espèce du vin. C’était une façon pour l’Église romaine de faire comprendre que la présence réelle du corps et du sang du Christ est effective sous chacune des deux espèces. Les églises orientales conserveront l’usage antique.

Pourquoi du vin blanc comme vin de messe ?

Une autre interrogation porte sur la couleur du vin utilisé pour la consécration. Il faut d’abord insister sur le fait que le vin de messe ne répond pas à une méthode ou une recette particulière comme le vin casher, par exemple. Il doit être exclusivement issu de raisins fermentés et le plus naturel possible. Il est aujourd’hui le plus souvent blanc pour des raisons pratiques afin de ne pas tacher le linge d’autel, et moelleux car ainsi la bouteille entamée se conserve mieux. La couleur rouge semblerait plus indiquée car elle se rapproche de celle du sang, mais dans les faits cela importe peu. Rien ne permet d’ailleurs d’affirmer que le vin de la Sainte Cène était un vin rouge. On peut même penser le contraire quand on considère la nature des vins dans l’Antiquité. Les couleurs blanche ou rouge sont des accidents du vin, c’est-à-dire des aspects de la substance auxquels il ne faut pas prêter plus d’attention qu’ils ne le méritent. 

Ce qui compte, c’est le caractère profondément vivant du vin qui porte en lui des vertus nourrissantes, réconfortantes et salvatrices. Aucun autre breuvage n’est digne de remplir la fonction qui lui a été assignée par le Christ lui-même. Il me semble également que la qualité et la noblesse du vin sont des facteurs à ne pas négliger. Pour honorer Dieu et accomplir un si grand mystère, comment le prêtre pourrait-il choisir un vin médiocre ? L’anecdote est bien connue mais il convient de la rappeler : le cardinal de Bernis, ministre des Affaires étrangères du roi Louis XV, puis ambassadeur de France à Rome, disait n’utiliser pour la messe que du très bon vin de Meursault par crainte, assurait-t-il, que Dieu ne le voit faire une grimace en communiant. 

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