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Véronique Devise : “La crise sanitaire interroge nos façons de faire”

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Distribution de petits-déjeuners à des sans-abri, Toulouse.

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Agnès Pinard Legry - publié le 15/06/21
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Nouvelle présidente du Secours catholique, Véronique Devise revient pour Aleteia sur ce qu’est la pauvreté et comment le Secours catholique s’inscrit dans la lutte contre la pauvreté hier comme aujourd'hui.

C’était une nomination attendue. Qui allait être choisie pour succéder à Véronique Fayet à la présidence du Secours catholique ? C’est une autre Véronique, Véronique Devise, assistante sociale de 57 ans originaire du Nord-Pas-de-Calais et bénévole au sein de l’association depuis quinze ans, qui a répondu à l'appel. Sa candidature, officiellement ratifiée lors de l’assemblée générale ce mardi 15 juin, n’a rien du hasard. Femme de terrain, elle a longuement hésité avant de répondre à cet appel. "J’ai dit oui pour continuer à lutter contre la pauvreté et ses causes mais j’ajouterai avec les pauvres. Avec et à partir des pauvres", confie-t-elle à Aleteia. Entretien.

Aleteia : Quel est le rôle d’une association comme le Secours catholique dans une société comme la nôtre ?
Véronique Devise : Le Secours catholique est une main tendue vers toute les personnes marginalisées, exclues ou isolées. Son rôle est de jeter des ponts entre les personnes qui sont loin de tout, de tendre la main et de leur dire : "On a besoin de vous". Plus qu’une affirmation, c’est une conviction : nous avons vraiment besoin des personnes qui ont connu la pauvreté, de leur savoir, on appelle cela le savoir expérientiel, pour lutter le plus justement contre les causes de la pauvreté. On ne connait jamais vraiment la pauvreté tant qu’on ne l’a pas vécue personnellement. De nombreuses décisions sont prises en matière de lutte contre la pauvreté et les personnes qui les prennent pensent certainement bien faire mais elles ne sont pas forcément adaptées, attendues par les personnes en situation de pauvreté. Prendre les décisions les plus ajustées nécessite selon moi que l’on soit capable d’écouter, à un moment donné, ce savoir, qu’il soit pris en compte et que les décisions soient prises à partir de ce que ces personnes nous disent. Le rôle du Secours catholique dans une société comme la nôtre ? Accompagner les pauvres dans cette prise de parole, leur faire comprendre qu’ils ont quelque chose à nous dire, les écouter, les accompagner, les aider à former cette pensée collective et porter cette parole dans les différentes institutions de notre pays. Quand on parle de révolution fraternelle (le slogan du Secours catholique, ndlr), on parle de vivre cette amitié sociale avec les plus pauvres et on espère qu’un jour cette amitié sociale révolutionne la société. C’est là le projet associatif du Secours catholique.

Comment définiriez-vous la pauvreté ?
La pauvreté est multiple. Il y a la pauvreté matérielle bien sûr qui est pour certains la première des pauvretés. Mais pour moi il n’y a pas forcément de hiérarchie des pauvretés. La pauvreté peut être matérielle, culturelle, sociale… Elle est beaucoup plus large et souvent les personnes cumulent différentes formes de pauvreté. Quelqu’un qui se trouve dans une pauvreté matérielle peut être dans une pauvreté de réseau. Il s’isole et cela se transforme en pauvreté sociale, en pauvreté affective… Si la pauvreté peut s’installer sur plusieurs années voire plusieurs générations, il y a aussi parfois un engrenage infernal de la pauvreté. Le Secours catholique prend en compte ces différentes dimensions et je pense que c’est le juste chemin à suivre. On ne peut pas sortir de la pauvreté uniquement avec quelques aides financières. Il faut un accompagnement supplémentaire.

Nous avons observé qu’il y avait chez les jeunes professionnels un vrai désir de générosité, de solidarité.

Vous êtes entrée au Secours catholique en tant que bénévole en 2006. Avez-vous observé une évolution des missions de l’association ?
Les orientations sont les mêmes et c’est une bonne chose : lutter contre la pauvreté prend du temps ! Le Secours catholique a choisi d’emblée de s’associer avec les plus pauvres pour construire ensemble une société plus juste et plus fraternelle. Cela ne se fait pas en un ou deux ans ! Si les intuitions sont bonnes depuis longtemps, je pense que nous pouvons aller plus loin dans cette association avec les plus démunis. C’est difficile car cela nécessite aussi une révolution personnelle, une conversion personnelle. Cela veut dire que j’ai moi aussi mes vulnérabilités, que je les accepte, et que je peux rejoindre l’autre dans ses vulnérabilités.

La crise sanitaire a-t-elle ou va-t-elle changer quelque chose pour le Secours catholique ?
La crise sanitaire a interrogé nos façons de faire. Jusqu’à présent, les bénévoles allaient un peu vers les personnes précaires mais nous attendions aussi beaucoup de ces personnes qu’elles se rendent dans nos permanences d’accueil. Avec la crise sanitaire les équipes sont allées vers les personnes en situation de pauvreté parce qu’il s’est avéré qu’au sein des services sociaux beaucoup de monde s’était retiré et qu’il devenait difficile d’avoir de l’aide. Il y a eu un renversement très intéressant, aller vers les familles en situation de pauvreté a changé la relation. Le deuxième changement s’est observé au niveau de nos équipes. Nombre de bénévoles du Secours catholique ont plus de 70 ans. Pour des raisons évidentes de santé, elles ont dû se mettre en retrait. Mais de nouvelles solidarités sont arrivées avec des personnes plus jeunes qui ont eu envie d’aider. Nous avons observé qu’il y avait aussi chez ces jeunes professionnels un vrai désir de générosité, de solidarité. L’un des enjeux pour les prochains mois et les prochaines années va être de se saisir de cette crise sanitaire pour se réinterroger sur l’accueil de ces bénévoles, qui sont en activité professionnelle, et la manière dont ils peuvent concilier leur travail et une mission au sein du Secours catholique.

Quelle est votre espérance ?
Je suis de nature optimiste donc j’ai l’espérance d’être un relai pour une société juste et fraternelle. Bien sûr il y a des fractures et la crise sanitaire en a accentué certaines. Mais il ne faut pas réduire les personnes à leurs difficultés, leurs fautes ou leurs incompréhensions. En chacun de nous on peut appeler ce fond de l’homme qui est bon et qui peut donc nous donner l’espérance que le monde sera meilleur demain. Et je pense qu’il est en route. Et puis au Secours catholique, on vit l’espérance chaque jour : l’association fonctionne avec 60.000 bénévoles qui agissent chaque jour pour repousser la pauvreté et essayer de porter la fraternité et quelque 500.000 donateurs qui nous permettent de porter nos actions et d’aider 1,5 million de personnes chaque année. C’est un sacré gage d’espérance !

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