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L’art difficile de gouverner, avec humilité

MACRON,PRESS CONFERENCE
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Christian Venard - publié le 28/01/21
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L’exercice du pouvoir est un art difficile qui ne va pas sans le devoir de rendre des comptes, et d’être jugé par ses électeurs. Il fut un temps, lointain certes, où jeune homme, j’étudiais entre Sorbonne et Panthéon, la Révolution française, l’histoire des idées politiques et la philosophie politique… Où mes propres recherches universitaires, la confrontation avec des historiens-penseurs comme Augustin Cochin, François Furet, Pierre Chaunu et quelques autres, me poussait à me passionner pour l’histoire et la théorie de la représentation politique en France du Moyen Âge à l’époque moderne. Qu’on permette donc, au prêtre que je suis devenu, de revenir à ses premières amours et d’oser une incursion en politique fondamentale.

“66 millions de procureurs”

Étrange coïncidence, paradoxe français : c’est le jour anniversaire de la mort de Louis XVI, condamné par des révolutionnaires, à une voix près ; c’est le jour où des députés transformés en procureurs, selon le mot même de Robespierre — “Louis ne peut donc être jugé, il est déjà condamné ; il est condamné ou la République n’est point absoute”  —, c’est donc ce jour-là, qu’un président de la République, élu au suffrage universel, osa déclarer en pointant du doigt ses mandants qu’ils étaient devenus “66 millions de procureurs”.


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On pourra toujours — et les commentateurs depuis ne s’en sont pas privé — ergoter sur l’erreur de la petite phrase, le parallèle avec “66 millions de consommateurs”, le “libre propos devant une assemblée étudiante”… On pourra même reprocher mon raccourci entre la “république” de Robespierre et celle de M. Macron. Il n’en reste pas moins que la formule utilisée par le chef de l’État en dit long sur le délabrement de la pensée politique.

Au nom du peuple

Comment un président de la Ve République a-t-il pu arriver, en quelques mots, à nier l’essence même de la démocratie ? Voilà qui est plus qu’une bizarrerie. C’est un signal. Dangereux. Le fondement du pacte républicain français n’est-il pas le passage de la souveraineté, résidant en son entier en la personne du roi sous l’Ancien Régime — que l’on se rappelle à ce sujet les crises, tout au long du XVIIIe siècle — entre le pouvoir royal et le prétendu pouvoir des magistrats du Parlement — au peuple, et à lui seul ? Quand le roi décidait seul, en son conseil, de mener la guerre avec ses armées, la République transforme chaque citoyen en soldat et l’oblige au combat. Quand le roi choisissait, seul, ses ministres et les révoquait, la République, passe par les urnes pour demander, à chaque citoyen — exerçant sa souveraineté —, de la déléguer temporairement à des représentants élus. Quand la justice, sous la monarchie était rendue « au nom du roi », c’est bien désormais au nom du peuple, de “66 millions de procureurs”, qu’elle l’ait désormais.

Un ouvrage de raison

Ainsi, en s’en prenant à 66 millions de citoyens, en leur déniant le droit d’être des “procureurs”, le président Macron semble vouloir s’affranchir d’une des règles démocratiques de base : il ne tient son pouvoir — temporairement — que du peuple ; et le, peuple — c’est-à-dire chaque citoyen — est en droit absolu de juger de ses actions et de lui en demander des comptes. Certes, il n’a jamais été dit que gouverner le peuple français ait été une sinécure. De Richelieu en son Testament politique, à De Gaulle dans nombre de ses interventions, de Louis XIV à Tocqueville en passant par Hyppolyte Taine, tous ont noté le tempérament ombrageux du peuple français, la difficulté de le conduire, sa propension à la division… L’actuelle crise économique, politique, sanitaire — et ne l’oublions pas morale — est d’une particulière âpreté pour les gouvernants français. La tempête qu’affrontent le président Macron et son gouvernement n’est pas des moindres.

Pour autant, il reste difficile d’accepter que le garant de l’État de droit, le chef des armées, le « monarque républicain élu au suffrage universel », se laisse aller à ses humeurs, et à ses habituelles petites phrases condescendantes ou provocantes vis-à-vis de ceux grâce auxquels il détient un pouvoir aussi grand. Si, selon les mots de Bossuet, “le gouvernement est un ouvrage de raison et d’intelligence“, l’on souhaite alors que le président français et son entourage recouvrent au plus vite l’une et l’autre, ainsi qu’une forme d’humilité bienveillante pour les 66 millions de… Français qu’ils dirigent.

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