Ces dernières années, de nombreux catholiques se sont engagés dans des partis politiques, par exemple à l’UMP avec Sens commun ou au Parti socialiste avec Les poissons roses. Ils se sont en quelque sorte attaqués à des forteresses imprenables : il semble en effet inaccessible de transformer de l’intérieur des partis qui, désormais, ne sont plus que des cartels électoraux pour ambitieux sans convictions durables. De cette expérience difficile, voire douloureuse, nous pourrions tirer la conclusion qu’il est préférable d’aller cultiver son jardin plutôt que de s’intéresser à la politique. À contrecourant de ce désenchantement, l’éditrice et chroniqueuse Clotilde Brossollet publie chez Mame un essai intitulé Catholiques de tous les partis, engagez-vous !
L’auteur aborde le lien entre l’engagement politique et la vocation du laïc, sa place dans l’ordre temporel, la nécessité eschatologique de la politique — parce que « la politique est au service de l’économie du Salut » —, l’éthique de l’action politique et bien sûr la boussole de la doctrine sociale de l’Église. Et Clotilde Brossollet appelle à « franchir le pas et entrer en politique ». Se pose alors la question de savoir ce que les catholiques pourraient apporter de spécifique à la politique.
Il est vrai que la révolte des Gilets jaunes a manifesté que tant de choses dont notre pays manque cruellement sont dans le trésor de la doctrine sociale catholique
Dans un essai intitulé Brève apologie pour un moment catholique, publié en 2017 chez Grasset, l’académicien Jean-Luc Marion avait insisté sur la capacité d’amitié politique des catholiques et le sens de la communion inscrite dans le christianisme. De fait la France en a bien besoin, elle dont la communauté politique se défait sous nos yeux. Clotilde Brossollet prend en exemple la crise des Gilets jaunes, la qualifiant d’occasion manquée pour la doctrine sociale de l’Église : « Le phénomène social des Gilets jaunes, écrit-elle, n’a pas été uniquement une jacquerie fiscale moderne, il a été le symbole d’une rupture totale du lien de confiance entre le élites politiques et médiatiques et le peuple de la France périphérique. […] Certains chrétiens se sont sentis concernés par ce cri de colère et seule une infime minorité a eu conscience que la réponse à cette colère se trouvait dans la doctrine sociale de l’Église. »
Il est vrai que la révolte des Gilets jaunes a manifesté que tant de choses dont notre pays manque cruellement sont dans le trésor de la doctrine sociale catholique : destination universelle des biens, rôle essentiel des corps intermédiaires, subsidiarité, participation de tous au bien commun, dignité du travail, etc. Le travail a précisément constitué « l’une des revendications majeures des Gilets jaunes », souligne l’auteur. En effet, les habitants de cette France périphérique profonde, courageuse et laborieuse, demandent avant tout à pouvoir vivre dignement du fruit de leur travail, là où ils ont leurs attaches, leurs familles, leurs affections, dans ces petits pays de France déclassés et délaissés.
Il revient aux catholiques d’en prendre pleinement conscience pour regarder au-delà de leur propre condition sociale et rejoindre les aspirations de cette sociologie des profondeurs. Voici l’une des conditions majeures qui pourrait permettre de refaire ce peuple de France aujourd’hui fragmenté au plan culturel, social et géographique. C’est une œuvre de communion, une œuvre qui a besoin de l’apport des catholiques. L’heure est bien à l’engagement.
Catholiques, engagez-vous, par Clotilde Brossolet, Mame, mai 2021.