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Marié et père de famille installé dans les environs de Toulon, Raymond Manna en aura surpris plus d’un tout au long de sa vie. Ancien bassiste du groupe de rock Trust, il a vécu une conversion détonante. Il a 11 ans quand sa mère décède, probablement d’un cancer. Et il n’a qu’une envie, « casser la gueule à Dieu ». Un an plus tard, vers 1964, son père meurt à son tour. Destination la Dass, famille d’accueil et pensionnats. Raymond Manna a dans la voix cette sincérité qui va droit au but, d’un cœur ouvert et vif, et auquel l’affection lui gagne immanquablement. Il passe l’année 1968 au lycée, avec les cancres, avant de se faire virer. Pour passer le temps, et justifier le fait de faire le mur — l’école, très peu pour lui —, Raymond Manna se met à la guitare grâce à celle d’un ami. À cette époque, à Colombes (Hauts-de-Seine), ils sont une bande de 30 ou 40 à faire de la musique. Parmi eux, certains vont avoir une grande notoriété, ils participeront au groupe de Michel Polnareff avant de monter le groupe Il était une fois (“J’ai encore rêvé d’elle”).
De son côté, Raymond Manna monte deux groupes successifs. D’abord le groupe Taxi, puis celui qui l’a fait connaître, Trust (“Antisocial”, “Le Mitard”, “Police milice”). À la rue, il dort à droite à gauche chez des amis, avant d’être recueilli par un chef d’entreprise et père de onze enfants, qui le prend chez lui comme son fils. Grâce à lui, il est embauché dans une caisse de retraite complémentaire et retrouve ses amis le soir, tard, pour répéter à l’Olympia. C’est un peu sa cour de récréation. Le reste du temps, le week-end, il est DJ à la Taverne de l’Olympia. Très vite, Bruno Coquatrix, le directeur de l’Olympia, les aide à signer dans la même maison que le groupe Téléphone. Et le succès arrive.
Durant toutes ces années, il est toujours en dialogue avec Dieu, « mais il est très rugueux » reconnaît-il volontiers. L’année 1992, après plusieurs années dans la production et à tenir la boîte La Locomotive, il se retrouve Porte de Saint-Cloud. À 7h15 tapante il boit son café dans un bar, un joint au bec, en jouant au flipper. "Tout à coup, quelqu’un me tape sur l’épaule gauche", il se retourne : personne. Il continue sa partie. "On me retape sur l’épaule, je me retourne et toujours personne". Il met cela, de bonne foi, sur le compte de son herbe. La troisième fois, il s’adresse plutôt au barman : "C’est vous qui me tapez sur l’épaule? » — « Ah non, je n’ai pas bougé de mon coin". Et là, sans savoir pourquoi, il "laisse son joint et son café" et sort. En face, il y a une église. "Mais une moche, tout en béton", précise-t-il. Il traverse, tout en se demandant ce qu’il fait et, enfin, il entend de la musique : une messe a commencé.
Veste en cuir sur le dos, un tigre plaqué derrière, pantalon léopard, chaussures compensées et cheveux jusqu’aux fesses, il pousse la porte de l’église. "Je n’en sortirai plus jamais". Il interroge une dame âgée : "Il n’y a pas une histoire avec la confession ?", lui demande-t-il. "Mais si, c’est tous les jeudi après-midi", lui répond-t-elle du tac-au-tac. Jeudi arrive et il attend son tour. Une fois installé, le prêtre lui dit : "Parlez mon fils". Et il se met à parler, mais de tout. Ce qui déclenche la colère du prêtre qui quitte bientôt sa chaise, hors de lui. "Je ne le tape pas à l'époque, parce qu’il me faisait rire", se souvient-il. "Vous ne vous êtes donc jamais confessé ?! Vous avez fait votre communion ?", lui demande alors le prêtre. "Non, qu’est-ce que c’est ?" lui répond Raymond Manna.
À partir de là, tous les jours, Raymond Manna se rend au rendez-vous de la messe matinale. Un jour, à Brétigny-Sur-Orge, après avoir raconté son histoire à un prêtre, le père Luc Crépy (désormais évêque de Versailles), ce dernier lui propose de préparer sa première communion. Il sort un rouleau de billets : "C’est combien ?" — "Mais non, ça ne se passe pas comme ça. Viens tous les mercredi après-midi", lui lance le prêtre.
Aujourd’hui, ce que je suis je le dois au Seigneur.
Lors de la première réunion, il vit enfin sa première vraie confession ; il pleure, en ressort profondément heureux. Pendant dix mois, il fera les trajets chaque mercredi de Paris, à 70 kilomètres. Plus tard, il s’attache à la paroisse Saint-Laurent (Xe arrondissement) où il sympathise avec le curé qui le prépare à la confirmation. Pendant dix ans, c’est là aussi qu’il se démène pour les sans-abri et passe une partie de son temps auprès d'eux. "Maintenant j’en suis sûr, Dieu m’a permis d’avoir une vie particulière parce qu’il avait un plan pour moi. Quand Il nous crée, Il nous crée dans son Amour. Et Il déroule son plan", déclare-t-il avec une telle certitude dans la voix, comme s’il parvenait à voir Dieu à chaque fois, là où Il est vraiment.
Cela n’a pas été toujours aussi limpide pour lui, il a d’abord dû régler ses affaires avec Lui. Et de rétorquer souvent : "Tu m’as envoyé nager mais tu m’as mis des boulets aux pieds." Jusqu’à comprendre que Dieu ne lui a jamais fait de mal et qu’Il a tous les droits. C’est sans doute la confiance naturelle qu’il a en la vie et en Dieu qui l’a sauvé et guidé, car la peur n’a jamais dicté sa vie. "Dieu accompagne tout le monde, y compris dans la pire des situations. Qui peut dire le contraire ? Personne. Aujourd’hui, ce que je suis je le dois au Seigneur. Il ne peut rien m’arriver. Parce que je sais où je vais et comment j’y vais." C’est pour cette raison qu’il a très tôt quitté la scène musicale, ne voyant vite aucun intérêt à jouer sur commande, ou à vivre le succès. "Ce que je veux c’est Là-haut. La seule chose qui m’intéresse est de faire le plan de Dieu", résume-t-il aussitôt.